Apple entrevoit un futur sans Google
Et aussi: La France veut interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans
Apple étudie "activement" des alternatives à Google
C’est une petite phrase qui a fait vaciller Google en Bourse. Et qui permet de comprendre pourquoi le géant de Mountain View se bat pour continuer à verser plus de 20 milliards de dollars par an à Apple. La semaine dernière, Eddy Cue a indiqué que le groupe à la pomme étudiait “activement” la possibilité d’intégrer des services d’intelligence artificielle générative au sein de son navigateur Safari. “Avant l’IA, les alternatives ne me semblaient pas crédibles, a expliqué le responsable des services d’Apple. Aujourd’hui, le potentiel est bien plus grand, car de nouveaux acteurs abordent le problème différemment”. Un tel changement mettrait fin au partenariat exclusif permettant à Google d’être le moteur par défaut de Safari. Et il pourrait accélérer la potentielle transition vers des concurrents dopés à l’IA, comme ChatGPT Search ou Perplexity.
Abus de position dominante – Les déclarations d’Eddy Cue ont été faites à la barre d’un tribunal américain, où vient de se terminer un procès devant déterminer des mesures correctives contre Google. L’été dernier, la société a en effet été reconnue coupable d’abus de position dominante dans la recherche en ligne, notamment en raison de son accord avec Apple, qui lui permet de capter l’immense majorité des recherches effectuées sur les iPhone. Pour relancer la concurrence, le gouvernement américain réclame en particulier la vente de Chrome, le navigateur maison. Mais il souhaite aussi interdire les partenariats commerciaux avec des navigateurs concurrents ou des fabricants de smartphones. Le verdict est attendu en août. Son entrée en vigueur ne devrait cependant pas être effective avant plusieurs années, jusqu’à l’aboutissement de la procédure d’appel.
Nouveaux usages – Si cela peut paraître paradoxal, la somme faramineuse versée à Apple est une bonne affaire pour Google. C’est le prix à payer pour consolider sa position quasi monopolistique dans la recherche en ligne. Tout changement ouvrirait alors la porte à des concurrents. D’autant que l’IA générative transforme profondément les usages. Les chatbots représentent désormais une alternative aux moteurs traditionnels. Ils peuvent trouver des informations sur Internet pour les combiner avec la puissance de l’IA, remplaçant ainsi les liens ou les petits extraits par des réponses plus complexes et détaillées. Leur interface conversationnelle représente aussi un avantage, permettant aux internautes de demander des précisions ou poser des questions complémentaires. En outre, ces services doivent être au cœur du renouveau des assistants vocaux.
Baisse des recherches – Selon Eddy Cue, le nombre de recherches sur Safari a ainsi reculé en avril, “pour la première fois en plus de vingt ans”. Sans démentir, Google assure continuer “d’observer une croissance globale du volume de requêtes”, y compris sur les terminaux d’Apple. La société a cependant bien conscience du danger. Prise de court par le lancement de ChatGPT fin 2022, elle a depuis ajouté des réponses fournies par l’IA sur sa page de résultats pour certaines questions. Elle peut aussi compter sur sa puissance financière pour s’assurer que son application d’IA Gemini soit préinstallée sur les smartphones Android. Elle négocie aussi un accord avec Apple, pour que son modèle soit intégré dans l’assistant Siri. Mais l’IA représente un autre danger: le déclin du modèle de liens sponsorisés qui fait la force de sa machine publicitaire.
Pour aller plus loin:
– Moment de vérité pour Google, qui tente d’éviter une vente forcée de Chrome
– Avec ChatGPT Search, OpenAI part à l’assaut de Google
UN MESSAGE D’APRR
Quand l’IA remplace les barrières de péage
Sur l’autoroute A79, fini les barrières de péage: place au flux libre. À chaque passage, des caméras classiques et infrarouges détectent votre véhicule à 130 km/h, de jour comme de nuit. Plaque d’immatriculation, nombre d’essieux, classe du véhicule, type d’énergie… tout est analysé en temps réel pour facturer automatiquement le bon tarif.
