Uber et Deliveroo sauvés par... la France
Et aussi: OpenAI négocie avec la presse - Une date de sortie pour le Vision Pro
La France bloque le projet européen de réglementation de l'Uber-économie
Il avait fallu deux ans pour trouver un accord. Mais il aura suffi d’une semaine pour que tout soit remis en cause. Fin décembre, plusieurs pays, dans le sillage de la France, se sont opposés au projet européen de réglementation des conditions de travail de l’Uber-économie. Un texte qui prévoyait notamment d’accorder le statut de salariés aux chauffeurs de VTC et aux livreurs de repas, aujourd’hui considérés comme des travailleurs indépendants. Cela leur aurait permis de bénéficier d’un salaire minimum, de congés payés et d’une protection sociale. Jusqu’à 5,5 millions de personnes, sur un total de 28 millions, auraient pu être concernées par ces nouvelles règles, selon les estimations de Bruxelles. Le coût pour Uber, Deliveroo et les autres sociétés du secteur aurait pu atteindre 4,5 milliards d’euros par an.
Présumés employés – Popularisé par Uber, le recours aux travailleurs indépendants a été répliqué sur de nombreux secteurs d’activité, de la livraison de repas aux tâches ménagères. Cette économie des petits boulots repose sur une main-d’œuvre bon marché – rémunérée à la tâche sans garantie de revenus ni avantages sociaux –, abondante et flexible. Le projet de directive prévoyait que les travailleurs soient “présumés” employés si la plateforme fixe leur niveau de rémunération, supervise leur travail ou ne leur permet pas de choisir leurs horaires. Selon les plateformes, cela se serait traduit par une hausse des coûts et par un manque de souplesse, nécessaire pour absorber des pics d’activité. Elles prédisaient ainsi des prix plus élevés, des temps d’attente plus longs et des fermetures dans les petites villes.
“Reclassements massifs” – Dès le départ, la France faisait partie des sceptiques, se montrant sensible aux arguments des entreprises de VTC et de livraison. Cela n’avait pas empêché la tenue de négociations tripartites, sous l’impulsion de la présidence espagnole de l’Union européenne, particulièrement en pointe pour renforcer les droits des chauffeurs et livreurs. Les discussions les plus longues ont porté sur les critères à prendre en compte pour que les travailleurs soient “présumés” employés. Mais pour Paris, le texte de compromis est “très différent” du mandat qui avait été confié aux négociateurs représentant le Conseil, explique le ministre des transports Olivier Dussopt. Et d’ajouter que ces règles “permettraient des reclassements massifs, y compris de travailleurs indépendants qui apprécient leur statut”.
Avenir incertain – Après ce premier échec, une nouvelle version va devoir être renégociée entre les institutions européennes. Mais l’avenir du projet apparaît désormais incertain. D’abord, parce que l’Espagne vient de laisser la présidence de l’UE à la Belgique, qui n’a pas inscrit le sujet dans son programme. Ensuite, et surtout, parce que le temps presse avant les élections européennes de juin. La prochaine Commission et le prochain Parlement pourraient prendre une nouvelle direction. En attendant, les acteurs du secteur vont pouvoir reprendre leur intense campagne de lobbying. Ils espèrent toujours imposer la “troisième voie” proposée par Uber: un statut hybride, comme au Royaume-Uni, capable de réconcilier la nécessité de préserver leur modèle économique avec celle de mieux protéger les chauffeurs et livreurs.
Pour aller plus loin:
– Comment Uber est enfin devenu rentable
– Just Eat renonce de plus en plus à salarier ses livreurs
Comment OpenAI tente d'éviter de nouvelles poursuites judiciaires
Déjà ciblé par une demi-douzaine de plaintes déposées par des auteurs américains, OpenAI a vu s’ouvrir un nouveau front judiciaire. Fin décembre, le concepteur du robot conversationnel ChatGPT, fer de lance de l’intelligence artificielle générative, a été attaqué en justice par le New York Times, qui l’accuse d’avoir utilisé des millions d’articles pour concevoir ses grands modèles de langage GPT. Et qui lui réclame “des milliards de dollars” de dédommagement. Cette plainte, la première émanant d’un éditeur de presse, a pris la start-up dirigée par Sam Altman par surprise. Et pour cause: celle-ci négociait depuis plusieurs mois un accord de licence avec le grand quotidien américain, dans le cadre d’une nouvelle stratégie visant à solidifier le socle juridique du processus d’entraînement de ses IA.
