Nvidia repart à l'offensive
Et aussi: Bruxelles n'abandonne pas le DMA – Le plus gros rachat de l'histoire de Google
Face aux doutes, Nvidia dévoile de nouveaux GPU et assure que les besoins de calcul s’accélèrent
Le lieu n’a pas changé, la forte affluence non plus. Mais le climat, lui, est bien différent. Finie l’euphorie autour de l’intelligence artificielle générative qui avait accompagné la précédente édition de la GTC, la conférence annuelle organisée par Nvidia. L’heure est désormais aux premiers doutes, comme le montre la chute de l’action de la société de Santa Clara depuis son plus haut historique touché début janvier. Le déploiement plus lent qu’espéré de la technologie dans les entreprises et les récentes avancées de la start-up chinoise DeepSeek posent en effet la question de la poursuite du rythme effréné d’investissements dans les data centers. Et en particulier dans les cartes graphiques (GPU) de Nvidia, nécessaires pour entraîner et faire tourner les modèles d’IA. “Nous sommes à un point d’inflexion”, rétorque Jensen Huang, son patron.
1.000 milliards de dollars – “Quasiment tout le monde se trompe, a-t-il poursuivi lors de la keynote d’ouverture de la GTC. La puissance de calcul dont nous avons besoin est au moins 100 fois plus élevée que nous ne le pensions l’an passé”. Pour justifier son optimisme, il cite l’émergence des modèles de raisonnement, qui réfléchissent pour répondre à des questions plus poussées. Et celle des agents IA, capables de remplir, sans aucune intervention humaine, des missions complexes en les découpant en plusieurs tâches. Ces avancées se traduisent par des calculs supplémentaires. Jensen Huang écarte ainsi un ralentissement des investissements. Au contraire, les dépenses dans les data centers vont encore s’accélérer pour dépasser “très bientôt” les 1.000 milliards de dollars – contre 455 milliards en 2024, selon les estimations du cabinet Dell’Oro.
Une puce par an – Pour preuve, ajoute Jensen Huang, les quatre principales plateformes de cloud ont déjà commandé 3,6 millions de nouveaux GPU Blackwell, contre 1,4 million de GPU Hopper en 2024. Lancées en fin d’année, avec quelques mois de retard, les superpuces Blackwell – composées de deux GPU et d’un CPU – ne représentent pas seulement un bond significatif de puissance par rapport à la génération précédente, permettant à Nvidia de reprendre ses distances sur ses concurrents. Elles marquent aussi le point de départ d’une feuille de route visant à doubler le rythme d’innovation, avec un nouveau modèle par an. Mardi, le patron de Nvidia a ainsi confirmé que la version Ultra de Blackwell sera commercialisée au deuxième semestre. Celle-ci doit notamment améliorer les performances pour l’entraînement et l’inférence des modèles de raisonnement
Menaces – Calendrier entériné également pour la prochaine architecture Rubin, qui représentera un “énorme pas en avant”. Elle est attendue en 2026, avant une version Ultra l’année suivante. Celle-ci proposera alors une superpuce composée de quatre GPU, et non plus de deux. Prenant encore un peu plus d’avance, Jensen Huang a aussi révélé le nom de la génération qui sera lancée en 2028: Feynman. Cette feuille de route, globalement sans surprise, ne semble pas encore avoir rassuré les investisseurs de Wall Street, toujours secoués par le séisme provoqué fin janvier par DeepSeek. D’autant plus que deux autres menacent se profilent. D’une part, de potentiels droits de douane additionnels sur les GPU de Nvidia, gravés à Taïwan par TSMC. Ensuite, un possible renforcement des restrictions d’exportation vers la Chine, qui reste l’un de ses premiers marchés.
Pour aller plus loin:
– Nvidia dédramatise après les avancées de DeepSeek
– Malgré un nouveau GPU, les doutes s’accumulent autour de Nvidia
Malgré les menaces américaines, Bruxelles vise Google et Apple dans le cadre du DMA
Les responsables européens avaient promis de ne pas se laisser impressionner par les menaces de Donald Trump. Et ainsi de continuer à faire respecter le Digital Markets Act, le nouveau cadre réglementaire visant les géants du numérique. Mercredi, la Commission a tenu parole. Pour la première fois depuis le retour au pouvoir du président des États-Unis, elle a pris des mesures contre des groupes américains. Elle a d’abord officiellement lancé une procédure contre Google, estimant qu’il continue d’accorder un traitement préférentiel à ses propres services et qu’il continue de limiter la pratique de steering (redirection d’une application mobile vers un site Internet pour réaliser un achat). Bruxelles a aussi imposé des mesures “juridiquement contraignantes” à Apple afin de renforcer l’interopérabilité de ses systèmes d’exploitation iOS et iPadOS.
