Pourquoi Spotify et Deezer augmentent les prix
Et aussi: Amazon investit 4 milliards dans Anthropic - Intel sanctionné en Europe
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Dans le streaming musical, la hausse des prix ne fait que commencer
La dynamique est lancée. Et elle n’est pas près de s’arrêter. La semaine dernière, Deezer a officialisé une nouvelle hausse du prix de ses abonnements en Europe, la seconde en moins de deux ans. La plateforme française de streaming musical devient ainsi la première à facturer douze euros par mois pour son offre individuelle (20 euros pour son offre famille, qui permet de partager six comptes, soit une hausse de deux euros). Comme elle avait déjà été la première à passer à onze euros en janvier 2022. Un tarif sur lequel se sont depuis alignés tous les grands acteurs du marché. Il est ainsi très probable que Spotify, Apple Music, YouTube Music ou encore Amazon Music suivent à nouveau la voie ouverte par Deezer. Avant de procéder à de nouvelles hausses des prix pour le plus grand plaisir des maisons de disques.
Forte hausse pour la vidéo – Depuis le lancement des premières offres payantes, les tarifs du streaming musical n’ont pas évolué sur les principaux marchés, demeurant à dix euros ou à dix dollars par mois. Dans le même temps, les abonnements pour les plateformes de streaming vidéo ont, eux, fortement augmenté. En France, le forfait standard de Netflix, par exemple, est passé de 10 euros en 2014 à 13,50 euros aujourd’hui. Aux États-Unis, la progression a même été encore plus forte. Cette différence peut s’expliquer par la situation concurrentielle du marché: les grandes plateformes musicales proposent en effet une expérience similaire, avec un catalogue de chansons équivalent. Être le premier à augmenter ses prix, c’était alors prendre le risque de perdre des clients au profit de ses rivaux.
Peu de désabonnements – En réalité, l’élasticité-prix, c’est-à-dire l’évolution de la demande en fonction des tarifs, s’est révélée extrêmement faible, voire quasiment nulle. Jeronimo Folgueira, le patron de Deezer, explique ainsi n’avoir constaté “pratiquement aucun impact sur le taux de désabonnement”, démontrant que les plateformes de streaming “disposent d’une plus grande capacité à augmenter les prix que ce qui avait été initialement anticipé”. Une fois que la société française a franchi le pas, tous les autres acteurs ont suivi progressivement, dont Spotify cet été, profitant d’un effet d’aubaine pour accroître mécaniquement leur chiffre d’affaires. Pour les plateformes, la politique tarifaire représente désormais un relais de croissance, devant compenser des gains d’abonnés moins élevés.
Retour vers le gratuit ? – La barrière symbolique des dix dollars ayant été franchie, l’industrie du disque – qui récupère près de trois quarts des abonnements sous forme de royalties –, espère désormais de nouvelles hausses de prix “à un rythme plus régulier qu’auparavant”, explique Robert Kyncl, le patron de Warner Music. Les services musicaux ont probablement encore de la marge, à l’inverse des plateformes vidéo, pour lesquelles les augmentations successives commencent à se répercuter sur le taux de désabonnement. Dans la musique, les consommateurs sont moins exposés car ils n’ont souscrit qu’à un seul abonnement. Les responsables du secteur font ainsi le pari que les utilisateurs payants ne reviendront pas en arrière, vers une offre gratuite, à l’expérience dégradée (publicité, restrictions sur les écoutes…).
Pour aller plus loin:
– Deezer ne décolle toujours pas… mais reste très ambitieux
– Toujours déficitaire, Spotify coupe dans ses effectifs
Amazon va investir jusqu'à 4 milliards de dollars dans Anthropic
Dans la course à l’intelligence artificielle générative, Amazon semblait un peu en retrait par rapport à Microsoft et Google, ses deux principaux rivaux sur le marché du cloud computing. Lundi, le géant du commerce en ligne a changé de braquet, officialisant un investissement de 1,25 milliard de dollars, mais pouvant atteindre jusqu’à 4 milliards, dans Anthropic, une start-up américaine qui a conçu un robot conversationnel. Cette opération pourrait ainsi devenir la deuxième plus importante jamais menée dans le secteur, derrière les dix milliards levés début 2022 par OpenAI, le créateur de ChatGPT. Elle n’est pas seulement financière: elle inclut aussi une “collaboration stratégique”, qui va notamment permettre à Amazon de proposer les prochains modèles d’Anthropic aux clients de sa plateforme de cloud.
