La spectaculaire volte-face d'Apple
Et aussi: L'Inde se rêve en géant du PC - Spotify change ses règles de rémunération
Comment Apple tente d’échapper au DMA européen
Il y a tout juste un an, Tim Cook avait balayé l’idée d’un revers de main. “Achetez un iPhone à votre mère”, avait répondu le patron d’Apple à une personne qui se plaignait des problèmes de compatibilité entre iMessage et Android. La semaine dernière pourtant, après des années de résistance, le groupe à la pomme a annoncé, à la surprise générale, qu’il allait adopter le protocole RCS. Cette décision va enfin permettre aux utilisateurs d’iPhone d’envoyer des messages enrichis, au lieu des vieux SMS, aux possesseurs de smartphones Android, et vice-versa. Le revirement d’Apple n’est pas dû au hasard: il intervient alors que Bruxelles cherche à déterminer si iMessage doit être concerné par le Digital Markets Act. Et il s’inscrit dans une stratégie visant à échapper autant que possible à cette nouvelle réglementation.
Concession – Apple fait partie des six “gatekeepers” qui devront respecter de nouvelles règles dès l’an prochain. Mais la Commission n’a pas encore statué sur iMessage. Depuis septembre, une bataille de lobbying s’est engagée face à Google et aux opérateurs télécoms. La société de Cupertino assure que son application ne joue pas un rôle de “passerelle” entre les entreprises et leurs clients, ce qui doit l’exclure du champ d’application du DMA. Google rétorque qu’elle constitue le seul moyen pour des sociétés d’envoyer des messages enrichis aux possesseurs d’iPhone. En adoptant le RCS, Apple met fin à cet argument. Et espère que cette concession lui permettra d’éviter le scénario du pire: devoir rendre iMessage interopérable avec les autres messageries, dont WhatsApp, comme le prévoit le texte européen.
Recours en justice – Parallèlement, Apple a lancé un recours devant la justice européenne pour contester deux mesures du DMA. Le groupe souhaite d’abord conserver le monopole de sa très lucrative boutique App Store, dans la distribution d’applications mobiles sur son système iOS. La nouvelle réglementation prévoit en effet de laisser les possesseurs d’un iPhone télécharger d’autres magasins, qui pourraient permettre aux développeurs d’échapper aux commissions de 15% ou 30% prélevées par Apple sur chaque achat ou abonnement. Pour la société, cela représente potentiellement un immense manque à gagner. Deuxième mesure contestée: l’ouverture de l’accès à la puce NFC pour réaliser des paiements sans contact. Sur iOS, celui-ci est réservé à Apple Pay, qui se retrouve en position de monopole.
Sécurité – Pour échapper à ces règles, Apple ne peut pas contester les critères du DMA. Mais ses services juridiques vont tenter de s’engouffrer dans une faille. Le texte prévoit en effet des exemptions pour protéger “l’intégrité du hardware et du système d’exploitation”. Or, le groupe à la pomme affirme depuis des années que son écosystème fermé permet de garantir la sécurité des utilisateurs et des données. L’App Store, explique-t-il, permet de filtrer les applications et ainsi de s’assurer que les possesseurs d’iPhone n’installent pas des logiciels malveillants. Les restrictions sur la puce NFC permettent, selon Apple, de protéger les comptes bancaires. Face à ces arguments, la Commission a déjà préparé le terrain, commandant une étude d’impact sur le sujet. Et elle pourra souligner que Google n’a pas contesté ces deux mesures.
Pour aller plus loin:
– Meta conteste le DMA devant la justice européenne
– Après sa défaite contre Apple, Epic défie Google devant la justice
Comment l'Inde veut attirer les fabricants d'ordinateurs
Après les smartphones, les tablettes et les ordinateurs. La semaine dernière, le gouvernement indien a dévoilé la liste des 27 entreprises qui vont bénéficier d’un nouveau programme de subventions publiques pour installer dans le pays des lignes d’assemblage, aujourd’hui très majoritairement situées en Chine. Celle-ci comprend les principaux acteurs du secteur. Soit directement, comme Lenovo, HP, Dell ou encore Asus. Soit par l’intermédiaire de leurs sous-traitants, à l’image de Foxconn, qui assemble les iPad et les Mac d’Apple. Un grand nom manque cependant à l’appel: Samsung. New Delhi prévoit de dépenser 170 milliards de roupies (1,9 milliard d’euros) dans ce programme, qui inclut aussi les serveurs informatiques. Et espère créer 200.000 emplois dans le pays, dont 50.000 emplois directs.
