Intel fait plier Berlin et obtient dix milliards d’euros de subventions
Intel se savait en position de force. Et une visite de son directeur général Pat Gelsinger à Berlin lui a permis d’obtenir, partiellement, gain de cause. Lundi, le fabricant américain de semi-conducteurs a signé un nouvel accord avec le gouvernement allemand sur la construction d’une méga-usine à Magdebourg, dans l’est du pays, lui permettant de bénéficier de dix milliards d’euros d’aides publiques. C’est trois milliards de plus qu’initialement prévu l’an passé. Depuis, soulignait la société, “les perturbations de l’économie mondiale ont provoqué une hausse des coûts, de la construction à l’énergie”. Le montant de l’investissement ne sera plus de 17 milliards d’euros, assurait-elle, mais de 30 milliards. De quoi justifier une demande de rallonge.
Travaux repoussés – Il y a dix jours, le ministre allemand des Finances avait pourtant assuré que cette requête ne serait pas acceptée. Mais Intel a su tirer profit des dissensions au sein de la coalition gouvernementale, alors que le chancelier Olaf Scholz était, lui, favorable à de nouvelles aides. Le groupe avait aussi mis la pression en repoussant le début des travaux de son usine, qui doit créer à terme 3.000 emplois directs. Cette tactique avait déjà été employée avec succès dans l’Ohio, aux Etats-Unis. Intel n’a cependant pas obtenu tout ce qu’il voulait. Il réclamait en effet cinq milliards d’euros, afin que les financements publics représentent toujours 40% du budget. En outre, une partie des trois milliards d’euros supplémentaires prendra la forme de prix plafonnés de l’énergie.
Aides indispensables ? - L'usine de Magdebourg s'inscrit dans un vaste projet d'investissements d'Intel, qui promet de dépenser 80 milliards d'euros en dix ans sur le continent. Dès le départ, l'Allemagne faisait office de favorite pour l'accueillir. Le pays présente de sérieux atouts: une expertise dans la production de semi-conducteurs, un réseau de sous-traitants déjà bien établi et la proximité d'importants clients, comme ses constructeurs automobiles. D'ailleurs, le géant taïwanais TSMC réfléchit à implanter sa première usine européenne outre-Rhin. Cela n'avait pas empêché Pat Gelsinger de courtiser aussi la France pour faire monter les enchères, assurant que les aides sont indispensables pour rivaliser avec les usines taïwanaises et coréennes, qui affichent des coûts de production plus faibles.
Plan européen – S’il a fait plier Berlin, le fabricant négocie toujours avec le nouveau gouvernement italien pour obtenir davantage de subventions pour bâtir une usine d’assemblage dans la région de Venise. Comme ses rivaux, Intel se trouve en position de force, alors que l’Europe et les États-Unis souhaitent doper leur production de puces, pour le moment essentiellement fabriquées en Asie. L’an passé, la Commission européenne a dévoilé un important plan d’investissements, incluant une enveloppe de 30 milliards d’euros de subventions. Face à la concurrence américaine, Bruxelles a aussi accepté de déroger aux règles sur les financements publics. En échange, tous les fabricants aidés devront accepter de réserver, en cas de pénurie, une partie de leurs puces à leurs clients européens.
Pour aller plus loin:
– La France accorde 3 milliards d’euros de subventions pour une usine de puces
– Intel plombé par le plongeon historique du marché du PC
Pourquoi les maisons de disques poursuivent Twitter en justice
Les maisons de disques passent à l’attaque contre Twitter. La semaine dernière, elles ont lancé des poursuites judiciaires devant la justice américaine contre le réseau social à l’oiseau bleu, lui réclamant au moins 250 millions de dollars pour violation du droit d’auteur. Elles lui reprochent en particulier de ne pas supprimer les messages incluant des chansons protégées, comme le prévoit pourtant la législation. Tout en refusant de négocier des accords de licence avec les détenteurs de droits. “Twitter est la seule plateforme qui refuse de le faire”, souligne David Israelite, le président de la National Music Publishers’ Association (NMPA), un lobby à l’origine de cette procédure, qui rassemble 17 maisons de disques, dont les trois majors du secteur Universal, Sony et Warner.
1.700 infractions – La plainte accuse Twitter de ne pas respecter le Digital Millennium Copyright Act (DMCA). Votée en 1998, cette loi protège les sociétés Internet d’éventuelles poursuites judiciaires liées à des contenus publiés illégalement par leurs utilisateurs. Cela signifie qu’elles ne peuvent pas être attaquées en justice pour des clips musicaux mis en ligne sans l’autorisation des artistes. En échange cependant, elles doivent proposer des outils aux détenteurs de droits pour demander le retrait des vidéos en infraction. La NMPA assure avoir effectué plus de 300.000 signalements depuis décembre 2021, mais souligne que Twitter prend rarement des mesures rapides. La plainte comporte ainsi 1.700 infractions. Une liste qui pourra être complétée, ce qui ferait monter le montant des réparations.
Centaines de millions de dollars – Il est important de souligner que le non-respect du DMCA par le réseau social est antérieur à son rachat par Elon Musk en octobre 2022 pour 44 milliards de dollars. Mais ce changement de propriétaire a aussi marqué un changement dans les relations avec l’industrie du disque. La précédente direction avait en effet engagé des négociations sur des accords de licence, notamment pour permettre à ses utilisateurs d’utiliser des chansons comme fond sonore dans leurs vidéos. C’est aujourd’hui l’utilisation la plus répandue sur les réseaux sociaux, dans le sillage du succès de TikTok. Cette dernière mais aussi Meta, YouTube ou encore Snapchat ont accepté de verser des centaines de millions de dollars chaque année aux maisons de disques pour avoir accès à leur catalogue.
“Plaie pour l’humanité” – Selon le New York Times, les négociations entre Twitter et l’industrie musicale ont pris fin ces derniers mois. A plusieurs reprises, Elon Musk a exprimé son rejet du DMCA, qui protège aussi les photos et vidéos. Le milliardaire assure que la législation va bien au-delà de la protection du droit d’auteur. Et il menace de bannir du réseau social ceux qui l’ont “transformée en arme”. Le DMCA est une “plaie pour l’humanité”, estime-t-il. L’échec des négociations s’explique aussi probablement par une question d’argent. Depuis sa prise de fonction, Elon Musk cherche en effet à réduire les dépenses, notamment pour compenser la forte chute des recettes publicitaires. Twitter a ainsi arrêté de payer ses loyers, notamment pour son siège social à San Francisco, et certaines factures.
Pour aller plus loin:
– Elon Musk nomme une directrice générale chez Twitter… mais garde les commandes
– Comment l’intelligence artificielle bouscule l’industrie du disque
Crédit photos: Intel - Unsplash / Brett Jordan