Vers des amendes "modestes" pour Apple et Meta dans le cadre du DMA ?
Un an après son entrée en vigueur, le Digital Markets Act va entrer dans une deuxième phase, celle des sanctions. Mais la Commission européenne ne devrait pas taper aussi fort que lui permet ce nouveau cadre réglementaire visant à renforcer la concurrence dans le numérique. Selon l’agence Reuters, elle ne devrait ainsi infliger que des amendes “modestes” à Apple et Meta. Très loin donc de la pénalité maximale, qui peut atteindre 10% du chiffre d’affaires mondial. Ce choix, qui n’est pas encore définitivement entériné, pourrait être interprété comme une volonté de ne pas accentuer les tensions avec l’administration Trump, qui se plaint des sanctions européennes. Bruxelles préfère mettre en avant la volonté de coopérer avec les entreprises, pour les pousser à changer leurs pratiques plutôt que de se lancer dans une bataille judiciaire.
Tester les limites – Le DMA marque une rupture historique pour les autorités antitrust, essayant d’agir a priori, plutôt qu’a posteriori pour lutter contre des pratiques anticoncurrentielles. Le texte concerne seulement sept géants du numérique, baptisés “contrôleurs d’accès”. Et seulement 24 de leurs services, comptant plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels sur le continent. Cependant, il ne fixe que de grands principes, sans mentionner de règles précises. Il laisse ainsi une marge de manœuvre aux entreprises pour décider des mesures à mettre en place. Logiquement, celles-ci ont cherché à ne modifier que le strict nécessaire pour tenter d’atténuer l’impact sur leurs activités, quitte à multiplier ensuite les concessions. Elles testent ainsi les limites de la réglementation, mais aussi la détermination de Bruxelles à faire appliquer le DMA.
Procédures – Depuis un an, la Commission a lancé plusieurs procédures contre les “contrôleurs d’accès” afin d’évaluer leur mise en conformité avec le DMA. Meta pourrait être sanctionné pour ne pas demander l’autorisation de ses utilisateurs avant de partager leurs données personnelles entre ses applications – seules les personnes qui souscrivent à un abonnement peuvent s’y opposer. Apple pourrait l’être pour les restrictions imposées aux applications souhaitant rediriger vers leur site Internet pour réaliser un achat. Le groupe à la pomme risque une deuxième amende, sur un dossier encore plus explosif: les boutiques tierces d’applications. Par ailleurs, Bruxelles soupçonne Google d’accorder un traitement préférentiel à ses propres services sur son moteur de recherche. Et Amazon de favoriser les produits qu’il vend lui-même sur sa marketplace.
“Amendes massives” – Pour Bruxelles, ces potentielles amendes ne sont pas une finalité. L’objectif ambitieux du DMA est en effet de rééquilibrer la balance compétitive. Pour le moment, l’impact reste minime. Sur iOS, l’instauration d’un écran de sélection a certes permis aux petits navigateurs de gagner des nouveaux adeptes – en France, Firefox a doublé son nombre d’utilisateurs. Mais Safari d’Apple reste ultra-dominant. Toujours sur iOS, des boutiques alternatives d’applications ont bien vu le jour… quasiment dans l’anonymat. “Il reste encore du travail pour assurer une concurrence équitable”, souligne Kush Amlani, directeur de la réglementation chez Mozilla, l’éditeur de Firefox. Pour Tim Sweeney, le patron d’Epic Games, qui développe le jeu Fortnite, “seules des amendes massives” peuvent pousser les géants de la tech à respecter le DMA.
Pour aller plus loin:
– Mark Zuckerberg demande l’aide de Donald Trump contre l’Europe
– À Bruxelles, Henna Virkkunen reprend les rênes du DMA et du DSA
Comment YouTube a réussi à imposer des abonnements payants
En vingt ans, YouTube a bâti son immense succès sur sa gratuité. Pourtant, la plateforme de vidéo a aussi réussi à imposer des abonnements payants auprès de ses utilisateurs. Si les débuts ont été mouvementés, ses offres Premium et Music viennent ainsi de dépasser la barre des 125 millions de clients – en comptant ceux qui sont encore dans la période d’essai. C’est autant que Disney+. Sur les treize derniers mois, elles ont attiré 25 millions d’abonnés supplémentaires. À titre de comparaison, Spotify en a gagné 27 millions en 2024. Une réussite que “beaucoup considéraient comme impossible”, savoure Lyor Cohen, le responsable de YouTube Music. Recruté en 2016, l’ancien patron de la maison de disques Warner Music a joué un rôle primordial, notamment en remettant de l’ordre dans une politique commerciale particulièrement confuse.
Pas de publicités – YouTube a lancé son premier abonnement en 2014. Baptisé Music Key, celui-ci permet de regarder des clips musicaux sans publicité. Il cohabite avec une plateforme de streaming musical, commercialisée par Google, sa maison mère. Ce genre de doublon est alors courant au sein du groupe de Mountain View pour jongler entre les stratégies de ses différentes équipes. Ces deux offres sont ensuite réunies au sein de YouTube Music, qui propose à la fois des clips et des pistes audios. Le deuxième abonnement est lancé en 2015. D'abord appelé Red puis renommé Premium, il inclut l'offre musicale, retire les publicités sur l'ensemble du catalogue et permet de bénéficier de fonctionnalités additionnelles – comme la possibilité de télécharger des vidéos ou de les regarder dans une fenêtre flottante tout en utilisant une autre application.
Accélération – Les offres payantes de YouTube ont mis du temps à trouver leur public, car il est toujours très compliqué de convaincre des utilisateurs de payer pour une offre à laquelle ils ont pris l’habitude d’accéder gratuitement. Au départ, la plateforme mettait surtout en avant des vidéos réservées aux abonnés. Mais celles-ci n’ont jamais trouvé leur public. En 2020, six ans après leur lancement, les abonnements ne comptent ainsi que 30 millions de clients. La croissance s’accélère rapidement ensuite, peut-être portée par la crise sanitaire. Cette évolution coïncide aussi avec l’arrivée de l’option fenêtre flottante sur les iPhone, qui renforce la proposition de valeur. Plus récemment, la grande offensive de YouTube contre les bloqueurs de publicité semble avoir joué un rôle: le rythme de conquête d’abonnés a progressé depuis.
Nouvelle offre – YouTube profite aussi de son positionnement tarifaire. À 13 euros par mois, son abonnement Premium ne coûte que deux euros de plus que Spotify. En plus d’un catalogue de chansons tout aussi étoffé, il permet donc de bénéficier des autres avantages à petit prix. La société ne précise pas la répartition des abonnés entre ses deux offres. Elle vient par ailleurs de lancer une version allégée, baptisée Premium Lite et commercialisée à 8 dollars par mois aux États-Unis, soit 6 dollars de moins. Celle-ci ne donne pas accès à YouTube Music, ni aux fonctionnalités additionnelles. En abaissant le prix d’entrée, YouTube espère attirer de nouveaux clients. Puis, les convaincre de payer encore plus. “Lors de nos essais, nous avons constaté que plus de membres Lite passaient à YouTube Premium que l’inverse”, assure Lyor Cohen.
Pour aller plus loin:
– YouTube accentue son offensive contre les bloqueurs de publicité
– Aux États-Unis, YouTube et Facebook conservent leur protection juridique
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