Humane, révolution ou futur flop ?
Et aussi: Nvidia se joue des sanctions américaines - Victoire de Bruxelles sur les impôts d'Apple
Avec sa broche dopée à l'IA, Humane veut remplacer les smartphones
Simple gadget pour les uns, véritable révolution pour les autres. La semaine dernière, la mystérieuse start-up américaine Humane a officiellement lancé – par l’intermédiaire d’une vidéo peu enthousiasmante – la commercialisation du produit qui lui a permis de lever 230 millions de dollars: un assistant vocal, dopé à l’intelligence artificielle générative, à porter sur soi, un peu comme une broche. L’appareil, baptisé AI Pin, est aussi équipé d’un petit projecteur laser, diffusant des images dans la paume de la main. Selon ses concepteurs, il doit ouvrir la voie à l’après smartphone, débarrassant ses utilisateurs des écrans qui ont envahi leur vie. Mais cette révolution annoncée est loin d’avoir démontré son intérêt. Et elle affiche un prix très élevé, qui soulève d’immenses doutes sur son potentiel commercial.
Connecté à ChatGPT – L’AI Pin reprend le principe des assistants vocaux comme Alexa d’Amazon ou le Google Assistant, déjà populaires sur les enceintes et les smartphones. Mais il pousse le principe plus loin: les réponses sont fournies par des robots conversationnels, en particulier ChatGPT, conçu par la start-up OpenAI, dont le patron, Sam Altman, fait partie des actionnaires de Humane. L’AI Pin peut ainsi répondre à des questions – avec les mêmes défauts que ChatGPT: dans la vidéo de présentation, il donne des informations incorrectes sur la prochaine éclipse solaire. Il peut aussi faire un résumé des mails et messages ratés pendant une journée. Il peut servir de traducteur en temps réel en recréant la voix de l’utilisateur. Et il permet, grâce à sa caméra, d’identifier des objets placés devant lui.
Abonnement mensuel – Disponible en précommandes à partir de jeudi aux États-Unis, pour des livraisons annoncées “début 2024”, l’AI Pin est vendu à 699 dollars (653 euros) – aucune information n’a été fournie sur un potentiel lancement à l’international. Ce prix apparaît encore plus important que l’appareil nécessite aussi un abonnement mensuel de 24 dollars, permettant de bénéficier d’appels illimités, d’héberger des photos dans le cloud, et surtout de poser autant de questions que souhaité à l’assistant. Cette double tarification peut s’expliquer par la volonté d’Humane de se substituer aux smartphones, et pas uniquement d’être un simple complément. Mais elle reflète également une réalité économique: la start-up doit payer des frais aux services d’IA sur chaque requête effectuée par ses utilisateurs.
Pas d’applications – Lancée en 2018 par deux anciens d’Apple, Humane espère surfer sur deux tendances: la recherche de la prochaine plateforme dominante et l’engouement autour de l’intelligence artificielle générative. Une ambition aussi partagée par Sam Altman, associe avec John Ive, l’ancien designer vedette d’Apple. Ses dirigeants prévoient de produire 100.000 unités de cette première version. Avant de voir beaucoup plus grand. Mais au-delà de son prix, l’AI Pin semble encore manquer du plus important: une véritable proposition de valeur. Non seulement la start-up n’a pas dévoilé de killer app, capable de justifier l’achat de son appareil. Mais elle a aussi choisi d’en limiter le potentiel, en ne le dotant pas d’une boutique d’applications. Humane aura, peut-être, l’occasion de corriger le tir.
Pour aller plus loin:
– L’incroyable comeback de Magic Leap
– ChatGPT illustre les promesses de l’IA… et ses limites
Nvidia lance de nouvelles puces d'IA pour échapper aux sanctions américaines
Nvidia n'a pas perdu de temps. Avant même l’entrée en vigueur des nouvelles restrictions d'exportation vers la Chine, le géant américain des cartes graphiques (GPU) a déjà trouvé une nouvelle parade. Selon les informations de la presse chinoise, confirmées par le cabinet SemiAnalysis, il va en effet lancer dans le pays trois nouvelles puces dédiées à l'intelligence artificielle générative. Celles-ci ont été spécialement conçues pour respecter les limites de puissance annoncées mi-octobre par Washington afin de refermer la précédente brèche dans laquelle s’était engouffré le groupe de Santa Clara. "Nous pensions que les États-Unis avaient fermé toutes les failles imaginables, souligne SemiAnalysis. À notre grande surprise, Nvidia a quand même trouvé un moyen d'exporter des GPU hautes performances en Chine”.
