Apple, victime de la revanche de Pékin ?
Et aussi: Uber enfin rentable - La valorisation de Getir s'effondre
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En Chine, Apple n'est plus épargné par les autorités
Fin mars, lors d'un voyage à Pékin, Tim Cook vantait une "relation symbiotique" entre Apple et la Chine. Cinq mois plus tard cependant, la marque à la pomme ne semble plus pouvoir passer entre les gouttes des tensions géopolitiques sino-américaines. Ces dernières semaines, le régime chinois a en effet décidé de bannir l'iPhone de plusieurs administrations et entreprises publiques. Il est encore difficile d'estimer l’ampleur de cette mesure, car aucune communication officielle n’a été faite. Mais plusieurs millions de personnes pourraient être concernées, pénalisant les ventes de la société sur un marché stratégique, qui compense depuis quelques mois la faiblesse du marché américain. Les analystes de Bank of America anticipent jusqu'à dix millions d'iPhone vendus en moins par an.
Millions d'emplois - En Chine, Apple a longtemps fait office d'exception. Contrairement aux autres géants technologiques américains, le groupe de Cupertino n'a que très rarement été inquiété par les autorités chinoises. Et la riposte redoutée après la mise en place de sanctions contre Huawei par Washington ne s'est jamais matérialisée. Mieux encore, Apple a profité des difficultés de la marque chinoise, privée notamment de puces 5G, pour gagner des parts de marché dans le pays. La bienveillance de Pékin s’explique en partie par le poids que représente le groupe en Chine, où ses sous-traitants emploient des millions de personnes. L’assemblage des iPhone dans les usines locales est ainsi vu comme un symbole de la puissance de l’industrie chinoise, la seule capable de répondre aux besoins de production.
Relocalisation de la production - Cette mesure s’inscrit dans une volonté de ne plus utiliser des technologies étrangères dans les domaines sensibles. L’an passé, Pékin avait ainsi interdit, dans certaines administrations et entreprises publiques, les ordinateurs de marques étrangères, dont les Mac d'Apple, au profit de produits chinois, comme les PC de Lenovo. Mais l'interdiction des iPhone pourrait aussi signaler le début d'un changement radical des autorités chinoises vis-à-vis d'Apple, rattrapé par l'escalade des sanctions américaines pour empêcher la Chine d'avoir accès aux puces les plus avancées. Et ce n’est aussi peut-être pas un hasard que cela intervienne au moment où la société relocalise une partie croissante de sa production dans d'autres pays. À commencer par l'Inde, autre rival politique de la Chine.
Discours patriotiques - Autre "hasard": ces restrictions coïncident avec le lancement du premier smartphone 5G de Huawei depuis plus de trois ans. Un appareil qui serait équipé du premier système sur puce gravé en 7 nm par un fabricant chinois, une avancée majeure pour le pays. Certains analystes prédisent plus de 10 millions d'unités vendues pour ce smartphone, accueilli en fanfare et rapidement en rupture de stocks. Avant les sanctions, la marque faisait jeu égal sur le segment haut de gamme du marché, désormais dominé outrageusement par Apple. Le changement d'attitude de Pékin et le retour au premier plan de Huawei menacent désormais de raviver les discours patriotiques. C'est le plus gros risque pour Apple, qui pourrait alors perdre une frange des consommateurs chinois.
Pour aller plus loin:
- Avec son dernier smartphone, Huawei déjoue les sanctions américaines
- Pourquoi Apple accélère l'assemblage de l'iPhone en Inde
Comment Uber est enfin devenu rentable
Douze ans après son lancement officiel dans les rues de San Francisco, Uber a enfin trouvé le chemin de la rentabilité. Au deuxième trimestre, la plateforme américaine de voitures avec chauffeur (VTC) a dégagé le premier bénéfice opérationnel de son histoire. Un profit de 326 millions de dollars (305 millions d'euros), accompagné d'un flux de trésorerie supérieur, pour la première fois, au milliard. "Deux étapes importantes", se félicite Dara Khosrowshahi, le patron de la société, nommé en 2017 pour prendre la suite du très controversé Travis Kalanick. "De nombreux observateurs au fil des ans ont affirmé avec force que nous ne gagnerions jamais d'argent", rappelle-t-il. Et pour cause: avant ce trimestre dans le vert, Uber avait accumulé 31,5 milliards de dollars de pertes opérationnelles en seulement neuf ans.
