L'IA envahit les smartphones
Et aussi: La 6G dans les starting-blocks - Bruxelles enquête sur Mistral AI
DERNIÈRE MINUTE
Après plus de dix ans d’investissements, Apple a décidé d’interrompre le développement d’une voiture électrique sans conducteur, connu sous le nom de code projet Titan. Plus d’informations demain matin dans Cafétech.
Les fabricants de smartphones misent sur l'intelligence artificielle générative
Comme tous les évènements tech du moment, le Mobile World Congress, qui se tient cette semaine à Barcelone, n’échappe pas à la déferlante de l’intelligence artificielle générative. Un peu plus d’un an après les débuts fracassants de ChatGPT, la plupart des grands fabricants mondiaux, à l’exception notable d’Apple, rivalisent désormais en annonces. Et en nouvelles fonctionnalités: assistant personnel, retouche photos, rédaction de messages, résumé d’une page Web… À plus long terme, certains font miroiter une nouvelle interface de navigation, ne reposant plus sur des applications mobiles à télécharger. En attendant, tous souhaitent occuper le terrain alors que les ventes de smartphones “Gen AI” devraient dépasser les 100 millions d’unités cette année, selon le cabinet Counterpoint. D’ici à 2027, elles pourraient représenter 40% du marché.
Samsung en pionnier – Dans cette course à l’innovation, Google et surtout Samsung, détrôné l’an passé de sa place de numéro un mondial par Apple, ont pris une longueur d’avance. Le groupe sud-coréen a l’habitude de dégainer le premier. Il l’avait déjà fait pour les “phablettes”, les smartphones dotés d’un très grand écran, ou plus récemment pour les smartphones pliables. Mi-janvier, l’IA était ainsi au cœur de la présentation de la gamme Galaxy S24, la dernière version de son smartphone vedette. Et elle est aussi au cœur de sa campagne de communication. Ses principaux concurrents chinois Xiaomi, Honor, Vivo et Oppo promettent de rapidement lancer leurs premiers smartphones “Gen AI”. En revanche, Apple, qui travaille bien sur des fonctionnalités similaires, ne prévoit pas de les déployer avant septembre.
Relancer les ventes – Pour le moment, toutes les fonctionnalités d’IA présentent cependant une limite importante: elles ne sont pas disponibles au niveau du système d’exploitation et ne fonctionnent donc qu’au sein des applications des fabricants ou de Google. Il n’est, par ailleurs, pas encore évident qu’elles répondent véritablement à une demande des consommateurs. Mais qu’importe, il est important d’occuper le terrain dès maintenant. Le secteur espère que ces appareils permettront de compenser l’absence d’avancée significative dans le hardware. Et contribueront ainsi à relancer les ventes de smartphones, qui ont chuté de 14% entre 2021 et 2023. Les fabricants espèrent aussi que l’IA dopera les performances de leurs appareils haut de gamme, aux marges plus élevées, qui sont les premiers à bénéficier de ces nouveautés.
IA en local – Le développement de l’IA générative sur les smartphones fait encore face à un frein important: la puissance de calcul nécessaire pour faire tourner les grands modèles de langage ou les modèles de diffusion, qui permettent notamment de créer des images. Une grande partie de ces outils tournent ainsi dans le cloud. Cela signifie qu’une connexion à Internet est indispensable. Et surtout que les fabricants doivent payer des coûts d’inférence, dont la facture peut rapidement grimper. Samsung ne garantit ainsi la gratuité de ses services d’IA que pendant deux ans. La solution est de faire tourner les modèles en local, directement sur la puce d’un smartphone. Les choses avancent. Google propose déjà des IA on-device. Et Qualcomm vient de lancer une librairie de 75 modèles optimisés pour ses processeurs Snapdragon.
Pour aller plus loin:
– Après deux ans de baisse, les ventes de smartphones repartent de l’avant
– Les coûts de l’intelligence artificielle menacent de freiner son adoption
Après les promesses non tenues de la 5G, la 6G est déjà en route
Dans l’ombre de l’intelligence artificielle, un autre sujet agite le Mobile World Congress: la 6G, la future génération de l’Internet mobile, dont le déploiement commercial est espéré en 2030. Mais son futur ne se joue pas seulement dans les allées du salon barcelonais. Il se joue aussi à 4.000 kilomètres de là, à Oulu. C’est ici, dans le froid finlandais, qu’Helsinki finance un important laboratoire de recherche, créé en 2018, soit un an avant le déploiement commercial de la 5G. Baptisé 6G Flagship, celui-ci dispose d’un budget de 250 millions d’euros. Il regroupe 500 chercheurs, qui travaillent sur 400 projets, alors même que la précédente génération peine toujours à démontrer son utilité. Son taux d’adoption tarde à décoller, surtout en Europe, aussi bien auprès des consommateurs que des industriels.
