Les "PC IA" cherchent leur public
Et aussi: TikTok Shop encore en rodage – La Californie ne régulera pas l'IA
DERNIÈRE MINUTE – OpenAI a officialisé mercredi un tour de table de 6,6 milliards de dollars, sur la base d’une valorisation de 150 milliards. Une somme qui doit lui permettre de continuer à investir malgré de très lourdes pertes.
Microsoft cherche à susciter l'intérêt pour ses PC optimisés pour l'IA
Présentés en grande pompe au printemps par Microsoft, les “PC IA” n’ont pas bouleversé le marché. Et pour cause: leurs fonctionnalités d’intelligence artificielle générative, qui constituent leur principal argument marketing, sont encore extrêmement limitées, voire complètement gadgets. Mardi, le concepteur de Windows a donc introduit de nouveaux outils pour susciter l’intérêt des acheteurs. Il s’agit notamment d’une barre d’outils interactive qui s’adapte au contenu affiché à l’écran, de la possibilité d’augmenter la résolution d’une photo ou encore d’éditer un cliché avec de l’IA. Microsoft va aussi déployer sa fonctionnalité Recall, un historique géant de tout ce qui a été vu ou fait, permettant de retrouver facilement des informations. Son lancement avait été repoussé en raison de craintes sur la protection des données.
IA en local – Officiellement appelées PC Copilot+, ces machines doivent marquer deux ruptures. D’abord, créer des fonctionnalités d’IA générative qui tournent au niveau du système d’exploitation, et plus seulement au niveau des applications. Cette évolution s’annonce cependant lente car de grands éditeurs de logiciel rechignent encore à y participer, privilégiant leurs propres solutions, qui sont le plus souvent payantes. Ensuite, faire tourner les modèles d’intelligence artificielle localement, c’est-à-dire sans aller chercher de la puissance de calcul sur une plateforme de cloud. Ce changement, qui repose sur une nouvelle puce conçue par Qualcomm, est crucial. Il doit permettre de bâtir des applications fonctionnant hors connexion, et surtout ne générant plus de coûts d’inférence, dont la facture peut rapidement grimper.
Relancer les ventes – L’IA représente potentiellement une innovation majeure sur un secteur qui en manque cruellement. Les fabricants d’ordinateurs, comme ceux de smartphones, comptent donc énormément sur ces nouveaux appareils pour accélérer le rebond des ventes, après deux années de chute brutale. Et aussi pour augmenter le prix de vente moyen de 10 à 15%, selon les prédictions du cabinet Canalys. Microsoft estime que 50 millions de PC Copilot+ devraient être vendus en un an, soit environ 20% du marché. L’adoption devrait d’abord être tirée par les entreprises, d’autant plus que beaucoup d’entre elles commencent à remplacer les appareils achetés pendant la pandémie, et doivent anticiper la fin du support de Windows 10. Les analystes d’IDC se montrent moins optimistes, tablant sur 12% des ventes de PC l’an prochain.
Quels usages ? – Pour faire tourner ces services d’IA en local, Microsoft a choisi de basculer vers l’architecture ARM. Une révolution qui met fin au monopole des processeurs x86, cadenassés par Intel et AMD. Mais qui peut représenter un frein pour les entreprises, en raison de potentiels soucis de compatibilité logicielle. Ce problème devrait être résolu d’ici à la fin de l’année avec de nouveaux PC Copilot+ équipés par Intel et AMD. Restera alors un challenge de taille: démontrer l’intérêt de ces ordinateurs pour les utilisateurs, surtout s’ils sont vendus plus cher que des modèles classiques. Analyste chez IDC, Jitesh Ubrani note notamment “l’absence de cas d’utilisation bien définis dans les entreprises”. Et il prévient qu’il faudra “expliquer les avantages de l’IA embarquée par rapport aux solutions cloud”.
Pour aller plus loin:
– Après deux années de chute, le marché du PC renoue avec la croissance
– Nvidia ambitionne de concurrencer Intel sur le marché des CPU
Un an après son lancement, TikTok Shop doit encore faire ses preuves
“À la fois un échec et un succès”. Un an après son lancement aux États-Unis, TikTok Shop n’a pas encore totalement démontré qu’il était possible de répliquer son immense carton en Asie sur les marchés occidentaux, souligne Juozas Kaziukėnas, fondateur du cabinet Marketplace Pulse. Certes, la filiale du groupe chinois ByteDance a réussi à trouver une petite place dans le paysage du commerce en ligne, quand d’autres réseaux sociaux avaient échoué avant elle. Mais elle ne devrait pas atteindre les objectifs de vente qu’elle s’était fixés pour 2024. En outre, aucune grande marque n’a véritablement adopté sa plateforme. “La plupart ne savent pas comment s’y prendre”, poursuit l’analyste. Ainsi, “la majorité des produits vendus sont des articles sans marque et à bas prix”, souvent directement expédiés depuis la Chine.
