Nvidia, la fin de l'euphorie ?
Et aussi: Un plan de sauvetage pour Intel - ByteDance s'endette lourdement
Nvidia bientôt rattrapé par la fin de l’euphorie autour de l’IA générative ?
À première vue, les résultats financiers de Nvidia, publiés fin août, restent impressionnants. Au deuxième trimestre, son chiffre d’affaires a plus que doublé, à 30 milliards de dollars, toujours porté par la demande pour ses cartes graphiques (GPU) dédiées à l’intelligence artificielle générative. Et ses profits ont été multipliés par près de trois, à 16,6 milliards. En y regardant de plus près, certains investisseurs voient pourtant deux signaux plus inquiétants, qui laissent présager, selon eux, la fin de l’euphorie. D’une part, un affaissement de la marge brute, tombée sur la période à 75,1% – un niveau cependant plus élevé que l’ensemble des concurrents. Et d’autre part, un ralentissement de la croissance des ventes. Au troisième trimestre, celles-ci ne devraient en effet progresser que de 7% par rapport aux trois mois précédents.
Presque un monopole – Depuis le printemps 2023, Nvidia enregistre une hausse vertigineuse de son activité. Dans le sillage du lancement de ChatGPT fin 2020, une véritable course à l’armement a lieu pour bâtir des capacités de calculs informatiques. Les géants technologiques dépensent ainsi sans compter pour mettre la main sur ses GPU, utilisés pour entraîner et faire tourner les derniers modèles d’IA générative – ceux qu’ils conçoivent ou ceux des clients de leur offre de cloud. Près de 50% de son chiffre d’affaires provient de seulement quatre clients. La société ne les nomme pas, mais il s’agit probablement de Microsoft, Amazon, Google et Meta. Sur un secteur en pleine effervescence, elle dispose d’une avance technologique considérable sur ses concurrents. Et elle occupe donc une position quasiment monopolistique.
Retour sur investissement – Des doutes commencent à émerger sur la croissance à venir de la demande. Les dirigeants de Nvidia se montrent rassurants, expliquant que le cycle d’investissement ne fait que commencer, alors que les prochains modèles réclameront une puissance de calcul encore plus grande. Ils mettent aussi en avant le lancement, repoussé de quelques mois, de leur prochain GPU, qui doit offrir des gains de temps et des économies d’énergie. Mais certains analystes se demandent si le secteur n’est pas entré dans une bulle, qui menace d’éclater. Au-delà des prouesses technologiques, l’IA générative tarde en effet à s’imposer dans les entreprises, notamment en raison de ses coûts élevés. Le retour sur investissement reste donc incertain, ce qui pourrait entraîner un tassement de la demande pour les GPU de Nvidia.
Concurrence – Ce phénomène pourrait être accentué par l’intensification de la concurrence. Certes, ses principaux rivaux, AMD et Intel, restent à bonne distance, mais leurs derniers accélérateurs peuvent entraîner et faire tourner certains modèles. Et plusieurs start-up, comme Cerebras et Groq, travaillent sur de nouvelles technologies. En outre, Google, Microsoft, Amazon et Meta ont développé leurs propres puces pour réduire leur dépendance à Nvidia. La société californienne va aussi devoir répondre aux interrogations des gendarmes antitrust. Des enquêtes préliminaires ont été ouvertes à Bruxelles et à Washington. En France, l’autorité de la concurrence a mené une perquisition l’an passé dans ses bureaux. En coulisses, plusieurs acteurs dénoncent des pratiques anticoncurrentielles, comme des stratégies de ventes couplées.
– Après l’euphorie, les craintes d’une bulle autour de l’IA générative
– Nvidia dévoile une nouvelle puce dédiée à l’IA générative
Après l'échec de son plan de relance, Intel va lancer un plan de sauvetage
Il y a vingt-cinq ans, Intel avait été l’une des deux premières entreprises technologiques à rejoindre l’indice Dow Jones. En chute libre depuis le début de l’année, son action est désormais menacée d’en être exclue. Cela représenterait une humiliation pour le fabricant américain de processeurs, dont la capitalisation boursière est tombée sous la barre des 100 milliards de dollars. Mais aussi le symbole de son inexorable déclin et de l’échec de l’ambitieux plan de relance présenté il y a trois ans, peu après l’arrivée à sa tête de Pat Gelsinger, qui ne peut désormais que constater les dégâts. En août, après avoir perdu deux milliards de dollars en six mois, Intel a ainsi annoncé un vaste programme d’économies, prévoyant notamment plus de 15.000 suppressions de postes. Un plan de sauvetage doit être présenté courant septembre.