Cette technologie de pointe a nécessité deux ans d’entraînement. Elle repose sur des d’algorithmes d’intelligence artificielle qui apprennent et progressent de manière autonome, rendant les vérifications humaines toujours plus rares.
Au-delà du péage, cette technologie renforce aussi la sécurité: détection automatique de véhicules à contresens, suivi en temps réel des ralentissements, analyse fine du trafic… Rien n’échappe aux algorithmes. Le tout, bien entendu, dans le respect strict du RGPD.
La France veut interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans
“Les réseaux sociaux avant 15 ans, c’est non”. Un an après, Clara Chappaz reprend une promesse d’Emmanuel Macron. Dans un entretien accordé à La Tribune Dimanche, la ministre déléguée à l’intelligence artificielle et au numérique explique vouloir contraindre “les réseaux sociaux à ne pas accepter la création de comptes sans vérification d’âge”. Pour y parvenir, elle se donne trois mois afin de “rallier une coalition, avec l’Espagne, la Grèce et maintenant l’Irlande pour convaincre la Commission européenne” de légiférer sur la question. Faute de quoi, promet-elle, la France avancera seule, comme elle l’a fait sur l’interdiction des sites pornographiques aux mineurs. Mais Clara Chappaz ne se prononce pas sur un problème majeur, que personne n’a encore résolu: comment vérifier efficacement l’âge des utilisateurs dans le respect de leur vie privée ?
Aucun contrôle – Sur le papier, presque tous les réseaux sociaux n’autorisent pas les inscriptions avant 13 ans. Cet âge ne doit rien au hasard: il correspond à une législation américaine qui interdit de collecter les données personnelles des enfants sans le consentement des parents. Dans les faits, cependant, il n’y a aucun contrôle. Et il suffit de renseigner une fausse date de naissance pour contourner cette restriction. En France, 63% des moins de 13 ans ont ainsi au moins un compte, selon une enquête de la Cnil. En 2023, une loi a instauré la nécessité d’un accord parental pour s’inscrire avant 15 ans. Mais l’obligation de contrôle n’est pas encore entrée en vigueur. Peu de pays sont allés plus loin. L’an passé, l’Australie a adopté un texte interdisant ces plateformes aux moins de 16 ans. Et imposant la fermeture des comptes déjà ouverts.
Quelle méthode ? – Le gouvernement australien s’est bien gardé de définir un cadre de vérification de l’âge. Sept mois avant l’entrée en vigueur du texte, le flou reste entier. Plusieurs méthodes existent mais aucune n’est véritablement satisfaisante. Le problème est d’autant plus complexe qu’il s’agit de mineurs, dont la protection des données est renforcée. Les deux options préconisées en France pour les sites pornographiques – le contrôle d’une pièce d’identité et l’utilisation d’algorithmes pour déterminer l’âge – ne seraient ainsi pas forcément adaptées. La première peut être contournée en utilisant les documents d’une autre personne, sans compter que tous les adolescents n’ont pas une carte d’identité ou un passeport. L’efficacité de la deuxième est remise en cause. Et elle soulève des interrogations majeures sur la collecte de données de mineurs.
Qui vérifie ? – L’interdiction des réseaux sociaux pose une autre question: qui doit réaliser la vérification ? Comme le gouvernement australien, Clara Chappaz semble vouloir mettre les plateformes devant leurs responsabilités. “Elles sont capables de pousser un contenu ciblé à un enfant de 11 ans, mais elles ne sauraient pas vérifier s’il a 13 ou 15 ans ? Cette hypocrisie va cesser”, affirme l’ancienne patronne de la mission French Tech, évoquant de potentielles sanctions pour celles qui ne se mettraient pas en conformité. Meta milite pour une autre solution: faire peser la responsabilité du contrôle sur les magasins d’applications mobiles, donc sur Apple et Google. Cela permettrait, explique la maison mère de Facebook et d’Instagram, de l’effectuer qu’une seule fois. Un intense combat de lobbying est d’ailleurs en cours aux États-Unis.
Pour aller plus loin:
– L’Australie interdit les réseaux sociaux aux moins de 16 ans
– La lanceuse d’alerte Frances Haugen exhorte l’Europe à agir
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