Du renfort pour Qwant
Et aussi: Des publicités "moins personnalisées" sur Facebook - Bruxelles rappelle encore Apple à l'ordre
Face à Google, le moteur de recherche Qwant s'associe à Ecosia
En rachetant Qwant, Octave Klaba s’est lancé dans un immense défi: sauver une entreprise au bord du gouffre financier et en panne cruelle d’innovation. Le fondateur d’OVHcloud vient de trouver un allié pour y parvenir. Mardi, le moteur de recherche français a annoncé la création d’une coentreprise avec son rival allemand Ecosia, connu pour utiliser ses profits pour planter des arbres. Ensemble, ils souhaitent bâtir un index de recherche, répertoriant des centaines de millions de pages Internet. Une étape essentielle qui doit leur permettre de s’affranchir peu à peu des technologies de Microsoft et de Google. Et qui, espèrent-ils, leur permettra d’offrir une meilleure expérience utilisateur. “Nous ne cherchons pas à créer une révolution. Juste proposer une alternative dans ce monde qui en manque”, explique Octave Klaba.
D’abord en français – Cette coentreprise, baptisée European Search Perspective, s’inscrit dans la feuille de route établie par l’entrepreneur. Depuis le rachat, Qwant a en effet accéléré ses efforts pour construire son propre index. Celui-ci est d’ailleurs bientôt prêt: une version alpha, encore “perfectible”, sera lancée dans les “prochains jours”. En s’associant avec Ecosia, la société va pouvoir “accélérer”, promet Octave Klaba. Le moteur allemand, en bien meilleure santé financière, va en effet apporter des liquidités pour poursuivre ces travaux. Les équipes d’ingénieurs et de data scientists de Qwant rejoindront ainsi la nouvelle structure. L’index doit être lancé au premier semestre 2025, d’abord en français puis progressivement en allemand. Une version anglaise pourrait suivre, avant potentiellement d’autres langues.
Résultats de Bing – Dès son lancement en 2013, Qwant avait promis de bâtir son propre index, afin de proposer, expliquaient alors ses dirigeants, une alternative souveraine et respectueuse de la vie privée aux géants américains du secteur. Mais cette promesse ne s’est jamais matérialisée, par manque d’argent mais aussi de compétences. Et le “Google français” s’appuyait ainsi sur les résultats fournis par Bing, le moteur de Microsoft. L’intérêt d’Ecosia est plus récent. Il est probablement économique. L’an passé, Microsoft a en effet fortement augmenté les tarifs pour utiliser l’index de Bing. Le groupe allemand a alors basculé en partie vers Google, dont les prix sont plus abordables. Mais cette solution ne résout qu’une partie du problème, car le géant de Mountain View ne permet pas d’utiliser son index sur une application mobile.
0,3% du marché – Ce contexte pourrait d’ailleurs être favorable aux deux partenaires, qui souhaitent proposer leur index à d’autres moteurs touchés par cette hausse des prix. Cela pourrait leur permettre de dégager des ressources additionnelles, à condition toutefois d’offrir une alternative suffisamment solide. Avec leur propre index, Ecosia et Qwant espèrent suivre la même voie que le moteur sud-coréen Naver, qui vient de supplanter Google dans le pays. Ils partent cependant de très loin. Le premier affiche une part de marché de 0,3% en Europe, selon les estimations de Statcounter. Le second est encore plus bas. Pas de quoi décourager Octave Klaba, qui a insufflé de la vie dans une entreprise au bord du dépôt de bilan. Le moteur prépare déjà l’avenir. Au printemps, il a ainsi déployé des réponses rédigées par l’IA générative
Pour aller plus loin:
– Avec ChatGPT Search, OpenAI part à l’assaut de Google
– Condamné pour abus de position dominante, Google risque un démantèlement
Face au RGPD, Meta va proposer des publicités "moins personnalisées"
C’est une première pour Meta. Sous la pression des régulateurs, la maison mère de Facebook et d’Instagram va proposer une version contenant des publicités “moins personnalisées” en Europe. Avec un compromis de taille: des annonces affichées en plein écran pendant quelques secondes sans pouvoir les fermer. Cette option s’ajoutera aux deux choix existants: la version gratuite avec des publicités ciblées et la version payante sans annonce. Face aux critiques, la société américaine va par ailleurs baisser le prix de ses abonnements, qui commenceront à partir de six euros par mois au lieu de dix. Elle espère ainsi, enfin, respecter le Règlement général sur la protection des données (RGPD). “Moins personnalisé signifie moins illégal, mais cela ne veut pas dire que c’est légal”, rétorque l’activiste autrichien Max Schrems.
