Quel avenir pour OpenAI après l’éviction de son patron Sam Altman ?
Il y a seulement dix jours, Sam Altman détaillait le futur d’OpenAI en ouverture de sa première conférence dédiée aux développeurs. Vendredi, l’emblématique patron du concepteur de ChatGPT, devenu depuis un an le porte-étendard de l’intelligence artificielle générative, a été viré. Une décision abrupte et inattendue, rarement vue dans la Silicon Valley. Officiellement, le conseil d’administration lui reproche de ne pas avoir été “toujours honnête dans ses communications, ce qui limitait sa capacité à exercer ses responsabilités”. En réalité, cette éviction est le résultat de plusieurs mois de tensions internes, en particulier autour du rythme effréné de développement de la technologie, malgré les dangers liés à son utilisation. S’ouvre désormais une période de grandes incertitudes, notamment sur les relations avec Microsoft.
But non lucratif – Pour comprendre la crise que traverse OpenAI, il faut remonter à sa fondation en 2015. Il s’agit alors d’un laboratoire de recherche à but non lucratif, dont l’objectif est de concevoir une IA devant profiter à l’humanité, sans logique de profit. Une rupture intervient en 2019: OpenAI crée une société à “but lucratif plafonné”. Puis, fait entrer Microsoft dans son capital. Le groupe de Redmond apporte un milliard de dollars, en liquidités et en crédits cloud, permettant à la start-up d’utiliser les superordinateurs d’Azure pour entraîner ses modèles d’IA. Le lancement et le succès phénoménal de ChatGPT ont accéléré les tensions. D’un côté, Sam Altman lancé dans une course de vitesse et une course aux fonds. De l’autre, Ilya Sutskever, le directeur scientifique qui milite pour une approche plus prudente.
Changement de cap – Les deux dirigeants partagent bien le même but: développer une IA générale, capable d’apprendre et de réaliser n’importe quelle tâche. Mais le premier privilégie la voie commerciale, peut-être indispensable alors qu’il évoquait au moins 100 milliards de dollars d’investissements. Le second préconise, au contraire, la recherche scientifique. En attendant la nomination d’un nouveau patron, l’intérim sera assuré par Mira Murati, sa très respectée directrice de la technologie. Il est désormais probable qu’OpenAI change de cap. Au point de remettre en cause tous les efforts commerciaux entrepris depuis un an ou de ralentir le développement de modèles toujours plus puissants ? Et ainsi de faire une croix sur la majeure partie d’une valorisation qui devait atteindre 80 ou 90 milliards de dollars ?
Relation avec Microsoft – À court terme, les dirigeants font face à deux problèmes urgents. D’abord, rassurer leurs chercheurs en IA, qui ne manqueront pas de propositions d’emploi chez les concurrents – trois d’entre eux ont d’ailleurs déjà décidé de quitter l’entreprise. Ensuite, redéfinir leur relation avec Microsoft. En début d’année, le concepteur de Windows a injecté dix milliards de dollars dans OpenAI, devenant son premier actionnaire, mais n’obtenant aucun siège au conseil d’admnistration, toujours contrôlé par la structure à but non lucratif. Selon Bloomberg, ses dirigeants sont “furieux” de la tournure des événements. Car ils ont bien plus à perdre que les sommes investies: toutes leurs initiatives dans l’IA générative dépendent des modèles d’OpenAI. De quoi les pousser à chercher un plan B ?
Vers un retour de Sam Altman ? – Certes, Satya Nadella, son patron, a immédiatement assuré “rester engagé envers notre partenariat”. Le contraire serait potentiellement dommageable pour OpenAI, car Microsoft pourrait décider de ne pas octroyer les crédits cloud promis à la start-up, l’obligeant à trouver de l’argent ailleurs pour continuer à financer des travaux qui coûtent très cher. Selon la presse américaine, des investisseurs d’OpenAI tentent de profiter de la situation: ils espèrent convaincre Microsoft de faire pression pour imposer un retour de Sam Altman à son poste. Des discussions auraient même été entamées entre le conseil d’administration et l’ancien patron. Mais celui-ci est encore “partagé”, explique le site The Verge. Et devrait exiger la démission de ceux qui ont tenté de le renverser.
Pour aller plus loin:
– OpenAI abandonne le développement de son dernier modèle de langage
– Le double discours d’OpenAI sur la régulation de l’IA
Crédit photos: OpenAI