YouTube en guerre contre les adblocks
Et aussi: Samsung à la peine dans l'IA - Apple, première victime du DMA ?
YouTube accentue son offensive contre les bloqueurs de publicité
Fin 2023, YouTube lançait une grande offensive contre les bloqueurs de publicité. Depuis, c’est un jeu permanent du chat et de la souris qui s’est mis en place entre les deux camps. La plateforme de vidéos s’apprête cependant à reprendre une importante longueur d’avance. La semaine dernière, elle a confirmé tester une nouvelle solution technique, qui non seulement devrait rendre inopérantes les dernières parades mises en place par les adblocks. Mais qui devrait aussi les contraindre à revoir complètement leur fonctionnement pour espérer contourner ce changement. “Ce n’est probablement pas la fin des adblocks sur YouTube, mais cela rend leur tâche plus compliquée”, reconnaît l’entreprise SponsorBlock, qui a découvert en premier l’expérimentation menée par la filiale de Google.
Offre payante – Pendant longtemps, YouTube n’a pas fait grand-chose pour lutter contre la popularité croissante des bloqueurs de publicité, qui sont pourtant interdits par ses conditions d’utilisation. Ce n’est que l’an passé que la société a commencé à lutter contre le phénomène, rendant impossible de visionner une vidéo si un adblock est activé. Elle mettait alors en avant sa volonté de protéger les revenus des créateurs de contenus, qui touchent 55% des recettes publicitaires générées par leur chaîne. Sa volte-face peut aussi s’expliquer par la baisse de son chiffre d’affaires entre l’automne 2022 et le printemps 2023, une première dans son histoire. Et par la volonté de pousser les utilisateurs vers son offre payante, commercialisée à 13 euros par mois, qui permet notamment de regarder des vidéos sans aucune publicité.
“Côté serveur” – Les principaux adblocks ont rapidement contourné le premier système de YouTube. Pour éviter que le scénario ne se reproduise, la plateforme veut désormais changer de paradigme. Pour le moment, les publicités sont lancées “côté client”, c’est-à-dire au niveau du navigateur. Elles sont déclenchées par des scripts, des bouts de code informatique qui peuvent être bloqués. Dans ce système, les vidéos et les publicités restent des fichiers distincts. À l’avenir, YouTube pourrait ajouter les annonces publicitaires “côté serveur”: elles seront alors intégrées automatiquement aux vidéos dans un seul fichier. Il n’y aura plus de scripts. Et donc plus de possibilité de les bloquer. Les adblocks devront chercher un autre moyen de détecter les publicités, par exemple en analysant les changements soudains de la bande-son.
Google aussi – La nouvelle stratégie de YouTube s’inscrit dans le cadre d’une offensive plus large de Google, sa maison mère, dont le modèle économique repose presque intégralement sur la publicité. La société de Mountain View est en effet sur le point de procéder à un changement radical sur son navigateur Chrome, de très loin le plus utilisé dans le monde, qui impactera aussi tous les autres navigateurs basés sur son projet open source Chromium, dont Edge de Microsoft. D’ici juin 2025, elle devrait basculer vers un nouveau protocole pour les extensions, ces petits programmes qui peuvent être ajoutés sur un navigateur. Celui-ci doit renforcer la sécurité, la confidentialité et les performances, assure Google. Mais il devrait aussi, malgré quelques concessions, limiter les fonctionnalités des bloqueurs de publicité.
Pour aller plus loin:
– Pour contrer TikTok, YouTube va rémunérer les créateurs de courtes vidéos
– Susan Wojcicki lâche les commandes de YouTube
Dans l'IA, Samsung paie (encore) son retard technologique
C’est une première qui tombe au plus mauvais moment pour Samsung. Début juin, une partie de ses employés, principalement dans ses usines de semi-conducteurs, se sont mis en grève, ce qui n’était jamais arrivé depuis sa création en 1938. Un mouvement social très limité, placé un vendredi de pont, entre un jour férié et le week-end. Mais qui témoigne d’un climat social tendu, alors que le géant sud-coréen a enregistré l’an passé ses pires résultats financiers en quinze ans. Et qu’il peine encore à tirer profit de l’essor de l’intelligence artificielle générative. Fin avril, il avait ainsi rétabli la semaine à six jours pour ses équipes dirigeantes afin “d’injecter un sentiment de crise”. Sur le papier pourtant, Samsung dispose de deux arguments de taille dans l’IA: ses puces mémoires et son activité de fonderie.
