Et si Google devenait payant ?
Et aussi: Les levées de fonds continuent de chuter - Apple teste (encore) Bruxelles
L'IA générative pourrait pousser Google à changer de modèle économique
L’émergence de l’intelligence artificielle générative a déjà provoqué beaucoup de changements chez Google. Elle pourrait bientôt se traduire par une transformation radicale de son modèle économique. Selon le Financial Times, le moteur de recherche, gratuit depuis son lancement, réfléchit en effet à rendre payant l’accès à certaines fonctionnalités alimentées par l’IA. Une solution à double tranchant. D’un côté, elle lui permettrait de résoudre une équation délicate, entre hausse des coûts, à cause des ressources informatiques nécessaires pour faire tourner les grands modèles de langage, et baisse attendue des recettes publicitaires. De l’autre, elle ouvrirait une brèche pour de potentiels rivaux, pouvant capitaliser sur leur gratuité afin de gagner des parts de marché face au leader, pour le moment incontesté, du secteur.
Expérimentations – Pris de court fin 2022 par le spectaculaire succès de ChatGPT, Google a rapidement réagi. L’an passé, il a lancé son chatbot Bard, depuis rebaptisé Gemini – reprenant le nom donné à ses derniers modèles. Et il a commencé à tester plusieurs intégrations de l’IA générative au sein même de son moteur de recherche, dans le cadre du programme pilote Search Generative Experience (SGE). Il s’agit notamment d’une réponse générée par Gemini, qui s’affiche au-dessus des traditionnels liens et extraits de site Web. Contrairement à Microsoft, qui a très vite ajouté l’IA à son moteur Bing, Google se montre très prudent dans le déploiement de cette technologie sur son produit vedette. Non seulement parce que celle-ci peut encore commettre de nombreuses erreurs factuelles. Mais aussi parce qu’elle menace ses profits.
Liens sponsorisés – Le danger est double pour Google. D’une part, les coûts d’inférence des modèles d’IA, liés à la création de textes, d’images ou de vidéos, sont beaucoup plus élevés que ceux de son moteur. L’an passé, les analystes de Morgan Stanley chiffraient le surcoût potentiel à 6 milliards de dollars par an, soit 8% du bénéfice net réalisé en 2023. D’autre part, l’intégration de l’IA dans les résultats pourrait se traduire par une baisse du nombre de clics. Or, l’empire publicitaire de Google est bâti sur les liens sponsorisés, vendus aux annonceurs pour apparaître tout en haut lorsque des internautes utilisent certains mots clés. Certes, le groupe a présenté l’an passé quelques idées pour intégrer des publicités dans SGE. Mais ces nouveaux formats ne seront peut-être pas adaptés à toutes les recherches.
“Ringard” – Un an et demi après l’arrivée de ChatGPT, l’IA générative n’a pas encore eu un impact majeur sur l’activité de Google. Même chose pour l’offensive de Bing, dont la part de marché mondial culmine à seulement 3%, contre plus de 91% pour son rival, selon les estimations du cabinet Statcounter. Le moteur de recherche profite toujours de l’inertie des internautes, qui mettent du temps à modifier des habitudes bien ancrées. Mais le risque existe. Selon le site The Information, OpenAI collabore avec Microsoft pour lancer un moteur rival. Et la start-up américaine Perplexity AI, qui propose un outil de recherche repensé pour tirer profit des avancées de l’IA, revendique plus de dix millions d’utilisateurs uniques mensuels. “Google va être perçu comme quelque chose de ringard”, prédit ainsi son fondateur Aravind Srinivas.
Pour aller plus loin:
– Avec l’aide de Microsoft, OpenAI veut concurrencer Google
– En retard sur l’IA générative, Apple négocie avec… Google
La reprise des levées de fonds se fait toujours attendre
L’année 2023 avait déjà été difficile pour les levées de fonds. 2024 commence encore moins bien. Au premier trimestre, les investissements recueillis par les start-up ont chuté de 21%, selon les décomptes du cabinet Pitchbook. À 75,9 milliards de dollars, ils tombent même à leur plus faible niveau depuis 2019. Très loin du record de 210 milliards touchés fin 2021. Depuis, le resserrement des politiques monétaires a mis fin à la période d’argent facile. Cette chute est particulièrement marquée aux États-Unis, alors que l’Europe affiche, elle, une hausse de 22% par rapport aux trois premiers mois de 2023. Comme lors des trimestres précédents, ce sont les méga-levées, supérieures à 100 millions de dollars, qui souffrent le plus. L’accalmie sur le front de l’IA générative contribue au déclin. La reprise, timide, des introductions en Bourse et la baisse attendue des taux d’intérêt pourraient cependant enclencher une reprise des levées de fonds. D’autant plus que le dry powder, les liquidités que les fonds doivent encore investir, reste à un niveau historiquement élevé.
– Après la chute des levées, la French Tech veut croire à un rebond
– Après l’euphorie, les craintes d’une bulle autour de l’IA générative
Face à Spotify, Apple tente de passer en force
Décidément, Apple a décidé de tester Bruxelles. La semaine dernière, le groupe à la pomme a modifié les règles de son App Store en Europe pour se conformer aux injonctions de la Commission européenne, qui l’a condamné en début d’année à une amende de 1,8 milliard d’euros. Mais il tente, une fois de plus, de maintenir les commissions qu’il prélève. Concrètement, les applications de streaming musical seront désormais autorisées à insérer des liens vers leur site Internet pour permettre à leurs utilisateurs de s’abonner aux offres payantes. Apple leur impose toujours de lui reverser une commission de 27%, contre 30% s’ils utilisent son système de paiement. Un niveau qui s’applique aussi au renouvellement de l’abonnement après un an, quand Apple ne prélève alors plus que 15% sur sa plateforme. Ces nouvelles règles sont déjà dénoncées par Spotify. Lundi, la Commission a assuré qu’elle allait étudier leur conformité avec son précédent jugement. En mars, Bruxelles avait aussi ouvert une procédure contre Apple dans le cadre du DMA.
Pour aller plus loin:
– Commissions et restrictions: comment Apple veut contrecarrer le DMA
– Les États-Unis s’attaquent au “pouvoir monopolistique” d’Apple
Crédit photos: Google - Unsplash / Claudio Schwarz