À la limite de ce qui est autorisé – Baptisés H20, L20 et L2, ces trois accélérateurs peuvent entraîner et faire tourner des modèles d’IA générative, des tâches qui requièrent une importante capacité de calcul. Ils remplacent les A800 et H800, que Nvidia avait lancés il y a un an après les premières restrictions américaines. Mais leur vente en Chine sera interdite à partir de jeudi. Logiquement, ces puces affichent une puissance bien inférieure à la H100, la plus avancée de Nvidia. Mais la société américaine a poussé leurs capacités à la limite de ce qui est autorisé par la Maison blanche. “L’un des GPU est même 20% plus rapide que le H100 pour l’inférence (le processus de génération de réponses, ndlr), note SemiAnalysis. Il est plus proche du nouveau GPU que Nvidia lancera au début de l’an prochain que du H100 !”
"Sécurité nationale" - Ces nouveaux GPU représentent une bonne nouvelle pour Tencent, Alibaba, Baidu ou encore ByteDance, dont les initiatives dans le domaine de l'IA générative reposent presque intégralement sur les composants de Nvidia. Ils contrarient en revanche les efforts de Washington, qui souhaite empêcher la Chine d'acheter des puces avancées et les équipements nécessaires à leur production. L'administration américaine justifie ces mesures par la volonté de protéger sa “sécurité nationale”, en s'assurant que des technologies américaines ne puissent pas servir les intérêts militaires de Pékin. En octobre, elle a ainsi refermé d'autres brèches de ses premières restrictions d'exportation, comme la possibilité pour les groupes chinois d’acheter ces composants en passant par des filiales étrangères.
Huawei en embuscade – Très critiques envers les restrictions sur les exportations, les dirigeants de Nvidia se montrent cependant rassurants, n’anticipant pas un “impact significatif immédiat”, selon sa directrice financière Colette Kress. Certes, la Chine représente entre 20% et 25% de l’activité data center, qui génère désormais plus de la moitié du chiffre d’affaires de la société. Mais toutes les exportations vers le pays ne vont pas être interdites. Surtout, la demande pour ses GPU dédiés à l’IA reste encore plus importante que ses capacités de production. Nvidia s’inquiète davantage des conséquences à long terme, redoutant une forte accélération des efforts chinois pour développer des puces rivales. Des craintes que les dernières avancées de Huawei dans le domaine semblent confirmer.
Pour aller plus loin:
– Nvidia ambitionne de concurrencer Intel sur le marché des CPU
– Washington sanctionne deux start-up chinoises, rivales potentielles de Nvidia
Face aux avantages fiscaux d'Apple, Bruxelles obtient une première victoire
C’est probablement le dossier le plus symbolique de la bataille de la Commission européenne – et de sa commissaire à la concurrence Margrethe Vestager – contre les avantages fiscaux accordés aux géants du numérique. Désavouée en juillet 2020 par la justice, Bruxelles se rapproche désormais d’une victoire importante sur le gouvernement irlandais, et par ricochet sur Apple. La semaine dernière, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne, la plus haute juridiction des Vingt-Sept, a en effet estimé que le Tribunal de l’UE avait commis une “série d’erreurs” lorsqu’il avait décidé d’invalider une sanction infligée au groupe à la pomme, condamné en 2016 à verser 13 milliards d’euros à Dublin pour compenser des avantages fiscaux jugés illégaux. Des avantages qui lui permettaient de payer moins de 1% d’impôts en Europe. L’avocat général préconise un nouvel examen du dossier, retardant davantage la conclusion d’un feuilleton ouvert il y a bientôt dix ans.
Pour aller plus loin:
– Margrethe Vestager quitte temporairement son poste de commissaire à la concurrence
– En Europe, la taxe Gafa rapporte gros mais impacte pas… les Gafa
Crédit photos: Humane - Nvidia