Google aussi dans le capital – Basée à San Francisco, la start-up a été lancée par plusieurs anciens d’OpenAI, notamment les frère et sœur Daniela et Dario Amodei, qui s’opposaient au rapprochement commercial avec Microsoft. Elle avait jusque-là levé 1,6 milliard de dollars, dont 750 millions depuis le début de l’année, pour une valorisation proche des 5 milliards. Anthropic a notamment recueilli 300 millions auprès de Google, qui aurait mis la main sur 10% de son capital. Cet été, elle a lancé une deuxième version de son chatbot Claude, et l’a ouvert gratuitement au grand public. Depuis le printemps, Anthropic a également commencé à mettre son grand modèle de langage à disposition d’autres entreprises, comme la plateforme de questions-réponses Quora. Et vient de lancer une version payante de Claude.
Puces d’Amazon – Ces premiers efforts de monétisation ne seront cependant pas suffisants pour financer les prochaines étapes. Les dirigeants d’Anthropic étaient ainsi à la recherche de plusieurs milliards de dollars pour concevoir une nouvelle version de leur modèle, qu’ils promettent dix fois plus puissante que tous les modèles existants. Les milliards d’Amazon ne seront donc pas de trop. Comme pour les opérations similaires, il est très probable qu’une partie de cette somme va être apportée en crédits cloud, permettant à la start-up d’utiliser les capacités de puissance informatique d’AWS, le cloud du groupe de Seattle. L’accord prévoit aussi qu’Anthropic utilise les puces développées par Amazon pour entraîner et pour faire tourner ses modèles, en complément des GPU développés par Nvidia.
Marché du cloud – Ce dernier point représente une avancée, au moins symbolique, pour Amazon: elle légitimise les capacités de ses deux puces d’IA, baptisées Trainium et Inferentia et déployées dans ses data centers, comme une alternative possible à Nvidia. AWS va aussi pouvoir intégrer les futurs modèles d’Anthropic à sa plateforme Bedrock, qui permet à ses clients de développer des services d’intelligence artificielle – par exemple pour ajouter un chatbot dédié au service client dans leurs applications. Le groupe bénéficiera même d’un accès anticipé aux prochaines fonctionnalités développées par la start-up. À l’image de ses concurrents Microsoft et Google, Amazon compte sur ces partenariats pour capter la plus grosse partie du marché, considéré comme potentiellement immense, du cloud lié à l’IA.
Pour aller plus loin:
– En ouvrant un bureau en Irlande, OpenAI fait un pas vers l’Europe
– Inflection AI lève 1,3 milliard de dollars pour son rival de ChatGPT
Bruxelles inflige une amende revue à la baisse à Intel
En matière de procédures antitrust, il ne faut parfois pas être pressé. La semaine dernière, la Commission européenne a infligé une amende de 376 millions d’euros à Intel, seize ans après les faits qui lui sont reprochés. Le géant américain des microprocesseurs avait été condamné une première fois en 2009 à payer une amende de 1,06 milliard d’euros, pour avoir accordé des rabais importants aux fabricants d’ordinateurs, avec l’objectif d’exclure son grand rival AMD du marché. Au terme d’un très long processus, conclu seulement l’an passé, la justice européenne avait cependant estimé que l’analyse de Bruxelles était “incomplète”, n’apportant pas de preuves suffisantes pour démontrer que cette pratique était anticoncurrentielle. Obligée de revoir sa copie, la Commission a donc nettement réduit la sanction contre Intel, en maintenant ses accusations mais en retenant un périmètre plus étroit, validé l’an passé par la justice des Vingt-Sept.
Pour aller plus loin:
– Intel fait plier Berlin et obtient dix milliards d’euros de subventions
– Comment Intel veut redevenir le roi des puces
Crédit photos: Deezer - Capture d’écran