Investissements – En 2021, Intel se voulait optimiste. Le géant de Santa Clara restait sur deux ratés majeurs. Il n’avait pas anticipé le virage du mobile, laissant le champ libre à l’architecture Arm. Et il n’avait pas misé sur la lithographie par rayonnement ultraviolet extrême, conçue par le néerlandais ASML, prenant un énorme retard sur les gravures les plus fines. Pour repartir de l’avant, Pat Gelsinger n’a pas hésité à remettre en cause le modèle historique d’intégration verticale, dépassé par le modèle de sous-traitance dit “fabless”. Un tiers des puces maison ne sont plus gravées en interne, afin de gagner en performance. Et Intel fabrique des composants conçus par d’autres, comme Microsoft. Pour mettre en place cette stratégie, la société promettait d’investir massivement dans la construction de nouvelles usines.
Pas de scission – Les résultats ne sont cependant pas au rendez-vous. Le chiffre d’affaires a continué de reculer. Et sa nouvelle activité de fonderie tarde à décoller. Face à ces difficultés, Intel s’est déjà engagé à réduire fortement ses investissements. Des mesures plus drastiques vont être prises. Selon l’agence Reuters, ses dirigeants pourraient proposer de vendre la filiale Altera, rachetée en 2015 et spécialisée dans les composants reprogrammables. Une opération qui pourrait rapporter jusqu’à 20 milliards de dollars, prédisent les analystes. Intel pourrait aussi mettre en pause, voire abandonner, son projet de méga-usine européenne, dont les coûts de construction sont estimés à 30 milliards d’euros. Il n’est en revanche pas encore question de scinder la société en deux entités, comme le réclament certains investisseurs.
Motifs d’espoir ? – Pour éviter ce scénario, Pat Gelsinger pourra mettre en avant quelques motifs d’espoir. En juin, lors du grand salon informatique Computex, le groupe a multiplié les annonces de nouveaux produits. Il espère profiter, à son tour, de l’essor de l’intelligence artificielle générative. D’abord, par l’intermédiaire de son prochain GPU, baptisé Gaudi 3, pour lequel il a choisi de se montrer très agressif, avec des tarifs environ trois fois moins élevés que les cartes graphiques H100 de Nvidia, la référence actuelle dans le domaine. Ensuite, grâce à sa nouvelle architecture Lunar Lake, sur laquelle seront basés ses futurs processeurs pour PC, pouvant faire tourner en local des modèles d’IA. L’hypothèse d’une scission n’est cependant pas à écarter si la situation d’Intel ne s’améliore pas… rapidement.
Pour aller plus loin:
– Distancé dans l’IA, Intel ne baisse pas les bras
– Pour relancer les ventes, Microsoft lance des PC optimisés pour l’IA
ByteDance va massivement s’endetter pour financer sa croissance
Toujours dans l’attente d’une potentielle introduction en Bourse, ByteDance négocie un gigantesque prêt. Selon l’agence Bloomberg, la maison mère de TikTok cherche à emprunter 9,5 milliards de dollars, un record en Chine. Cette somme servira à rembourser la dette de 5 milliards contractée en 2021, juste après l’abandon de son projet d’entrée en Bourse, qui avait elle-même en partie servi à rembourser de précédents prêts. Le solde doit être utilisé pour financer le développement des activités en Chine et à l’étranger. La société, qui affiche d’excellents résultats financiers, conçoit notamment des modèles d’intelligence artificielle générative, un domaine où elle a pris du retard sur ses rivaux chinois et américains. Elle tente aussi d’imposer sa plateforme de commerce en ligne aux États-Unis, multipliant les promotions et offrant la livraison gratuite. Cette activité est considérée comme un important relais de croissance, comme c’est déjà le cas en Chine et en Asie du Sud-Est. Mais elle accumule pour le moment de lourdes pertes.
Pour aller plus loin:
– ByteDance menace de fermer TikTok aux États-Unis
– ByteDance, la maison mère de TikTok, se rapproche de Meta
Crédit photos: Nvidia - Intel
Ce monopole, avec l'embargo imposé aux chinois, les pousse à développer des solutions alternatives et les TPU ont fait des gros progrès. On est encore très loin de la puissance de calcul de nvidia mais des fondeurs comme Rockchip vont vite et intègrent des blocs dédiés à l'inference avec quantification dans leurs chips. Il y a aussi des nouveaux acteurs comme Tenstorrent qui sortent des chips à base de grappe de RiscV interconnectés. L'avenir sera probablement moins rose pour Nvidia à moyen terme !