Transsion, l'inconnu des smartphones
Et aussi: Fin du combat entre Apple et Epic - Apple détrône Samsung
Transsion, nouveau géant (inconnu) des smartphones
C’est l’autre nouveauté du classement 2023 des ventes mondiales de smartphones, dominé pour la première fois par Apple, au détriment de Samsung qui régnait depuis treize ans. À la cinquième place, s’est hissé Transsion, un acteur totalement absent des grands marchés occidentaux. L’an passé, le groupe chinois a écoulé près de 100 millions d’unités, selon le cabinet IDC, dont plus de la moitié en Afrique. C’est 31% de plus qu’en 2022. Cette forte progression détonne sur un marché en berne, qui vient juste de renouer avec la croissance après sept trimestres consécutifs de repli. Au printemps, le fabricant a ainsi dépassé son compatriote Vivo. Et il devrait rapidement supplanter Oppo. Il “profite pleinement du rebond des ventes sur les marchés émergents”, souligne Amber Liu, analyste au sein du cabinet Canalys.
Numéro un en Afrique – Fondé en 2006 à Shenzhen, Transsion a lancé son premier téléphone portable deux ans plus tard. Dès le départ, le groupe opte pour une stratégie différente des autres sociétés chinoises. Il ne vise pas son marché national mais se concentre exclusivement sur l’Afrique, une zone géographique très peuplée et peu équipée. Et surtout peu stratégique pour tous les autres acteurs du secteur. Il se lance d’abord au Nigeria, avant de s’implanter quasiment partout sur le continent. Et de basculer progressivement vers les smartphones, qui représentent aujourd’hui l’immense majorité de ses ventes. Transsion opère sous trois marques commerciales: Tecno, la plus importante, Infinix et iTel. Depuis 2017, il s’est imposé comme le numéro un incontesté du continent, captant environ la moitié du marché.
Quatre cartes SIM – Ce succès s’explique d’abord par de petits prix: à partir de 10 dollars pour ses téléphones basiques et de 50 dollars pour ses smartphones. Mais pas seulement. Le groupe a aussi su s’adapter aux demandes des consommateurs, quand ses rivaux lançaient des produits d’abord pensés pour d’autres marchés. Il a été le premier à commercialiser des terminaux pouvant accueillir jusqu’à quatre cartes SIM, une pratique répandue dans certains pays africains. Ou encore à équiper ses smartphones d’un clavier en alphabet amharique en Éthiopie et en alphabet hausa au Niger. Il a également conçu un appareil photo représentant plus fidèlement le teint des peaux noires. Profitant de sa position de force, Transsion tente désormais d’augmenter son prix de vente moyen, notamment avec de nouvelles offres de financement.
Smartphone pliable – Si l’Afrique reste le principal marché de Transsion, la croissance récente de ses ventes est principalement tirée par de nouveaux pays. Ses marques sont désormais commercialisées en Asie du Sud-Est, où elles captent par exemple près de 40% du marché aux Philippines, en Amérique latine, au Moyen-Orient ou encore en Europe de l’Est. Le groupe chinois mise aussi beaucoup sur l’Inde, devenue le deuxième marché mondial en volume derrière la Chine. Sa part de marché y reste modeste, sous la barre des 10%. Mais elle a triplé depuis quatre ans. Comme ses rivaux chinois, Transsion rêve de monter en gamme, visant le segment premium dominé par quelques grands acteurs. L’an passé, sa marque Tecno a ainsi dévoilé son premier smartphone pliable, vendu en Inde à plus de… 1.000 dollars.
Pour aller plus loin:
– Après deux ans de baisse, les ventes de smartphones repartent de l’avant
– L’incroyable come-back d’Honor, la marque cédée par Huawei
Apple détrône Samsung sur le marché des smartphones
Pour la première fois depuis le lancement de l’iPhone en 2007, Apple s’offre la première place du marché des smartphones. L’an passé, le groupe à la pomme a écoulé 235 millions de terminaux dans le monde, selon les estimations du cabinet IDC. Il détrône de peu Samsung, qui occupait cette place depuis 2010. Dans un contexte difficile, la marque américaine a bien mieux résisté, notamment grâce à de bonnes performances pendant les fêtes de fin d’année. Ses ventes ont progressé de 3,7%, quand celles de sa grande rivale sud-coréenne ont chuté de 13,6%. Pourtant, Apple rencontre des difficultés en Chine, son premier marché, où il subit le retour au premier plan de Huawei. Mais il profite du déplacement accru des ventes vers le segment premium, qui représente désormais 20% des ventes. De son côté, Samsung fait surtout les frais de la concurrence renforcée sur le marché des smartphones Android, en particulier sur le segment d’entrée de gamme.
