Pourquoi OpenAI souhaite changer de statut juridique
Le tarif pouvait sembler excessif. Mais il ne permet pas à OpenAI d’être rentable. Début janvier, son patron Sam Altman a reconnu perdre de l’argent sur la nouvelle offre d’abonnement à ChatGPT, pourtant commercialisée à 200 dollars par mois. Cet aveu symbolise les coûts exorbitants de l’intelligence artificielle générative – en particulier, l’absence de véritables économies d’échelle qui complique grandement l’équation financière. Surtout, il constitue aussi un moyen de justifier sa volonté de changer de structure juridique, abandonnant le statut d’entreprise à profits plafonnés, contrôlée par une organisation à but non lucratif. Ce projet a été officiellement annoncé fin décembre. La société dispose d’un délai de deux ans pour le mener, faute de quoi elle devra rembourser 6,6 milliards de dollars à ses investisseurs.
Profits pour Microsoft – Au départ, OpenAI est un laboratoire de recherche, soutenu par quelques grands noms de la Silicon Valley pour développer une IA devant bénéficier à l’humanité sans être dictée par une logique de profit. En 2019, devant la nécessité de trouver des fonds, une nouvelle entité juridique est cependant créée: une filiale à “but lucratif plafonné”, dans laquelle Microsoft a depuis injecté près de quatorze milliards de dollars. En contrepartie, OpenAI s’est engagé à lui reverser une grande partie de ses profits. Quasiment tout le reste doit revenir à la fondation caritative. Cette structure hybride, longtemps source de conflits internes, rend impossible l’arrivée d’autres investisseurs, qui n’ont aucun moyen de générer des plus-values. Et elle complique grandement une potentielle introduction en Bourse.
“Public benefit corporation” – Or, OpenAI a besoin de beaucoup d’argent. “Bien plus que nous ne l’avions imaginé”, assure-t-elle. Dans un premier temps, Sam Altman a réclamé des milliards supplémentaires à Microsoft, qui a refusé. Il a donc dû se tourner vers des fonds de capital-risque, leur promettant de devenir une “public benefit corporation”, une entreprise à but lucratif qui œuvre aussi pour le bien de la société. Ce statut, déjà adopté par Anthropic, lui permettra de ne pas totalement se renier. En effet, OpenAI n’aura pas pour unique obligation légale de maximiser la création de valeur pour ses actionnaires. Elle pourra continuer à “s’assurer que l’IA générale (une IA capable d’apprendre seule, NDLR) bénéficie à toute l’humanité”, comme l’écrit-elle encore dans sa mission d’entreprise, même si cela se traduit par des profits moins élevés.
Plainte de Musk – OpenAI promet aussi de donner une partie du capital à sa branche à but non lucratif, lui permettant de disposer de ressources importantes. Ce projet se heurte cependant à deux obstacles. Il nécessite d’abord de renégocier avec Microsoft. Les discussions sont en cours entre les deux partenaires, tous deux accompagnés par de grandes banques d’affaires, sur fond de relations détériorées. En jeu: le poids du groupe de Redmond dans le capital et dans la future gouvernance. Ensuite, une plainte a été déposée par Elon Musk, qui a financé en partie les premiers pas de la start-up avant de claquer la porte. Le milliardaire l’accuse d’une supercherie d’une “ampleur shakespearienne” pour obtenir de l’argent, tout en ayant dès le départ un objectif lucratif caché à long terme. Il est soutenu dans sa démarche par Meta.
Pour aller plus loin:
– Comment la course aux profits s’est imposée dans l’IA
– OpenAI anticipe cinq milliards de dollars de pertes
Au Royaume-Uni, Apple affronte une première class action à haut risque
C’est un procès à haut risque pour Apple. Non seulement parce qu’il pourrait lui coûter jusqu’à 1,5 milliard de livres sterling (1,8 milliard d’euros). Mais aussi parce qu’une défaite pourrait faire jurisprudence et donner des idées à d’autres plaignants. À partir de lundi, le groupe à la pomme affronte une première action en nom collectif devant le tribunal britannique de la concurrence (CAT). Il est accusé d’avoir mis en place des pratiques anticoncurrentielles pour verrouiller le téléchargement d’applications sur son système iOS, lui permettant ainsi de prélever des commissions “excessives et injustes” au détriment des consommateurs. Des accusations “infondées”, rétorque la société, qui met en avant les mêmes arguments qui lui ont permis d’être relativement épargné jusque-là, en particulier devant la justice américaine.
Écosystème fermé – L’affaire est centrée autour de deux restrictions imposées par Apple. D’abord, l’exclusivité accordée à son App Store, seule boutique permettant de télécharger des applications sur un iPhone et un iPad. Ensuite, l’obligation pour les développeurs d’utiliser son système de paiement. Cet écosystème fermé a empêché l’émergence de concurrents, explique le cabinet d’avocats britannique à l’origine de la class action. Les développeurs n’ont ainsi pas eu d’autres alternatives que de verser des commissions de 15% ou de 30% à la firme de Cupertino sur chaque téléchargement payant, chaque microtransaction et chaque abonnement souscrit depuis une application. Des frais qui ont été répercutés sur le prix final payé par le consommateur. En 2021, le préjudice était estimé par les plaignants entre 500 millions et 1,5 milliard de livres.
“Sûr et sécurisé” – Ces accusations ne sont pas nouvelles. Aux États-Unis, elles ont notamment donné lieu à un procès contre Epic, l’éditeur du jeu mobile Fortnite. En Europe, des dispositions du Digital Markets Act, qu’Apple tente de contourner, doivent permettre d’y répondre. Et au Royaume-Uni, le gendarme de la concurrence pourrait prendre des mesures similaires. La défense du groupe repose principalement sur trois arguments. D’abord, il assure qu’il ne peut pas être considéré comme un monopole, car le marché des smartphones est dominé par le système Android de Google. Ensuite, il souligne que le niveau de ses commissions est similaire à celui pratiqué par les autres acteurs. Enfin, Apple justifie l’interdiction d’autres boutiques d’applications par la volonté de créer un “environnement sûr et sécurisé” pour ses utilisateurs.
Que le début ? – Le procès doit durer sept semaines. Plusieurs hauts dirigeants d’Apple, dont le directeur financier, sont attendus à la barre. C’est la première fois dans son histoire que le CAT examine une class action lancée contre un géant technologique. Et probablement pas la dernière. En décembre, ses juges ont autorisé la poursuite d’une autre affaire, également centrée autour de l’App Store mais intentée cette fois-ci au nom des développeurs d’applications. En novembre, l’association de consommateurs Which? a aussi porté plainte, accusant la société d’avoir “enfermé” ses utilisateurs dans son service de stockage iCloud. Montant réclamé: 3 milliards de livres (3,6 milliards d’euros). Une défaite d’Apple dans ce premier procès pourrait également affaiblir Microsoft, Google et Meta, eux aussi visés par des procédures devant le CAT.
Pour aller plus loin:
– Apple, premier géant sanctionné dans le cadre du DMA ?
– Les États-Unis s’attaquent au “pouvoir monopolistique” d’Apple
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