L'Europe trouve un compromis pour réguler, a minima, l'Uber-économie
C’est un désaveu de plus pour le gouvernement français. Lundi, les ministres du travail de l’Union européenne ont adopté une version allégée du projet de réglementation des conditions de travail de l’Uber-économie. Un texte auquel s’opposaient Paris et Berlin. Mais les deux capitales ont vu s’effondrer la minorité de blocage qu’elles avaient réussi à former jusqu’à présent, lorsque la Grèce et l’Estonie – patrie de Bolt, champion européen du secteur – ont changé leur vote. La directive accorde notamment le statut de salariés aux chauffeurs de VTC et aux livreurs de repas, aujourd’hui considérés comme des travailleurs indépendants. Elle doit désormais être officiellement approuvée par le Conseil et le Parlement. Son adoption mettrait un terme à deux ans de négociations difficiles entre les Vingt-Sept.
Présumés employés – En décembre, un accord semblait avoir été trouvé entre les responsables européens, sous l’impulsion de la présidence espagnole de l’UE, particulièrement en pointe pour renforcer les droits des chauffeurs et livreurs. Celui-ci prévoyait que ces travailleurs soient “présumés” employés si un service de VTC ou de livraison fixe leur niveau de rémunération, supervise leur travail ou ne leur permet pas de choisir leurs horaires. Cela leur aurait permis de bénéficier d’un salaire minimum, de congés payés et d’une protection sociale. Jusqu’à 5,5 millions de personnes, sur un total de 28 millions, auraient pu être concernées par ces nouvelles règles, selon les estimations de Bruxelles. Le coût pour Uber, Deliveroo et les autres sociétés du secteur aurait pu atteindre 4,5 milliards d’euros par an.
Plus de critères – Très vite pourtant, la France avait fait part de son opposition au projet de directive, estimant que le texte de compromis était “très différent” du mandat qui avait été confié aux négociateurs représentant le Conseil. Paris redoutait alors “des reclassements massifs, y compris de travailleurs indépendants qui apprécient leur statut”. L’Allemagne, engluée, comme pour l’AI Act, dans des dissensions au sein de sa coalition gouvernementale, avait aussi bloqué l’adoption du texte. Dans sa nouvelle version, la réglementation est beaucoup moins ambitieuse. Le principe d’harmonisation européenne a en effet été abandonné: il n’y a plus de critères communs pour déterminer le statut des travailleurs. À la place, chaque pays devra fixer les conditions déclenchant une “présomption légale d’emploi”.
“Statu quo” – De fait, l’accord européen s’apparente à un “statu quo”, dénonce Uber. Certes, la plateforme américaine de VTC évite le pire. Comme les autres acteurs, elle assurait que le texte initial se serait traduit par une hausse des coûts et par un manque de souplesse, nécessaire pour absorber des pics d’activité. Elle prédisait ainsi des prix plus élevés, des temps d’attente plus longs et des fermetures dans les petites villes. Mais elle militait également pour une harmonisation européenne, permettant de fixer des règles claires sur le continent pour mettre fin à l’incertitude juridique “de pays à pays et de tribunal à tribunal”. Uber souhaitait imposer une “troisième voie”: un statut hybride, capable de réconcilier la nécessité de préserver son modèle économique avec celle de mieux protéger les chauffeurs et livreurs.
Pour aller plus loin:
– La France échoue à bloquer le projet européen de régulation de l’IA générative
– Comment Uber est enfin devenu rentable
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Apple fait de nouvelles concessions pour se conformer avec le DMA
Pour la troisième fois en seulement deux semaines, Apple recule. Mardi, le groupe à la pomme a annoncé de nouvelles concessions afin de se conformer au Digital Markets Act, la nouvelle réglementation européenne visant à renforcer la concurrence dans le numérique, officiellement entrée en vigueur la semaine dernière. Il promet notamment davantage d’ouverture dans la manière de télécharger des applications mobiles sur son système iOS, espérant ainsi répondre aux inquiétudes déjà exprimées par plusieurs responsables de la Commission. Mais il continue d’imposer des restrictions et préserve les dispositions les plus controversées, au grand dam de ses opposants, comme Spotify et Epic Games, qui y voient une tentative d’échapper aux nouvelles règles européennes. Et qui appellent donc toujours Bruxelles à se saisir du dossier.
Téléchargement depuis un site – Le changement le plus important porte sur l’installation d’une application directement depuis un site Internet, sans passer par une boutique. Cette pratique, interdite avant le DMA, sera désormais autorisée. Mais sous certaines conditions: ne seront éligibles que les entreprises inscrites au programme développeurs d’Apple depuis au moins deux ans et qui comptent une application ayant cumulé plus d’un million de téléchargements l’année précédente. Le groupe américain va aussi autoriser les futurs magasins à ne proposer que des applications maison. Et il va permettre aux développeurs de communiquer comme ils le souhaitent lorsqu’ils redirigent leurs utilisateurs vers un site Internet pour effectuer un achat. Dans les règles initiales, ils devaient obligatoirement afficher un message écrit par Apple.
Nouvelles commissions – Ces concessions restent assez mineures. Car elles ne concernent pas la mesure la plus controversée: la mise en place d’un nouveau système de commission pour les développeurs qui souhaitent proposer leurs applications en dehors de l’App Store ou utiliser d’autres plateformes de paiement. La société prévoit notamment de facturer 50 centimes par téléchargement, au-delà de la barre du million. Conséquence: de nombreux développeurs devront, en réalité, verser davantage qu’actuellement, ce qui est contraire aux objectifs du DMA. La semaine dernière, Apple était revenu sur le caractère irréversible du choix des développeurs entre le nouveau système de commissions et l’ancien, qui maintient, lui, le statu quo. Début mars, il avait aussi renoncé à l’interdiction des applications web en Europe.
Tester Bruxelles – Depuis le début, la stratégie d’Apple est simple: tester la Commission européenne et les limites du DMA. Et ainsi tenter de profiter de l’absence de règles claires dans le texte, qui laisse les géants du numérique, les “contrôleurs d’accès”, décider eux-mêmes des modifications à adopter pour se mettre en conformité. C’est dans ce même esprit que la société avait banni le compte développeurs d’Epic, avec lequel elle est en conflit depuis quatre ans… avant de faire rapidement marche arrière. Ces dernières semaines, Bruxelles a en effet affiché sa détermination à faire respecter sa réglementation vedette, menaçant d’infliger de lourdes amendes à Apple si les changements mis en place étaient jugés non conformes. Il n’est pas certain que cette succession rapide de concessions suffise à éviter une enquête européenne.
Pour aller plus loin:
– Commissions et restrictions: comment Apple veut contrecarrer le DMA
– Face aux menaces de Bruxelles, Apple restaure le compte développeur d’Epic
Crédit photos: Unsplash / Dan Gold – Unsplash / James Yarema