Le coup de pouce américain à... Huawei
Et aussi: Google renonce à remplacer les cookies tiers
Dans l'IA, Huawei veut profiter d'un coup de pouce de... Washington
Le timing ne pouvait pas être meilleur pour Huawei. Début avril, le géant chinois a présenté une nouvelle carte graphique (GPU) dédiée à l’intelligence artificielle générative, rapporte le média spécialisé DigiTimes. Cette annonce coïncide avec l’entrée en vigueur de nouvelles restrictions américaines sur les exportations de puces vers la Chine. Celles-ci concernent les modèles bridés conçus par Nvidia, en particulier les H20, ou par AMD pour respecter les seuils de puissance maximale fixés par Washington. Une aubaine donc pour Huawei, qui a désormais le champ libre dans le pays. Le groupe peut en effet offrir des alternatives crédibles aux GPU américains, grâce aux importants progrès réalisés depuis deux ans. Mais aussi grâce aux subterfuges qu’il a mis en place pour échapper aux sanctions américaines qui le ciblent depuis plus de quatre ans.
6 nanomètres – Baptisé Ascend 920, le nouvel accélérateur a été dévoilé lors d’une conférence organisée par la branche cloud d’Huawei. Comme pour les modèles précédents, il n’existe cependant ni image officielle, ni fiche technique. Le groupe de Shenzhen refuse même de confirmer son existence. Selon la presse chinoise, qui cite des personnes ayant assisté à la présentation, le GPU doit être commercialisé au second semestre. Il sera gravé en 6 nm, soit un de moins que ses prédécesseurs. En attendant ce lancement, Huawei prévoit aussi de proposer une troisième version de l’Ascend 910, explique l’agence Reuters. Deux fois plus puissante, celle-ci pourrait être utilisée pour l’entraînement des modèles d’IA. Sur l’inférence, elle afficherait 60% des performances du H100 de Nvidia, qui était jusqu’à fin 2024 le GPU de référence hors de Chine.
Sociétés écrans – Beaucoup de mystères entourent encore le processus industriel de Huawei. Contrairement aux processeurs équipant ses smartphones 5G, qui semblent être gravés par le fondeur chinois SMIC, les GPU maison utiliseraient, eux, des puces produites par TSMC. Pourtant, le groupe ne peut plus se fournir auprès du géant taïwanais, depuis son inscription en 2020 sur une liste noire par les États-Unis, lui interdisant toute relation commerciale avec des entreprises utilisant des technologies américaines. Pour contourner ce problème, Huawei aurait recours à des sociétés écrans. L’une d’entre elles a été démasquée par une analyse menée par le cabinet spécialisé TechInsights. D’autres seraient toujours actives. En outre, Huawei aurait constitué d’importants stocks de puces mémoire à large bande passante (HBM), qu’il faut associer aux GPU d’IA.
Tests chez DeepSeek – Huawei aurait ainsi la capacité de produire au moins un million de GPU Ascend. Si leurs performances demeurent bien inférieures aux derniers modèles de Nvidia, l’important est ailleurs. La société ne vise pas les marchés occidentaux. Elle cherche simplement à remplacer les puces moins performantes que proposait le groupe de Santa Clara en Chine. Sur le papier, ses nouveaux GPU semblent suffisants pour prendre le relais auprès des spécialistes locaux de l’IA. La start-up DeepSeek les testerait d’ailleurs pour remplacer les H20 de Nvidia. C’est le scénario tant redouté par le géant américain, qui a plaidé jusqu’aux derniers instants pour éviter de nouvelles restrictions d’exportation sur les GPU. Au-delà de l’impact financier, ses dirigeants craignent surtout l’émergence de rivaux capables de le concurrencer hors de Chine.
Pour aller plus loin:
– Les États-Unis veulent transformer les puces d’IA en arme géopolitique
– Comment Huawei déjoue les sanctions américaines
Cinq ans après, Google renonce à remplacer les cookies tiers
C’est un interminable feuilleton qui se finit par une ultime volte-face. Cinq ans après avoir promis la fin des cookies tiers sur Chrome, et après avoir multiplié les reports, Google vient officiellement d’y renoncer. Non seulement, le moteur de recherche ne supprimera pas l’utilisation de ces traceurs sur son navigateur vedette, mais il ne développera pas non plus le système alternatif annoncé l’été dernier. Celui-ci devait permettre aux internautes de choisir entre les cookies traditionnels et une nouvelle option plus respectueuse de leur vie privée. “Les avis restent profondément partagés”, justifie l’entreprise. En clair: elle n’a pas réussi à trouver une solution permettant de satisfaire à la fois les éditeurs de presse, les annonceurs et les régulateurs, en particulier la Competition and Markets Authority, le gendarme antitrust britannique.
Reciblage publicitaire – Les cookies sont des traceurs que l’on trouve partout sur Internet. Ils permettent notamment de réaliser du reciblage publicitaire: afficher des annonces en fonction de l’historique de navigation des internautes. Ils sont donc essentiels pour monétiser des sites Web. Mais ils sont aussi dénoncés par les associations de défense des libertés numériques. Il y a cinq ans, Google s’était engagé à remplacer les cookies tiers sur son navigateur Chrome, de très loin le plus utilisé dans le monde. Cette mesure, déjà mise en place par Safari et Firefox, avait pour but de promouvoir “un Web plus respectueux de la vie privée”. Elle devait surtout permettre à la société américaine de s’adapter aux nouvelles attentes de ses utilisateurs. Et d’anticiper d’éventuelles directives des autorités.
Alternative critiquée – Le problème pour Google aura été de trouver une solution qui convient à tout le monde. Pour remplacer les cookies, le groupe de Mountain View proposait une boîte à outils, appelée Privacy Sandbox. Au départ, la principale alternative consistait à créer des segments d’audience, les FLoC, regroupant des milliers de personnes partageant les mêmes centres d’intérêt. Mais celle-ci a été fortement critiquée, car elle aurait pu permettre aux annonceurs de cibler encore plus efficacement les internautes, leur permettant d’obtenir des informations auxquelles ils n’ont pas accès avec les cookies. En 2022, Google avait fini par renoncer. Sa nouvelle solution: des thèmes (topics en anglais) assignés aux internautes en fonction des sites Internet qu’ils visitent, comme voyage, littérature, automobile, sports d’équipe…
Première volte-face – Cette alternative n’avait pas convaincu non plus. Début 2024, l’IAB, le lobby américain de l’industrie publicitaire, avait vivement critiqué ces outils jugés insuffisants. Dans le même temps, la Cnil britannique estimait que les propositions de Google n’allaient pas assez loin pour protéger la vie privée. L’initiative était aussi dans le collimateur des autorités de la concurrence. Bruxelles étudiait son impact dans le cadre d’une procédure antitrust. La CMA britannique était encore plus active, redoutant en particulier que ces changements permettent à la société d’accorder un traitement préférentiel à ses propres services publicitaires. Dans l’impasse, Google avait fait volte-face l’été dernier, renonçant à supprimer définitivement les cookies. Tout en promettant toujours un système alternatif, qui ne verra donc jamais le jour.
Pour aller plus loin:
– Moment de vérité pour Google, qui tente d’éviter une vente forcée de Chrome
– Pourquoi Google pourrait faire perdre plus de 20 milliards de dollars à Apple
Crédit photos: Huawei - Unsplash / Jonathan Kemper