Aides doublées – Ce programme s’inscrit dans le cadre d’un ambitieux objectif: porter la production d’appareils électroniques à 300 milliards de dollars d’ici à 2026, contre 105 milliards l’an passé. Il y a deux ans, l’Inde avait déjà tenté de séduire les fabricants. Mais ses aides avaient été jugées insuffisantes. Pour ne pas rencontrer le même échec, le montant des subventions a été doublé. Surtout, le pays espère capitaliser sur le choix d’Apple de produire davantage d’iPhone dans des usines indiennes, ce qui lui permet de se présenter comme une alternative crédible à son grand voisin. D’autres groupes cherchent aussi à diversifier l’implantation de leur chaîne de production, notamment depuis la politique zéro-Covid menée l’an passé par Pékin, qui a mis en évidence les dangers d’une dépendance industrielle à la Chine.
7% des iPhone – Fin 2020, l’Inde avait octroyé plus de 5,5 milliards d’euros d’aides publiques pour doper la production de smartphones. Seize sociétés avaient été sélectionnées, principalement des acteurs locaux mais aussi Samsung, Foxconn et deux autres sous-traitants d’Apple. L’an dernier, le groupe à la pomme est passé à la vitesse supérieure, réagissant notamment aux fermetures d’usines imposées par les autorités chinoises. Environ 7% des iPhone ont ainsi été assemblés dans des usines indiennes. Une proportion qui pourrait grimper à 25% dans deux ans, prédit Morgan Stanley. Selon le cabinet Counterpoint, l’Inde est devenu l’an passé le deuxième producteur mondial de téléphones. 98% des appareils vendus dans le pays sont désormais assemblés localement. Et 16% de la production nationale est exportée.
Meccano industriel – New Delhi rêve désormais de résultats similaires sur le marché des ordinateurs. La partie s’annonce cependant plus difficile. D’une part, parce que le secteur enregistre une chute historique de ses ventes. Et d’autre part, parce que l’assemblage d’ordinateurs est un meccano industriel beaucoup plus complexe, composé de plusieurs centaines de fournisseurs, principalement basés en Chine. D’ailleurs, Apple continue de produire l’intégralité de ses Mac dans des usines chinoises, même si des tests doivent être menés au Vietnam et en Thaïlande. Pour lancer la dynamique, le gouvernement avait pensé à une solution radicale: restreindre sévèrement les importations de PC dans le pays. Une idée qui a suscité de nombreuses critiques. Et qui a été abandonnée, au moins temporairement, en octobre.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi l’Inde est devenue stratégique pour Apple
– En Inde, Amazon menacé par l’homme le plus riche d’Asie
Spotify modifie son modèle de rémunération des artistes
Un milliard de dollars de plus par an pour les artistes. Mardi, Spotify a présenté un nouveau modèle de rémunération. La plateforme suédoise de streaming musical souhaite notamment limiter les abus liés à la musique dite “fonctionnelle”, généralement des mélodies et des sons relaxants. Pour cela, elle va augmenter la durée minimale pour qu’une écoute rapporte de l’argent: celle-ci passe de 30 secondes à deux minutes afin d’éviter les pistes de 31 secondes, qui permettent d’accumuler rapidement des streams. Ces musiques généreront donc moins de recettes, augmentant d’autant la part qui revient aux artistes. Par ailleurs, Spotify ne versera plus de royalties pour les titres totalisant moins de 1.000 écoutes par an – ce qui représente une rémunération d’environ 3 dollars. La société explique que ces sommes sont le plus souvent conservées par les plateformes de distribution. Enfin, pour lutter contre les écoutes frauduleuses, Spotify va mettre en place des pénalités financières pour ces plateformes.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi Spotify et Deezer vont modifier le modèle de rémunération
– Dans le streaming musical, la hausse des prix ne fait que commencer
Crédit photos: Apple