Subventions – Pour s’imposer comme une destination d’achat en ligne, TikTok avait prévu un “plan très agressif”, en accordant une place importante aux vidéos d’e-commerce dans les fils d’actualité des utilisateurs américains. L’application a aussi multiplié les bons de réduction et proposé la livraison gratuite. Et elle a renoncé à prélever une commission sur les achats. Si elles ont permis de lancer la machine, ces mesures coûtaient aussi très cher. Elles ont donc progressivement pris fin. Par exemple, la plateforme facture désormais une commission de 8%. Le défi pour TikTok est de maintenir son rythme de croissance, sans ces subventions. Selon l’agence Bloomberg, la société visait un volume d’affaires de 17,5 milliards de dollars cette année aux États-Unis. Juozas Kaziukėnas estime qu’elle ne dépassera pas la barre des dix milliards.
Influenceurs – Malgré tout, TikTok reste le premier réseau social à réussir dans le commerce en ligne sur le marché américain. Avant lui, Instagram, Snapchat ou encore Pinterest avaient échoué. Cela peut s’expliquer par une stratégie différente, qui ne repose pas principalement sur les marques mais sur les influenceurs. Ces derniers peuvent mettre en avant les vêtements, les produits de beauté ou les produits électroniques présents sur une marketplace dans des vidéos enregistrées ou des vidéos en direct. Et ainsi percevoir des commissions. TikTok Shop reprend à son compte le modèle de monétisation des influenceurs, mais en le simplifiant encore davantage. Ce choix représente cependant un frein pour attirer les grandes marques, qui doivent repenser leur stratégie d’acquisition, jusqu’à présent centrée sur la publicité.
Plus Temu qu’Amazon – Si les dirigeants de TikTok assurent vouloir rivaliser avec Amazon, leur marketplace ressemble pour le moment davantage à Temu, la plateforme cross-border du géant chinois Pinduoduo qui cartonne aux États-Unis et en Europe. Mais elle n’offre pas un inventaire de produits aussi fourni. “TikTok Shop manque de la variété de produits que les consommateurs veulent”, explique ainsi Juozas Kaziukėnas. Autre frein: le peu d’intérêt des utilisateurs pour le shopping en direct, véritable phénomène en Asie, mais qui ne s’impose toujours pas sur les marchés occidentaux. “Les grandes marques ne savent pas comment produire ce type de contenus”, souligne par ailleurs Juozas Kaziukėnas. Selon Bloomberg, Tiktok devrait pourtant lancer sa plateforme en Irlande et en Espagne, après un premier échec au Royaume-Uni.
Pour aller plus loin:
– Face à la menace TikTok, Amazon s’associe à Facebook et à Snapchat
– Menacé d’interdiction, TikTok joue sa survie aux États-Unis
En Californie, le projet de régulation de l’IA générative tombe à l’eau
L’opposition de la Silicon Valley a convaincu Gavin Newsom. Dimanche, le gouverneur de Californie a mis son veto à un projet de réglementation de l’intelligence artificielle générative, qui représentait une nouvelle vision de penser la régulation aux États-Unis. “Bien qu’ayant de bonnes intentions, le projet de loi ne prend pas en compte si un système d’IA est déployé dans des environnements à haut risque [et] il applique des normes strictes même aux fonctions les plus basiques”, justifie l’ancien maire de San Francisco. Baptisée SB 1047, la législation devait toucher les modèles dont l’entraînement a coûté plus de 100 millions de dollars en ressources informatiques. Ou ceux issus d’un modèle open source et dont l’ajustement (fine tuning) a coûté plus de 10 millions. Dans les faits, seulement une poignée d’entreprises auraient été concernées. Le texte leur imposait de mettre en place des tests de sécurité, de réaliser des audits annuels ou encore d’instaurer un mécanisme pour désactiver leurs modèles en cas de menaces. Il devait aussi permettre à la justice de lancer des poursuites contre des entreprises en cas de “préjudice grave”. Gavin Newsom promet désormais de relancer des discussions avec les parlementaires californiens sur un autre projet de réglementation.
Pour aller plus loin:
– L’Europe se déchire sur la régulation de l’IA générative
– Le double discours d’OpenAI sur la régulation de l’IA
Crédit photos: Microsoft - TikTok