Défaite retentissante pour Google
Et aussi: Amazon riposte à Shein - La France contre l'AI Act ?
Face à Epic, Google concède une défaite judiciaire retentissante
La victoire est à la fois retentissante et potentiellement… anecdotique. Lundi, un tribunal de San Francisco a donné raison à Epic Games dans le procès l’opposant à Google, estimant que le moteur de recherche a mis en place des pratiques anticoncurrentielles lui permettant de maintenir son monopole dans la distribution d’applications mobiles sur le système Android. Et ainsi de continuer à prélever des commissions de 15% ou de 30% sur les achats et abonnements. “Les dominos commencent à tomber”, se réjouit Tim Sweeney, le patron du concepteur du jeu vidéo Fortnite, qui ne réclame pas une compensation financière mais seulement des changements. Cependant, Google va logiquement faire appel de ce jugement, ce qui pourrait lui permettre de repousser de plusieurs années d’éventuelles modifications.
Jury populaire – La victoire d’Epic est inattendue. Non seulement, la société avait échoué, à deux reprises, à faire condamner Apple dans une affaire similaire. Mais elle s’était aussi retrouvée isolée juste avant l’ouverture du procès, après les règlements à l’amiable conclus par Google avec les 50 États américains et avec Match, le géant des rencontres en ligne, initialement associés à la plainte d’Epic. Trois éléments ont cependant joué en sa faveur. D’abord, le verdict n’a pas été rendu par un juge, comme face au groupe à la pomme, mais par un jury populaire, qui a été plus sensible à ses arguments plutôt que de seulement s’appuyer sur une interprétation juridique. Cela s’est notamment matérialisé dans la définition du marché, un élément capital dans les dossiers antitrust, qui avait permis à Apple d’échapper à une condamnation.
Accords commerciaux – Ensuite, Google n’a certainement pas été aidé par le fait d’avoir supprimé des messages entre ses dirigeants pour effacer des preuves. Enfin, le géant de Mountain View a été rattrapé par ses multiples accords financiers avec les opérateurs mobiles et les fabricants pour qu’ils ne préinstallent pas de boutiques d’applications rivales sur leurs smartphones. Et aussi avec des éditeurs, dont Activision et Nintendo, pour qu’ils ne distribuent leurs jeux vidéo que sur le Play Store, le magasin de Google. Pour maintenir son monopole, Apple n’a pas eu besoin de conclure de tels accords car son système iOS est encore plus fermé qu’Android. Cela se traduit par une situation paradoxale: Google a été reconnu comme un monopole illégal, quand son rival, qui impose des restrictions plus importantes, ne l’a pas été.
Un appel plus favorable ? – Ce verdict marque le début d’un long processus judiciaire. Le juge qui a supervisé le procès doit encore déterminer les changements que devra mettre en place le moteur de recherche. Epic souhaite notamment que les développeurs ne soient plus contraints d’utiliser son système de paiement. Et donc de lui reverser des commissions. Plusieurs milliards de dollars sont en jeu si la justice opte pour une ouverture totale. Cependant, Google a déjà indiqué qu’il ferait appel, tout en réclamant très probablement une suspension temporaire du verdict. Cela ouvrira la voie à un nouveau procès, peut-être plus favorable car son issue ne sera pas déterminée par un jury populaire. L’affaire pourrait ensuite remonter jusqu’à la Cour suprême des États-Unis, comme c’est le cas pour le conflit entre Apple et Epic.
Pour aller plus loin:
– Aux États-Unis, Google affronte un procès historique
– Bruxelles se prépare à une bataille judiciaire contre Apple et Google
Face au succès de Shein, Amazon abaisse ses commissions sur les vêtements
C’est une décision rarissime pour Amazon, qui illustre un sentiment d’urgence. Plus habitué à augmenter les commissions qu’il prélève sur sa marketplace, le géant américain du commerce en ligne a annoncé, la semaine dernière, une baisse pour les vêtements vendus à moins de 20 dollars. Cette annonce, faite en toute discrétion et sans la moindre justification, représente “sans aucun doute une réponse à Shein”, estime Juozas Kaziukenas, directeur du cabinet Marketplace Pulse, alors que la plateforme chinoise de fast fashion ne cesse de gagner du terrain sur les marchés occidentaux, notamment auprès des adolescents grâce à ses petits prix. Et malgré ses délais de livraison plus longs. Amazon espère permettre aux marchands tiers présents sur sa place de marché d’être plus compétitifs face à cette nouvelle concurrence.
