Les magasins sans caisse, symboles des difficultés d'Amazon dans le commerce physique
Ils étaient les symboles de la grande offensive d’Amazon dans le commerce physique: des magasins dans lesquels les caisses étaient remplacées par des caméras et des capteurs de poids, capables d’identifier les produits achetés par les clients. Présenté fin 2016, et officiellement lancé un peu plus d’un an après, ce système, baptisé “Just Walk Out”, va partiellement disparaître. La semaine dernière, le géant du commerce en ligne a indiqué que celui-ci ne sera plus installé dans ses supermarchés Fresh, au profit de caddies intelligents, plébiscités selon la société par les acheteurs. Il restera en revanche utilisé dans sa vingtaine de supérettes Go. La technologie sera, par ailleurs, toujours commercialisée auprès d’autres distributeurs – 130 boutiques d’aéroports ou d’enceintes sportives en sont déjà équipées.
Intervention humaine – En septembre, Amazon vantait encore la “magie” de son système. Et de son “arme secrète”, l’intelligence artificielle. En coulisses cependant, un millier de personnes en Inde étaient chargées d’analyser les flux vidéos pour déterminer les produits placés dans les caddies, rapporte The Information. En 2022, 70% des ventes auraient ainsi été analysées, ce qui se traduisait par l’envoi des reçus de caisse aux clients avec plusieurs heures de retard. Des révélations, en partie, démenties par la société, qui assure que les interventions humaines ne concernent qu’une “petite minorité” des cas, lorsque l’IA n’a pas pu identifier les achats. Il est aussi très probable que le taux d’erreur est beaucoup plus important dans les magasins Fresh, que dans les supérettes Go, qui comptent bien moins de références.
Lifting – L’abandon du système “Just Walk Out” s’inscrit dans un projet de “retour aux fondamentaux” de l’enseigne Fresh, alors que le groupe de Seattle avait surtout mis en avant ses innovations technologiques pour tenter d’attirer de nouveaux clients. Souvent considérés comme austères et peu accueillants, les 44 points de vente aux États-Unis vont ainsi s’offrir un lifting, pour être plus lumineux et colorés. Ils offriront aussi davantage d’articles, comme des plats préparés et des produits de beauté. L’an passé, la société avait fermé les magasins les moins performants. Et mis en pause l’ouverture de nouveaux supermarchés, même si leur construction était déjà entamée voire terminée. Son patron, Andy Jassy, expliquait alors chercher “la bonne proposition de valeur” avant de relancer des “investissements massifs”.
2% des ventes – En rachetant la chaîne de supermarchés Whole Foods en 2017 pour 13,7 milliards de dollars, puis en ouvrant ses propres enseignes, Amazon espérait enfin s’imposer sur le gigantesque marché des courses du quotidien, en particulier de l’alimentaire, sur lequel la part des ventes en ligne demeure toujours très faible. Sept ans plus tard, le groupe reste cependant un tout petit acteur aux États-Unis, captant environ 2% des ventes. Entre 2018 et 2023, les recettes générées par ses quelques 600 magasins physiques n’ont progressé que de 16%. Elles représentent moins de 3,5% de son chiffre d’affaires. Surtout, cette croissance est inférieure à celle enregistrée par le marché des courses du quotidien. Autrement dit, Amazon a perdu du terrain sur ses rivaux, à commencer par Walmart, le premier distributeur mondial.
Pour aller plus loin:
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Chez Intel, le révolution se traduit par de lourdes pertes
C’est un petit jeu d’écritures comptables qui en dit cependant beaucoup sur l’immensité du projet dans lequel s’est lancé Intel. Le géant américain des semi-conducteurs vient de séparer, dans ses comptes, ses nouvelles activités de fonderie, lancées il y a trois ans, qui affichent une perte abyssale de 7 milliards de dollars en 2023. Une décision qui lui permet de regrouper quasiment l’intégralité de ses investissements massifs dans une seule division, faisant apparaître des profits plus importants pour ses autres branches, qui commercialisent ses processeurs équipant les ordinateurs ou les data centers. Une décision qui doit aussi, espèrent ses dirigeants, permettre de mieux mettre en avant les progrès financiers attendus de cette activité, dans l’espoir de redonner un coup de fouet à un cours boursier en berne.
Retard technologique – Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter trois ans en arrière, avec la nomination de Pat Gelsinger à la tête d’Intel. Sa mission: relancer une entreprise en perte de vitesse, supplantée par l’architecture Arm dans les puces pour smartphones. Et dépassée technologiquement pour ne pas avoir cru au potentiel d’une nouvelle technique, la lithographie par rayonnement ultraviolet extrême (EUV en anglais), mise au point par le néerlandais ASML. Le groupe de Santa Clara a ainsi pris un énorme retard sur les gravures les plus fines, perfectionnées par TSMC, qui fabrique les composants les plus avancés. Il a aussi perdu de gros clients, qui conçoivent désormais leurs propres puces, dont ils sous-traitent la production au fondeur taïwanais. C’est le cas notamment d’Apple pour ses ordinateurs Mac.
Modèle fabless - Au-delà, c'est le modèle intégré d'Intel, de la conception à la production, qui est remis en cause. Celui-ci a été supplanté par le modèle de sous-traitance dit "fabless", c'est-à-dire sans usine, qui permet de générer des volumes très élevés pour rentabiliser les immenses investissements nécessaires à la fabrication des semi-conducteurs les plus avancés. À peine nommé, Pat Gelsinger a opté pour un changement radical. La société est désormais divisée en deux. D'un côté la conception des produits, de l'autre la production. La première branche devient ainsi une cliente de la seconde. Et elle est libre de faire graver ses puces où elle le souhaite, même chez les concurrents. Aujourd'hui, un tiers des processeurs d'Intel sont ainsi fabriqués par TSMC. Surtout, la division fonderie peut produire des puces conçues par d'autres d'entreprises.
Contrat avec Microsoft – Cette nouvelle activité reste encore petite: moins d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires l’an passé – sans compter les commandes de la division produits d’Intel. Mais la société assure que son carnet de commandes se chiffre à 15 milliards. En février, elle a signé un premier contrat d’envergure avec Microsoft, pour fabriquer ses puces dédiées à l’intelligence artificielle générative. Pour rivaliser avec TSMC, elle prévoit d’investir plus de 100 milliards de dollars afin de bâtir de nouvelles usines aux États-Unis et en Allemagne. Et elle mise sur un nouveau processus de gravure, qui doit être lancé d’ici à la fin de l’année, notamment grâce à la dernière machine EUV d’ASML, qu’elle va être la première à exploiter. Intel promet ainsi une montée en puissance de ses ventes à partir de 2026.
Pour aller plus loin:
– Nvidia ambitionne de concurrencer Intel sur le marché des CPU
– Intel plombé par le plongeon historique du marché du PC
Crédit photos: Amazon - Intel