Mémoires HBM – Surtout connu pour ses appareils grand public, Samsung est aussi un géant des semi-conducteurs. Le conglomérat est leader sur le marché des puces mémoire DRAM, pour les serveurs et les ordinateurs, et NAND, pour les smartphones. Comme les autres, il a été rattrapé par une importante crise de surproduction, qui a fait plonger les prix. Et qui a précipité sa division dans le rouge. Si le marché commence à repartir de l’avant, Samsung est, en revanche, en train de rater le train de l’IA. Pour entraîner leurs derniers modèles, les spécialistes du secteur utilisent en effet des cartes graphiques (GPU) couplées à des puces mémoire à large bande passante (HBM), qui permettent de gagner de l’espace et de réduire la consommation d’énergie. Mais Samsung peine à maîtriser les deux dernières générations de cette technologie.
Pas chez Nvidia – Selon l’agence Reuters, le groupe aurait ainsi raté les tests de certification de Nvidia, qui capte quasiment l’intégralité du marché des GPU dédiés à l’IA. Ses puces HBM3 et HBM3e présenteraient des problèmes de chaleur et de consommation d’énergie. “Il y a encore du travail d’ingénierie”, a depuis confirmé Jensen Huang, le patron de Nvidia. En attendant, le fabricant se fournit chez SK hynix, le grand rival de Samsung, lui aussi sud-coréen, dont le carnet de commandes affiche déjà presque complet pour 2025. Selon le cabinet TrendForce, les ventes de mémoires HBM vont quadrupler cette année, pour atteindre 16,9 milliards de dollars. Les dirigeants de Samsung continuent de se montrer rassurants. Et espèrent même prendre SK hynix de vitesse. Fin mai, un nouveau responsable a été nommé pour y parvenir.
Pari technologique – L’essor de l’IA générative met également en lumière son retard technologique dans la gravure. En plus des puces mémoires, le groupe possède aussi une activité de fonderie (fabrication de puces conçues par d’autres), mais il reste encore très loin de TSMC, le premier fondeur mondial qui produit l’essentiel des puces avancées. Les derniers GPU dédiés à l’IA, dont ceux de Nvidia, sont ainsi fabriqués par son rival taïwanais. Conséquence: ses parts de marché ont fortement chuté depuis un an et demi, passant de 16% à seulement 11%, selon TrendForce. Celles de TSMC ont, elles, franchi la barre des 60%. Samsung souffre de son choix d’adopter une nouvelle architecture de transistor, qui affiche encore des taux de rendement trop faibles. Mais ses dirigeants continuent de croire que ce pari technologique va finir par payer.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi Samsung ne parvient toujours pas à rivaliser avec TSMC
– Nvidia et AMD accélèrent les cadences pour gagner la bataille de l’IA
L'Europe va lancer des poursuites contre sur Apple dans le cadre du DMA
Ce n’est pas encore une confirmation officielle, mais cela y ressemble fortement. Interrogée mardi par la chaîne américaine CNBC, Margrethe Vestager a mis en avant des problèmes “très sérieux” sur la manière dont Apple a choisi de se mettre en conformité avec le Digital Markets Act européen, entré en vigueur en mars. La semaine dernière, le Financial Times expliquait que la Commission européenne s’apprêtait à lancer des poursuites contre le groupe à la pomme. L’enquête ouverte par Bruxelles portait sur deux éléments. D’une part, les restrictions imposées aux développeurs qui souhaitent rediriger leurs utilisateurs vers un site Internet pour effectuer un achat ou souscrire à un abonnement. Et d’autre part, la fenêtre mise en place par Apple pour permettre aux utilisateurs d’iPhone de choisir leur moteur de recherche et leur navigateur par défaut. Sa nouvelle structure de commission, très décriée, n’est pas encore concernée mais fait aussi l’objet d’investigations complémentaires. La société risque une amende pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires.
Pour aller plus loin:
– Bruxelles ouvre des enquêtes sur Apple, Google et Meta dans le cadre du DMA
– Comment Apple veut contrecarrer le DMA européen
Crédit photos: Unsplash / Christian Wiediger - Samsung