Premier test en 2025 – Pour le moment, les recherches sur la 6G restent dans le champ académique. Et elles n’ont pas encore dépassé le stade des livres blancs devant servir à exposer la vision et les objectifs. Le 6G Flagship en a publié 13 en cinq ans. Les trois grands équipementiers télécoms – Huawei, Nokia et Ericsson – ont fait de même. Le laboratoire finlandais espère bâtir un premier réseau test en 2025 pour “étudier comment les équipements actuels fonctionnent avec les très hautes fréquences”, explique Ari Pouttu, son vice-directeur. Une phase d’expérimentation cruciale en amont des négociations sur les futurs standards de la 6G. Un accord est espéré en 2027, lors de la prochaine conférence de l’International Telecommunication Union, l’agence des Nations Unies chargée d’établir des normes pour harmoniser les télécommunications.
Deux options – La question principale de ces négociations concernera le spectre des fréquences. Deux options sont possibles. La première consiste à utiliser une bande allant de 7 à 24 Ghz, proche de celle de la 5G. “C’est la solution la plus simple”, souligne Ari Pouttu. Elle permettrait de réutiliser, en partie, les infrastructures déjà installées. La seconde option consiste à utiliser de très hautes fréquences, au-delà des 100 Ghz. Il s’agirait alors d’une véritable rupture technologique, qui nécessiterait des investissements plus importants pour les opérateurs, qui peinent déjà à rentabiliser les sommes dépensées dans la 5G. Mais ce choix permettrait aussi d’avoir accès à un spectre beaucoup plus large. “C’est le chemin disruptif, indique Ari Pouttu, qui permet d’envisager des usages impossibles avec la 5G”.
Quel usage ? – Sur le papier, la 6G fait miroiter une vitesse de connexion pouvant atteindre 1.000 gigaoctets par seconde, 50 fois plus rapide que le débit maximal de la 5G. Et une latence réduite à seulement 0,1 milliseconde, dix fois inférieure à celle de la génération actuelle. La 6G offrira aussi une densité plus élevée, permettant de connecter beaucoup plus d’appareils. D’importants gains théoriques donc, mais pour quel usage ? Les responsables du 6G Flagship citent peu d’exemples impossibles à réaliser avec la 5G. Comme d’autres, ils évoquent surtout la capacité à “percevoir l’environnement”, qui permettrait de détecter des objets ou des mouvements avec une précision millimétrique. “La 6G ne sera en réalité que de la 5G++”, tranche cependant un chercheur, reconnaissant que l’industrie avait “trop promis”.
Pour aller plus loin:
– Nokia, symbole des promesses non tenues de la 5G
– Les smartphones 5G décollent… mais pas les abonnements
Bruxelles va se pencher sur le partenariat entre Mistral et Microsoft
Le “partenariat stratégique” entre Mistral AI et Microsoft, annoncé lundi, fait des vagues à Bruxelles. Plusieurs eurodéputés ont vivement critiqué la start-up française spécialisée dans l’intelligence artificielle générative, qui a récemment plaidé contre le projet de régulation du secteur afin de protéger les acteurs européens des géants américains. En outre, un porte-parole de la Commission a confirmé que ses services antitrust allaient étudier l’opération. Face aux critiques, Microsoft a précisé que son investissement dans Mistral AI ne s’élevait qu’à 15 millions d’euros. Et que celui-ci ne sera converti en prise de participation que lors de la prochaine levée de fonds de la start-up. Le géant de Redmond est déjà dans le collimateur de Bruxelles, qui se demande s’il n’exerce pas un contrôle sur OpenAI, dont il détient désormais la majorité du capital. Ce qui pourrait être considéré comme une acquisition déguisée.
Pour aller plus loin:
– Pour partir à l’assaut d’OpenAI, Mistral AI abandonne (en partie) l’open source
– Pourquoi Microsoft et OpenAI sont dans le collimateur des gendarmes antitrust
Crédit photos: Samsung - Ericsson