Cession d'actifs - Pendant longtemps, Uber avait fait le choix d'opérer à perte pour se développer très rapidement et tuer la concurrence. La société multipliait aussi les investissements annexes, par exemple pour concevoir des voitures autonomes et des taxis volants. Au moment de son introduction en Bourse en 2019, ses dirigeants avaient promis à Wall Street de devenir rentable. Si la crise sanitaire a retardé l'échéance, elle a aussi contribué à accélérer la baisse des coûts. Au-delà d'un vaste plan social, touchant près de 7.000 salariés, Uber s'est séparé de nombreux actifs non stratégiques qui perdaient beaucoup d'argent. Cette cure d'austérité s'est déjà traduite, fin 2021, par un bénéfice opérationnel mais seulement sur une base ajustée, excluant certaines dépenses, en particulier la rémunération des employés en actions.
Maîtrise des coûts - La crise sanitaire passée, Uber enregistre désormais des niveaux d’activité record, aussi bien pour sa plateforme de VTC que pour Eats, son service de livraison de repas dont la popularité a explosé pendant la pandémie. La société profite également d’une concurrence moins forte sur ces deux activités. Notamment sur le marché américain des VTC, sur lequel Lyft, son grand rival historique, traverse une mauvaise passe. Cela lui permet de s’octroyer une part plus importante du prix payé par ses clients (courses et livraisons). Et surtout de limiter ses dépenses marketing, qui sont restées stables depuis 2019, alors que son chiffre d’affaires a bondi, en particulier grâce à la forte croissance enregistrée par Eats. Ces coûts ne représentent plus que 13% des recettes, contre près de 40% il y a quatre ans.
Statut des chauffeurs - Devenir rentable représente une étape majeure pour l'entreprise. Cela ne doit cependant pas occulter les menaces qui pèsent encore sur son modèle économique. En Californie, Uber est parvenu à faire adopter, par référendum, une loi entérinant le statut de travailleurs indépendants des chauffeurs et livreurs. Mais la justice vient d’autoriser des livreurs à l’attaquer en justice. En Europe, un projet de directive, présenté fin 2021, propose d’accorder le statut de salarié aux chauffeurs et livreurs, leur garantissant un salaire minimum, des congés payés et une protection sociale. Uber redoute une forte hausse de ses coûts et un manque de flexibilité, nécessaire à son fonctionnement. Ses dirigeants militent ainsi pour une “troisième voie”: un statut hybride entre ceux de salarié et d'indépendant.
Pour aller plus loin:
- Uber remporte une bataille décisive aux Etats-Unis, mais reste menacé en Europe
- Waymo et Uber s'associent pour déployer des poids lourds autonomes
En difficulté, Getir voit sa valorisation s'effondrer
En quête de liquidités, Getir est sur le point de conclure une nouvelle levée de fonds d'envergure, d'un montant de 500 millions de dollars (467 millions d'euros). Mais seulement au prix d'une forte chute de sa valorisation, passée de 11,8 à seulement 2,5 milliards de dollars, rapporte le Financial Times. Cette chute spectaculaire illustre les difficultés de la start-up turque spécialisée dans la livraison ultrarapide des courses, lancée dans une course de vitesse pour gagner des parts de marché pendant la crise sanitaire. Et qui a dilapidé presque de 5 milliards de dollars sans trouver le chemin de la rentabilité. Pour survivre, Getir a dû revoir ses ambitions à la baisse, abandonnant notamment plusieurs marchés, comme la France où sa filiale a été placée en liquidation judiciaire en juillet. La société espère tirer profit de la consolidation du marché pour augmenter ses ventes, réduire ses dépenses et ainsi trouver un modèle économique pérenne.
Pour aller plus loin:
- Avec le retrait de Getir, clap de fin pour la livraison ultrarapide de courses en France
- La start-up de livraison Gorillas rachetée par Getir
À l’entame de cette quatrième saison, Cafétech a besoin de votre aide. Nous venons de lancer une campagne de soutien, indispensable pour pérenniser notre modèle gratuit. Plus d’explications ici.
Crédit photos: Apple - Unsplash / Dan Gold