Risque financier – D’immenses quantités de texte sont nécessaires pour développer un grand modèle de langage. Jusqu’en 2020, OpenAI expliquait s’alimenter auprès de Wikipedia et de deux bibliothèques de livres, simplement appelées Books1 et Books2, qui contiendraient selon des chercheurs plusieurs centaines de milliers d’ouvrages piratés. Exemples à l’appui, le New York Times assure que les dernières versions de GPT ont aussi été entraînées grâce aux articles de ses journalistes, sans autorisation ni rémunération. Ce qui constituerait une violation du droit d’auteur. Pour OpenAI, ces plaintes constituent un important risque financier: jusqu’à 150.000 dollars par infraction constatée. Mais aussi un risque technologique car la justice pourrait ordonner la suppression de multiples données d’entraînement.
“Usage raisonnable” – Pour éviter que des groupes de presse suivent la voie ouverte par le New York Times, OpenAI a publié lundi un message, non signé, sur son site Internet. L’entreprise assure d’abord que les exemples mis en avant par le quotidien sont des “régurgitations”, un bug contre lequel elle assure lutter, et qui aurait été provoqué par des instructions visant à “manipuler” ChatGPT pour obtenir des résultats accablants. La start-up souligne également que son robot conversationnel entre dans le cadre du fair use, une disposition qui autorise un “usage raisonnable” des œuvres protégées par le droit d’auteur. Et elle rappelle qu’elle permet déjà aux médias de facilement refuser que leurs articles soient utilisés pour entraîner ses modèles, ce qu’a d’ailleurs fait le New York Times cet été.
Accords de licence – Surtout, OpenAI a opéré un changement stratégique. Depuis plusieurs mois, elle s’est rapprochée des éditeurs de presse pour conclure des accords de licence. En juillet, la société s’est entendue avec la grande agence américaine Associated Press, lui permettant d’exploiter toutes les dépêches publiées depuis 1985. En décembre, elle a conclu un partenariat similaire avec l’éditeur allemand Axel Springer, qui détient le tabloïd Bild, le quotidien Die Welt, et les sites Business Insider et Politico. Un accord qui se chiffrerait en dizaines de millions d’euros. “Nous menons de nombreuses négociations”, explique Tom Rubin, responsable de la propriété intellectuelle et du contenu chez OpenAI, interrogé par l’agence Bloomberg. “Les choses avancent bien. Des accords ont déjà été annoncés. D’autres suivront”, promet-il.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi Microsoft et OpenAI se retrouvent dans le collimateur de l’antitrust
– OpenAI abandonne le développement de son dernier modèle de langage
Apple lancera son casque Vision Pro en février
Annoncé en grande pompe en juin, le Vision Pro d’Apple a enfin une date de sortie. Le premier casque de réalité mixte du groupe à la pomme sera commercialisé à partir du 2 février, mais seulement aux États-Unis. Et pour 3.500 dollars. À ce tarif très élevé, son potentiel commercial sera bien entendu très limité. L’objectif prioritaire d’Apple n’est pas de vendre des millions d’unités, mais de commencer à imposer une nouvelle plateforme, “l’informatique spatiale”, qui pourrait être capable de remplacer un jour les smartphones ou les ordinateurs. Le Vision Pro est la première nouvelle catégorie majeure de produits lancée depuis l’Apple Watch en 2015. Si la société dirigée par Tim Cook a montré plusieurs cas d’usage de son casque, aucun ne semble véritablement faire office de killer app, une application qui justifierait à elle seule l’achat par le grand public.
Pour aller plus loin:
– Apple se lance dans la réalité augmentée, un marché aux multiples échecs
– Avec sa broche dopée à l’IA, Humane veut remplacer les smartphones
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