OpenAI et Microsoft rattrapés par l'antitrust
Et aussi: Nouvelle levée de fonds pour Mistral AI - L'Europe trouve un accord sur la régulation de l'IA
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Dans le procès opposant Google à Epic Games, le jury vient de donner raison à l'éditeur de Fortnite, estimant que le moteur de recherche jouissait bien d'une position de monopole dans la distribution d’applications mobile. Google devrait logiquement faire appel. Plus d’informations demain matin dans Cafétech.
Pourquoi Microsoft et OpenAI se retrouvent dans le collimateur des gendarmes antitrust
Ces dernières semaines, Microsoft n’a cessé de minimiser son rôle dans le retour de Sam Altman à la tête d’OpenAI, quelques jours seulement après sa spectaculaire éviction par le conseil d’administration. Et pour cause: le géant de Redmond se sait observé par les autorités de la concurrence, qui s’interrogent sur ses relations très étroites, aussi bien capitalistiques que commerciales, avec le concepteur du robot conversationnel ChatGPT. Vendredi, cette menace a commencé à se matérialiser avec l’ouverture d’une consultation publique par la Competition and Markets Authority (CMA) britannique, une première étape avant une potentielle enquête formelle. Aux États-Unis, la Federal Trade Commission examinerait aussi le dossier, selon l’agence Bloomberg. Et en Europe, la Commission explique le suivre de “très près”.
Plus de dix milliards investis – Les liens entre les deux entreprises remontent à 2019. À cette époque, OpenAI vient tout juste d’abandonner son but non lucratif, créant une société à profits plafonnés. Et cherchant des fonds pour financer l’entraînement de ses modèles d’intelligence artificielle générative. Microsoft lui apporte alors un milliard de dollars, dont une partie en crédits cloud, lui permettant d’utiliser son infrastructure informatique. Début 2023, le groupe a promis d’injecter dix milliards supplémentaires, ce qui lui permet aujourd’hui de contrôler près de la moitié du capital de la structure commerciale. En échange, il va capter la moitié des profits, jusqu’à ce qu’il récupère sa mise de départ. Surtout, Microsoft a obtenu le droit d’être le seul fournisseur de cloud à pouvoir proposer les modèles d’OpenAI à ses clients.
“Évolutions récentes” – Face à ces relations “étroites et multifacettes”, la CMA cherche à déterminer si Microsoft exerce un contrôle sur OpenAI, sans l’avoir officiellement racheté. Dans ce cas de figure, ce partenariat pourrait être considéré comme une acquisition déguisée. Et ainsi être soumis aux règles qui s’appliquent lors d’un rachat. Le gendarme britannique devra alors étudier l’impact sur la concurrence “dans le développement ou l’utilisation des modèles fondamentaux”. Il pourra ensuite exiger des mesures correctives. Si les liens entre les deux sociétés ne sont pas nouveaux, le retour de Sam Altman a changé la donne aux yeux des autorités antitrust. La CMA justifie ainsi sa procédure de consultation par les “évolutions récentes dans la gouvernance d’OpenAI, dont certaines impliquent Microsoft”.
Simple observateur ? – Juste après l’éviction du patron de la start-up, Satya Nadella, le directeur général de Microsoft, a œuvré en coulisses pour lui permettre de récupérer son poste quelques jours plus tard. Il disposait d’une arme de poids: les milliards de dollars que sa société doit encore verser à la start-up, qui en a besoin pour poursuivre ses investissements. Depuis, le groupe a obtenu un siège d’observateur, sans droit de vote, au sein du futur conseil d’administration. Non seulement ce siège lui permettra de savoir ce qu’il se passe à la tête d’OpenAI, alors qu’il avait été averti à la dernière minute du renvoi de Sam Altman. Mais il pourrait aussi lui permettre d’influencer, voire d’imposer, des décisions. “C’est très différent d’une acquisition”, assure cependant Brad Smith, le président de Microsoft.
