Stability AI joue sa survie
Et aussi: Bruxelles montre les muscles - Inflection AI, une acquisition déguisée ?
Pour survivre, la start-up Stability AI met son patron à la porte
Emad Mostaque va pouvoir redevenir agent secret, plaisante-t-il avec l’agence Bloomberg. Vendredi, le fondateur et patron de la start-up britannique Stability AI, qui s’est aussi fait remarquer pour ses affabulations, a démissionné de son poste. Dans un court message, il explique vouloir se focaliser sur l’intelligence artificielle décentralisée, la seule, selon lui, à pouvoir rivaliser avec les grands acteurs du secteur. Mais son départ ressemble davantage à une mise à la porte, précipitée par des mois de conflit larvé avec son principal actionnaire, le fonds américain Coatue. Et par une situation financière préoccupante, après l’échec l’an passé d’une levée de fonds, d’un montant espéré de 400 millions de dollars, qui aurait dû lui permettre de disposer de ressources suffisantes pour financer sa stratégie de croissance.
Besoin de trésorerie – Fondée en 2019 à Londres, Stability a longtemps été l’une des start-up vedette de l’IA générative, avec son générateur d’images Stable Diffusion. En octobre 2022, un mois avant le lancement grand public de ChatGPT, elle avait ainsi recueilli 100 millions de dollars, sur la base d’une valorisation d’un milliard. Depuis, pourtant, les investisseurs ne se bousculent plus. Sa trésorerie a donc fondu, en raison des coûts liés à l’entraînement et au fonctionnement des modèles et de nombreux recrutements de chercheurs en IA. Pour payer ses factures, la société a dû se rabattre, il y a un an, sur un premier prêt convertible en actions, d’un montant de 25 millions de dollars. Puis sur un deuxième, d’un montant de 50 millions, contracté en octobre dernier auprès d’Intel. De quoi lui accorder quelques mois de répit seulement.
Exagérations et mensonges – Ces difficultés à lever des fonds peuvent s’expliquer par une concurrence féroce de la part du laboratoire de recherche américain Midjourney, qui permet de réaliser des images photoréalistes impressionnantes, et de DALL-E, développé par la richissime start-up américaine OpenAI, également à l’origine de ChatGPT. Elles peuvent aussi provenir des deux procédures judiciaires lancées par un groupe d’artistes et par la grande banque d’images Getty, qui l’accusent d’avoir violé leur propriété intellectuelle pour entraîner le modèle d’IA alimentant Stable Diffusion. Elles s’expliquent enfin par une série de polémiques autour des multiples exagérations, voire des mensonges, de son patron, notamment autour de la propriété intellectuelle sur son modèle, en réalité conçu par une université allemande.
Vague de départs – La crise couvait aussi en interne. Depuis un an, de nombreux employés ont quitté l’entreprise, notamment le directeur opérationnel et le directeur de la recherche. La semaine dernière, trois de ses principaux chercheurs se sont ajoutés à cette longue liste. Sans Emad Mostaque à sa tête, Stability va pouvoir ouvrir un nouveau chapitre. La start-up a déjà entamé une diversification de son activité, lançant des modèles capables de générer du texte, du code et des vidéos. Mais elle a pris du retard. Elle va aussi certainement mettre l’accent sur la monétisation, qui ne semblait pas trop intéresser son fondateur. Il ne serait ainsi pas étonnant qu’elle revienne, au moins en partie, sur son choix de l’open source, comme l’a fait la start-up française Mistral AI. Le temps presse, car ses caisses sont quasiment vides.
Pour aller plus loin:
– Après l’euphorie, les craintes d’une bulle autour de l’IA
– En retard sur l’IA générative, Apple négocie avec… Google
Microsoft va verser 650 millions de dollars à Inflection AI
Officiellement, il ne s’agit pas d’une acquisition. Mais cela commence à fortement y ressembler. En fin de semaine dernière, la presse américaine a révélé davantage de détails sur l’accord qui a permis à Microsoft de recruter la majorité des équipes d’Inflection AI, dont Mustafa Suleyman, son patron et l’un des fondateurs de DeepMind, le laboratoire d’intelligence artificielle racheté par Google. Pour mener cette opération, le géant de Redmond a accepté de verser 650 millions de dollars, dans le cadre d’un accord de licence qui va lui permettre d’offrir les modèles d’IA générative conçue par la start-up aux clients de son offre de cloud Azure. Une somme qui semble très élevée, voire injustifiée. Autre élément troublant: cet argent va servir à rembourser, avec une petite plus-value, les investisseurs d’Inflection, comme s’il s’agissait d’un rachat. Il est ainsi probable que les autorités de la concurrence se penchent sur cette structure atypique, qui pourrait être considérée comme une acquisition déguisée afin d’éviter un veto.