Toujours plus cher – Concrètement, la société ne collectera plus que 5% pour les produits vestimentaires proposés à moins de 15 dollars. Et 10% pour ceux vendus entre 15 et 20 dollars. Les commissions resteront de 17% pour les articles plus onéreux. Cette nouvelle tarification, qui n’a été confirmée qu’aux États-Unis, permettra aux vendeurs d’économiser au maximum 1,80 dollar par vêtement vendu. Mais “Amazon restera plus cher que Shein”, note Juozas Kaziukenas. Surtout que les vendeurs tiers doivent aussi payer d’éventuels frais liés à FBA, la plateforme de logistique d’Amazon qui leur permet d’être éligibles à la livraison gratuite en deux jours, et à la publicité, de plus en plus indispensable pour être visible dans les résultats de recherche. Autant de coûts qu’ils doivent répercuter sur leur prix de vente.
Droit de douane – En face, Shein peut casser les prix grâce à son modèle cross-border. La plateforme ne possède pas (ou peu) d’entrepôts aux États-Unis: les achats sont directement expédiés depuis les usines chinoises de ses milliers de petits sous-traitants, réduisant ses coûts logistiques. D’autant plus qu’elle profite de tarifs postaux avantageux dans le cadre d’une convention internationale, même si ceux-ci ont récemment augmenté. Shein limite aussi les invendus en commandant de petites quantités, entre 50 et 200 exemplaires. Seuls les articles les plus populaires sont ensuite produits davantage. Enfin, la société chinoise s’engouffre dans une faille des lois américaines sur les importations, qui exonèrent de droit de douane – environ 15% pour l’habillement – tous les colis d’une valeur inférieure à 800 dollars.
Marketing gratuit – Si les petits prix jouent un rôle crucial dans le succès de Shein, ils n’expliquent pas tout. La plateforme séduit également les consommateurs par sa capacité à lancer d’innombrables produits – jusqu’à 10.000 par jour – pour surfer quasiment en temps réel sur les dernières tendances, copiant notamment sans retenue des vêtements portés par des célébrités. Elle a aussi optimisé son marketing pour les réseaux sociaux. Sur Instagram et TikTok, influenceurs et anonymes assurent sa promotion, en dévoilant et en essayant leurs derniers achats. Certains sont rémunérés ou reçoivent des vêtements. La grande majorité le fait gratuitement. “Même avec des commissions ramenées à zéro, Amazon ne pourrait toujours pas rivaliser avec Shein”, souligne ainsi Juozas Kaziukenas.
Pour aller plus loin
– Accusé de monopole illégal, Amazon risque un démantèlement aux États-Unis
– Comment un algorithme secret a rapporté un milliard de dollars à Amazon
La France prête à bloquer le projet européen de régulation de l'IA générative
Trois jours seulement après un accord obtenu au forceps, l’avenir de l’AI Act est déjà incertain. Lundi, Emmanuel Macron a exprimé ses réserves sur ce projet de régulation de l’intelligence artificielle, redoutant de“réglementer des choses que nous ne produirons ou n’inventerons plus”. Ces dernières semaines, Paris avait tenté d’imposer des changements importants, avec le soutien de Berlin et de Rome. Les trois capitales réclamaient notamment de ne pas réguler les modèles fondamentaux d’IA générative, mais seulement les services qui les utilisent, craignant de pénaliser les start-up du continent au profit des géants américains. Le texte de compromis adopté vendredi par les représentants de la Commission, du Parlement et du Conseil européens n’a pas encore été rendu public. Il est donc impossible de savoir si la France a pu obtenir des concessions. Dans le cas contraire, le gouvernement français pourrait tenter de bloquer son adoption définitive.
Pour aller plus loin:
– L’Europe se déchire sur la régulation de l’IA générative
– Le double discours d’OpenAI sur la régulation de l’IA
Crédit photos: Flickr / steamXO - Amazon