Parades – Entré en vigueur en 2016, le RGPD impose de recueillir le consentement des internautes avant d’utiliser leurs données à des fins publicitaires. Meta a toujours refusé de le mettre en place, redoutant un rejet d’une grande partie des utilisateurs, ce qui limiterait sa capacité de monétisation. À la place, elle a d’abord ajouté cette disposition dans ses conditions d’utilisation, forçant ses membres à donner leur autorisation, généralement sans le savoir. Mais cette pratique a été retoquée par les Cnil européennes. Elle a ensuite tenté d’invoquer le principe “d’intérêt légitime”, prévu dans le RGPD. Sans succès. L’an passé, elle a finalement mis en place le principe de “pay or consent”, consistant à proposer un abonnement payant comme seule alternative à ceux qui s’opposent à l’utilisation de leurs données personnelles.
“Tarif raisonnable” – Pour justifier son abonnement, Meta s’appuie sur un jugement de la Cour de justice de l’Union européenne, qui ouvrait la voie à une option payante comme forme de consentement, à condition cependant que celle-ci soit proposée à un “tarif raisonnable”. En baissant son prix, le réseau social espère s’en approcher. Il assure qu’il ne peut pas aller plus bas que six euros, car cela représente l’équivalent du revenu publicitaire moyen par mois et par utilisateur sur Facebook. En avril, le Comité européen de la protection des données a cependant émis un avis défavorable sur le principe, sans tenir compte du prix. L’organisme avait en effet estimé que “le droit fondamental à la protection des données” ne peut pas être transformé en option payante. En juillet, Bruxelles a annoncé l’ouverture d’une enquête.
Conforme au RGPD ? – C’est dans ce contexte que Meta propose des publicités moins personnalisées. La société explique que ces annonces seront contextuelles, c’est-à-dire basées sur l’activité des utilisateurs sur Facebook ou Instagram au cours des deux heures précédentes. L’âge, le sexe et la localisation continueront à être utilisées, sans refus possible. Il n’est donc pas certain que ce compromis satisfasse réellement les régulateurs européens. Notamment parce que le RGPD ne fait pas la distinction entre les données personnelles. Autrement dit, Meta pourrait avoir besoin du consentement pour utiliser l’âge, le sexe ou la localisation comme critère de ciblage publicitaire. Max Schrems dénonce, lui, un tour de passe passe, visant à créer une alternative “misérable” pour pousser les internautes à accepter les publicités personnalisées.
Pour aller plus loin:
– Pour entraîner son intelligence artificielle, Meta défie à nouveau le RGPD
– Facebook condamné à une amende record de 1,2 milliard d’euros
L'Europe rappelle Apple à l'ordre sur ses pratiques de blocage géographique
Apple est décidément dans le collimateur de Bruxelles. Mardi, la Commission européenne a adressé un nouvel avertissement au groupe à la pomme. Elle lui reproche cette fois-ci d’avoir mis en place des mesures de blocage géographique sur plusieurs de ces services. Il est par exemple impossible d’utiliser un moyen de paiement étranger. Ou de télécharger des applications seulement disponibles dans d’autres pays du continent. Autant de pratiques qui ne respectent pas une réglementation européenne datant de 2018. L’an passé, Google avait aussi été rappelé à l’ordre pour des pratiques similaires sur son système Android. Le moteur de recherche avait pris des mesures correctives. Apple dispose désormais d’un mois pour répondre à Bruxelles. Sans modification, une enquête pourrait être ouverte. Celle-ci pourrait déboucher sur une amende pouvant atteindre 4% du chiffre d’affaires mondial. Selon la presse américaine, la société de Cupertino devrait bientôt être sanctionnée dans le cadre du Digital Markets Act. En mars, elle avait aussi écopé d’une amende de 1,8 milliard d’euros.
Pour aller plus loin:
– Henna Virkkunen, la nouvelle shérif européenne de la tech
– Face aux géants du numérique, le DMA inspire de nombreux pays
Crédit photos: Qwant – Unsplash / Brett Jordan