OpenAI menace l'Europe... et fait marche arrière
Et aussi: Les implants cérébraux de Neuralink bientôt testés sur des humains
Le double discours d'OpenAI sur la régulation de l'IA
C'est une petite phrase qui en dit long. Derrière les grands discours sur la nécessité de réguler l'intelligence artificielle générative, Sam Altman a exprimé jeudi ses "nombreuses inquiétudes" sur le projet de règlement encore en discussion en Europe. “Les détails seront importants. Nous essayerons de respecter les règles mais si nous ne pouvons pas, nous cesserons d’opérer”, a expliqué le patron d'OpenAI, le concepteur du robot conversationnel ChatGPT, en tournée sur le continent. Des propos considérés comme une tentative de "chantage" par Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur. Et qui ont poussé Sam Altman à rétropédaler dès le lendemain, assurant que la start-up américaine n'avait "bien entendu aucun projet de quitter" l'Europe.
Peser sur la régulation - Véritable menace ou simple erreur d'interprétation, la déclaration de Sam Altman contraste avec son audition mi-mai devant le Sénat américain. Le dirigeant y avait exposé ses craintes en cas de développement non maîtrisé de cette technologie, dont les progrès rapides sont illustrés par ChatGPT ou encore le générateur d'images Midjourney. Il avait aussi réclamé l'aide des gouvernements, estimant que leur rôle devait être "essentiel" pour limiter les risques. Son double discours témoigne cependant d'une réalité: si le responsable d'OpenAI milite pour l'instauration d'un cadre réglementaire sur l'IA générative, c'est avant tout pour peser sur les futures mesures qui seront adoptées. Et ainsi tenter d'en limiter leur portée, voire d'en profiter.
Licences - Sam Altman multiplie ainsi les propositions. Il s'est prononcé pour un système de licence, délivrée aux entreprises développant des modèles sophistiqués d'IA. Une idée, depuis reprise par Microsoft, le premier actionnaire d'OpenAI, qui pourrait handicaper les petites start-up et surtout les projets open source, concurrents potentiels du créateur de ChatGPT. Sam Altman propose aussi de créer une autorité internationale, "capable d'inspecter les systèmes, d'exiger des audits, de tester la conformité et d'imposer des restrictions". Mais il milite pour que ce régulateur ne se penche que sur les prochains services d'IA. Et pas sur les modèles actuels, qui présentent selon lui des “risques comparables" à Internet et qui font déjà l'objet d'une réponse "appropriée" par la société.
"Surréglementation" européenne - Pour Sam Altman, en revanche, la version actuelle du projet d'encadrement européen reviendrait à "surréglementer". Connu sous le nom d'IA Act, ce texte a été présenté en 2021. Mais il a dû être modifié pour introduire de nouvelles mesures liées à l’émergence des IA génératives. Les parlementaires ont récemment trouvé un accord. Ils proposent notamment l'obligation de déclarer si des textes, des images ou des musiques protégés par le droit d'auteur ont été utilisés pour entraîner les modèles d'IA. Ce qui pourrait permettre aux détenteurs de droits de saisir la justice pour tenter d’être rémunérés pour les contenus utilisés sans leur consentement. Le projet doit encore être examiné par la Commission et le Conseil. Son adoption est espérée avant la fin de l'année.
Pour aller plus loin:
- ChatGPT fait perdre plus de 500 millions de dollars à OpenAI
- Elon Musk lance une start-up d'IA pour concurrencer OpenAI
Neuralink va tester ses implants cérébraux sur des humains
Après plusieurs refus et autant de promesses non tenues, Neuralink a enfin obtenu le feu vert des autorités sanitaires américaines pour tester ses implants cérébraux sur des humains. L'information, partagée par la start-up d'Elon Musk, n'a pas été confirmée, ni démentie, par la FDA, qui ne communique pas sur les autorisations d'essais cliniques. Elle représenterait une étape importante, alors que le régulateur avait soulevé, selon l'agence Reuters, des dizaines de problèmes, comme la fiabilité de la batterie ou les risques liés à la pose, une procédure particulièrement invasive, qui requiert de découper un trou dans le crâne. Neuralink a ouvert une campagne de recrutement de volontaires, limitée aux patients souffrant de paraplégie, de cécité, de surdité et d'aphasie. Mais elle ne s'est pas engagée sur un calendrier.
Soigner Alzheimer - Fondée en toute discrétion à l'été 2016, Neuralink ambitionne de concevoir une interface cerveau-ordinateur, grâce à un petit implant, de la taille d'une petite pièce de monnaie, équipé de milliers d'électrodes. Les premiers cas d'usage doivent être médicaux, permettant par exemple de “réparer les lésions cérébrales qui ont fait perdre une capacité cognitive à une personne”, expliquait Elon Musk en 2017. Il citait alors les maladies d'Alzheimer ou de Parkinson. Fin 2022, lors d'un événement présentant les avancées de sa start-up, il a également promis de s'attaquer à la cécité et à la paralysie. Des promesses qui peuvent sembler "miraculeuses", selon le propre aveu du patron de Tesla. Et qui suscitent de nombreuses réserves au sein de la communauté scientifique.
Capacités humaines - Elon Musk voit encore plus grand: il promet également des utilisations grand public, mais “pas avant 2025”. L’objectif sera alors d’augmenter les capacités humaines, explique-t-il. Cela pourrait permettre de contrôler une machine ou de télécharger ses pensées directement sur un ordinateur. Et donc de communiquer avec un autre humain. “Nous n’aurons plus besoin de verbaliser nos pensées”, anticipe le milliardaire. Depuis 2017, Neuralink mène des tests sur des singes et des cochons. Mais les progrès ont été moins rapides qu'espéré. Et les méthodes employées seraient sous le coup d'une enquête pour maltraitance animale. L'an passé, une association assurait que seulement sept des 23 singes utilisés lors d'essais entre 2017 et 2020 avaient survécu.
Promesses inatteignables ? - Neuralink n'est pas la première société autorisée à tester des implants cérébraux sur des humains. Mais ses rivales, comme la start-up Synchron, ont opté pour des procédures et des appareils moins invasifs. Elles affichent aussi des promesses beaucoup moins ambitieuses, quand celles d'Elon Musk apparaissent inatteignables. Ses détracteurs lui reprochent de multiplier les effets d’annonce, survendant des avancées déjà réalisées dans le monde académique. Et faisant miroiter des applications médicales encore beaucoup trop incertaines. Quand la communauté scientifique espère rétablir quelques fonctions basiques, le milliardaire ne voit, lui, pas de "limites pour restaurer le fonctionnement intégral du corps d'une personne dont la moelle épinière a été sectionnée".
Pour aller plus loin:
- Neuralink rejette les accusations de maltraitance animale
- Theranos, le procès des excès de la Silicon Valley
Crédit photos: Unsplash / Rolf van Root - Neuralink