Commissions élevées – Après un an d’enquête, Bruxelles a finalement conclu que Google ne respectait pas les obligations du DMA. Le géant de Mountain View va désormais pouvoir se défendre, ou proposer des solutions alternatives, afin d’éviter une amende pouvant atteindre 10% de son chiffre d’affaires mondial. Concrètement, la Commission estime que les changements apportés au moteur de recherche ne sont pas suffisants, car les services maison de réservation d’hôtels ou de comparateur de prix restent favorisés par rapport à leurs concurrents. Elle lui reproche également de toujours imposer des restrictions sur le steering, qui permet à des développeurs de ne pas utiliser sa plateforme de paiement. Et de prélever des commissions “dépassant ce qui est justifié” (12 % ou 27% contre 15% ou 30%) lorsqu’un achat est réalisé de cette manière.
Notifications – De son côté, Apple est ciblé dans le cadre de “procédures de spécification”, qui permettent à l’Europe d’imposer des mesures correctives en l’absence de résolution à l’amiable. Bruxelles demande désormais au groupe de Cupertino de renforcer l’interopérabilité d’iOS et d’iPadOS avec les montres connectées, les écouteurs ou les casques de réalité virtuelle. Cela concerne notamment les notifications, l’appairage et la connectivité. Autant de fonctionnalités aujourd’hui restreintes pour les appareils tiers, donnant un avantage important aux produits à la pomme. La Commission impose aussi à Apple que l’interopérabilité soit fournie gratuitement. Et dès le lancement de nouvelles fonctionnalités. Pour cela, la société devra fournir de la documentation technique aux fabricants rivaux sur des options qui ne sont pas encore disponibles.
Premières amendes – Ces deux annonces interviennent dans un contexte de tensions avec l’administration Trump, qui se plaint des sanctions européennes pour les groupes technologiques américains. Ce n’est que le début. Au cours des prochaines semaines, Bruxelles devrait en effet infliger de premières amendes dans le cadre du DMA, dont le montant pourrait être “modeste” selon Reuters. Elles concerneront Apple, poursuivi comme Google pour restreindre le steering sur iOS; et Meta, accusé de ne pas demander l’autorisation de ses utilisateurs avant de partager leurs données personnelles entre ses applications. Deux autres enquêtes préliminaires sont aussi en cours. Amazon est soupçonné de favoriser les produits qu’il vend lui-même sur sa marketplace. Et Apple est dans le collimateur pour limiter le développement de boutiques tierces d’applications.
Pour aller plus loin:
– Le DMA entre dans une deuxième phase, celle des sanctions
– Face aux géants du numérique, le DMA européen inspire de nombreux pays
Google veut racheter la start-up de cybersécurité Wiz pour 32 milliards de dollars
Cela pourrait être la plus importante acquisition jamais réalisée par Google. Mardi, le moteur de recherche a officialisé son intention de racheter Wiz, une start-up spécialisée dans la cybersécurité, devant à terme être intégrée à sa division cloud. Montant de l’opération: 32 milliards de dollars, soit 20 milliards de plus que le chèque signé en 2011 pour Motorola. C’est aussi neuf milliards de plus que la somme proposée cet été. À l’époque, les dirigeants de Wiz privilégiaient une introduction en Bourse, craignant notamment qu’un rachat ne soit bloqué par les autorités de la concurrence. Ce risque existe toujours, malgré le changement d’administration aux États-Unis. Pour éviter un veto, Google promet que les outils de la société, fondée en Israël mais désormais installée à New York, resteront accessibles sur les plateformes de cloud d’Amazon et de Microsoft. Le géant de Mountain View a aussi accepté de verser 3,2 milliards de dollars de Wiz en cas d’échec de l’opération. En 2022, il avait déjà racheté deux spécialistes de la cybersécurité, en particulier Mandiant, avec l’ambition de rattraper Amazon et Microsoft dans le cloud.
Pour aller plus loin:
– Face aux Gafa, l’administration Trump montre les muscles
– Google Cloud porte plainte contre Microsoft auprès de Bruxelles
Crédit photos: Nvidia - Apple