Pour aller plus loin:
– Huawei anticipe un rebond spectaculaire de ses ventes de smartphones
– Pourquoi les fabricants de smartphones misent sur les appareils pliables
Aux États-Unis, Apple va devoir modifier les règles de son App Store
C’est la fin d’un feuilleton judiciaire qui aura duré trois ans et demi. Mardi, la Cour suprême des États-Unis, la plus haute juridiction du pays, a décidé de ne pas se saisir de l’affaire opposant Apple à Epic Games, le développeur du populaire jeu Fortnite. Cela signifie que le verdict rendu l’an passé par la justice américaine, et contesté par les deux entreprises, est désormais entériné. Si celui-ci est globalement favorable au groupe à la pomme, la Cour d’appel de San Francisco avait également confirmé les modifications, imposées en première instance, des règles de l’App Store, sa très lucrative boutique d’applications mobiles. Apple va ainsi être contraint d’autoriser les développeurs à ne pas utiliser son système de paiement. Et donc potentiellement à ne plus payer des commissions sur les abonnements ou les achats intégrés.
Système de paiement – Epic avait attaqué Apple en justice en août 2020, après le retrait de Fortnite de l’App Store. L’éditeur dénonçait des “pratiques anticoncurrentielles et monopolistiques”. Non seulement, soulignait-il, il est impossible de télécharger des applications sur iPhone et iPad sans passer par la boutique d’Apple. Mais il est aussi obligatoire d’utiliser son système de paiement, se traduisant par une commission comprise entre 15% et 30% sur chaque achat. Apple assurait qu’il ne peut pas être considéré comme un monopole: le marché des smartphones est dominé par Google et les adeptes de Fortnite peuvent y jouer sur d’autres plateformes. Et la société justifiait l’interdiction d’autres boutiques par la volonté de créer “un environnement sûr et sécurisé” pour ses utilisateurs.
“Liens externes” – À deux reprises, la justice a considéré que la position d’Apple ne constitue pas un monopole. Les juges ne l’ont ainsi pas obligé à ouvrir son système iOS à d’autres boutiques. Ni à autoriser les systèmes de paiement alternatifs directement dans les applications. Ils avaient simplement remis en cause la pratique dite d’anti-steering, qui interdit – sauf pour les applications de “lecture”, comme Netflix et Spotify –, de rediriger les utilisateurs vers un site Internet pour réaliser un achat ou souscrire à un abonnement. Aux États-Unis, les développeurs seront donc désormais autorisés à ajouter des “boutons” et “liens externes”. Mais la mise en œuvre de cette mesure reste incertaine car la justice n’a pas établi de règles détaillées, ni précisé si Apple pouvait encore prélever des commissions sur les achats externes.
Procédure antitrust – Ces deux points pourraient donc faire l’objet de nouvelles procédures judiciaires. Si le concepteur de l’iPhone peut maintenir un niveau de commissions proche de l’ancien – comme il a réussi à le faire en Corée du Sud et aux Pays-Bas –, l’impact sera probablement minime. L’intérêt des transactions externes sera en effet limité, car elles seront plus fastidieuses pour les acheteurs et plus complexes pour les développeurs. En revanche, Apple pourrait perdre des milliards s’il doit renoncer aux commissions: les achats externes offriront probablement des prix plus bas, tout en permettant aux éditeurs d’applications de gagner davantage. S’il a évité le pire, le groupe n’est pas encore à l’abri alors que le département de la Justice s’apprête, selon le New York Times, à déclencher une procédure antitrust.
Pour aller plus loin:
– Face à Epic, Google concède une défaite judiciaire retentissante
– Comment Apple tente d’échapper au DMA européen
Crédit photos: Transsion - Unsplash / James Yarema