Pour aller plus loin:
– Microsoft et OpenAI dans le collimateur des gendarmes antitrust
– En s’associant à Mistral AI, Microsoft renforce sa position de force
Bruxelles ouvre des enquêtes sur Apple, Google et Meta dans le cadre du DMA
Margrethe Vestager et Thierry Breton avaient promis de faire appliquer le Digital Markets Act avec la plus grande fermeté. Ils n’ont pas perdu de temps. Lundi, moins de trois semaines après l’entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation européenne du numérique, la Commission a officiellement lancé des enquêtes contre Apple, Google et Meta, la maison mère de Facebook. “Nous soupçonnons que les solutions proposées par les trois entreprises ne soient pas pleinement conformes”, justifie la commissaire danoise à la concurrence. Bruxelles indique aussi mener des investigations sur Amazon, qui pourront déboucher sur une procédure formelle. Sur les six géants du secteur soumis au DMA, baptisés “contrôleurs d’accès”, seuls ByteDance, la maison mère chinoise de TikTok, et Microsoft ne se retrouvent pas encore dans son viseur.
Tester les limites – En vigueur depuis le 7 mars, le texte ambitionne de renforcer la concurrence dans le numérique. Il ne fixe cependant que de grands principes, sans mentionner de règles précises à suivre. Il laisse ainsi une marge de manœuvre aux entreprises pour décider des mesures suffisantes afin de le respecter. Logiquement, celles-ci ont cherché à ne modifier que le strict nécessaire, pour tenter d’atténuer l’impact sur leurs activités. Elles testent ainsi les limites de la réglementation, mais aussi la détermination de Bruxelles. À ce petit jeu, la palme revient à Apple, qui a annoncé des changements punitifs pour les développeurs, avant de multiplier les concessions… tout en préservant la mesure la plus controversée. Pour autant, le timing de ces enquêtes semble rapide, alors que des discussions entre Bruxelles et les “contrôleurs d’accès” sont toujours en cours.
Restrictions – Concrètement, la Commission reproche à Apple et Google d’imposer des restrictions aux développeurs qui souhaitent rediriger leurs utilisateurs vers un site Internet pour effectuer un achat ou souscrire à un abonnement. Elle se demande aussi si le moteur de recherche n’accorde pas un traitement préférentiel à ses propres services dans les résultats. Bruxelles va aussi se pencher sur la fenêtre mise en place par Apple pour permettre aux utilisateurs d’iPhone de choisir leur moteur de recherche et navigateur par défaut. Sa nouvelle structure de commission, très décriée, n’est pas encore concernée mais fait l’objet d’une enquête. Enfin, la Commission cherche à déterminer si l’abonnement payant récemment lancé par Meta peut valoir de consentement autorisant le partage de données personnelles entre ses différentes applications.
Lourdes amendes – Contrairement au règlement général sur la protection des données (RGPD), qui s’appuie sur les autorités nationales, c’est la Commission qui est responsable de l’application du DMA. Elle se donne douze mois pour finaliser ces procédures, un délai relativement court par rapport aux procédures antitrust traditionnelles. C’est tout l’intérêt de la réglementation, qui ne repose pas sur les règles de la concurrence. Mais l’absence de directives précises pourrait lui jouer des tours devant le Tribunal puis la Cour de justice de l’Union européenne. En cas d’infraction, Apple, Google et Meta risquent des amendes pouvant aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial. Ils devront aussi modifier les pratiques incriminées, sous peine de sanctions encore plus fortes, comme un démantèlement ou l’exclusion du marché unique.
Pour aller plus loin:
– Comment Apple veut contrecarrer le DMA européen
– TikTok veut suspendre l’application du DMA
Crédit photos: Stability AI / Commission européenne
10% des revenus mondiaux, ça peut les embêter un petit peu, mais l'exclusion du marché européen 🤣, ils sont à fond sur l'Asie pour augmenter le nombre de clients alors l'Europe est une goutte d'eau qui est pas si grosse que ça et ça fera chier les consommateurs car en Europe, il faut savoir un peu bidouiller si l'on veut se passer des services de Google ou d'Apple.