Pour aller plus loin:
– OpenAI abandonne le développement de son dernier modèle de langage
– Les coûts de l’IA menacent de freiner son adoption
La start-up française Mistral AI lève 385 millions d'euros pour son IA open source
Mi-novembre, lorsqu’il tente de rassurer ses investisseurs qui s’inquiètent d’une trop grande dépendance à OpenAI, Satya Nadella, le patron de Microsoft, cite deux autres modèles d’intelligence artificielle générative: Llama 2, conçu par Meta, la maison mère de Facebook, et Mistral, développé par la start-up éponyme. À peine six mois après sa création, l’entreprise française a réussi à s’imposer comme une alternative crédible aux leaders américains du marché en faisant le choix de l’open source. Lundi, son nouveau statut s’est concrétisé par une levée de fonds d’envergure, de 385 millions d’euros, auprès notamment du prestigieux fonds américain Andreessen Horowitz et du fabricant de cartes graphiques Nvidia. Et par une valorisation de deux milliards de dollars. Du jamais vu pour une start-up aussi jeune en France.
Anciens de Google et Meta – En juin, Mistral AI avait déjà récolté 105 millions d’euros. Des sommes indispensables pour créer, comme le souhaite son patron Arthur Mensch, un “champion européen avec des ambitions mondiales”. Concevoir des modèles d’IA générative nécessite en effet une immense puissance de calcul informatique, qui se traduit par des factures gigantesques. Sans compter les salaires élevés des meilleurs experts dans le domaine. Portés par l’euphorie des investisseurs pour cette technologie, les acteurs du secteur multiplient donc les levées de fonds. Mistral AI dispose de deux arguments. D’une part, le CV de ses trois créateurs, anciens de DeepMind et de FAIR, les réputés laboratoires de Google et Meta en IA. D’autre part, le pari de l’open source, un choix à contre-courant de ses rivales.
Nouveau modèle – Ce choix est considéré par les dirigeants de Mistral AI comme le seul moyen de pouvoir “créer une alternative crédible à l’oligopole émergent de l’IA”, composé d’OpenAI, soutenu financièrement par Microsoft, de Google, de Meta, ou encore d’Anthropic, alliée avec Amazon, qui disposent de ressources bien plus considérables. En octobre, la start-up a lancé son premier grand modèle de langage. Un modèle de petite taille disponible gratuitement et sans restriction pour tous les développeurs. Lundi, elle a annoncé un deuxième modèle, qu’elle présente comme plus performant que la version la plus puissante de Llama 2, elle aussi (en partie) open source, tout en étant six fois plus rapide pour générer des réponses – ce qui se traduit par des économies dans les coûts de fonctionnement.
Offre commerciale – Mistral AI voit encore plus loin. La société indique avoir conçu un prototype encore plus performant, faisant beaucoup mieux que GPT-3.5, le modèle d’OpenAI qui alimente la version gratuite de son robot conversationnel ChatGPT. Cette annonce donne corps à sa promesse de “réduire l’écart de performance” avec les IA génératives fermées d’OpenAI ou Google. À terme, Mistral AI ambitionne d’offrir une gamme de produits spécialisés et adaptés à différentes utilisations, devant optimiser les coûts de fonctionnement – les petits modèles demandent moins de puissance pour générer du texte. La start-up veut aussi bâtir son offre commerciale. Mercredi, elle a lancé, en test, ses premières API payantes permettant aux développeurs d’utiliser ses modèles pour créer des services d’IA.
Pour aller plus loin:
– Pour contrer ChatGPT, Amazon parie sur une intelligence artificielle française
– Entre catastrophisme et espoir, la French Tech navigue à vue
L’Europe trouve un accord sur la régulation de l'IA générative
Les négociations ont été longues. Mais elles ont finalement abouti. Vendredi, les représentants de la Commission, du Parlement et du Conseil européens sont parvenus à un accord sur l’AI Act, un projet de réglementation de l’intelligence artificielle. Et notamment des modèles d’IA générative, dont les progrès rapides suscitent des inquiétudes. Le texte approuvé par les trois parties n’a pas été rendu public. Il est donc impossible de savoir les concessions obtenues par la France, l’Allemagne et l’Italie, qui avaient exprimé leurs réserves sur certaines mesures, craignant de pénaliser les start-up du continent au profit des géants américains. Les trois pays réclamaient notamment de ne pas réguler les modèles fondamentaux, mais seulement les services d’IA qui les utilisent. Ce texte de compromis doit encore être approuvé par les eurodéputés et les gouvernements des Vingt-Sept. Il entrerait alors entièrement en vigueur en 2026.
Pour aller plus loin:
– L’Europe se déchire sur la régulation de l’IA générative
– Le double discours d’OpenAI sur la régulation de l’IA
Crédit photos: Microsoft - DALL-E