L'immense défi d'Apple
Et aussi: Spotify change de stratégie dans les podcasts - La France pose 3 milliards d'euros pour une usine de puces
Apple se lance dans la réalité augmentée, un marché aux multiples échecs
Cela faisait neuf ans qu’Apple n’avait pas lancé une nouvelle catégorie majeure de produits. Lundi, en ouverture de sa conférence annuelle destinée aux développeurs, le groupe à la pomme a dévoilé son premier casque de réalité mixte – qui permet de passer de la réalité virtuelle à la réalité augmentée. Sans surprise, tant les fuites avaient été nombreuses ces derniers mois. Baptisé Vision Pro, l’appareil ressemble à un masque de ski. Il se contrôle avec les yeux, les mains et la voix. Et il est doté d’une batterie n’offrant qu’une autonomie de deux heures. Il sera disponible en 2024, d’abord aux États-Unis. Le casque permet de “mêler les mondes réels et virtuels”, assure Tim Cook, le patron d’Apple. Il permettra par exemple de travailler, en reproduisant l’écran d’un ordinateur Mac. Ou de regarder un film.
3.500 dollars – Si la société de Cupertino a montré plusieurs cas d’usage de son casque, aucun ne semble véritablement faire office de killer app, une application qui justifierait à elle-seule l’achat. D’autant plus que le prix de vente sera très élevé: 3.500 dollars. À ce tarif, le potentiel commercial du Vision Pro sera bien entendu très limité. L’objectif prioritaire d’Apple n’est d’ailleurs pas de vendre des millions d’unités. Mais de commencer à imposer une nouvelle plateforme, “l’informatique spatiale”, capable de remplacer un jour les smartphones ou les ordinateurs. Le groupe, qui travaille depuis sept ans sur le projet, voit à long terme. Et il peut se permettre d’investir massivement en attendant pour lancer la machine. Selon l’agence Bloomberg, Apple espère écouler 900.000 unités la première année.
Échecs – Apple n’est pas la première marque à parier sur la réalité augmentée, un marché jugé prometteur depuis des années mais sur lequel les échecs se multiplient. Au-delà du cas marquant des Google Glass, deux exemples n’incitent pas à l’optimisme. D’une part, HoloLens de Microsoft. Depuis sa présentation en 2015, le casque est devenu un produit de niche dont l’avenir semble très incertain suite à un contrat non renouvelé par l’armée américaine, faute de résultats satisfaisants. D’autre part, la start-up Magic Leap, qui avait levé près de trois milliards de dollars auprès d’investisseurs. Et qui a ensuite échappé de justesse à la faillite. Si elle a récemment lancé un nouveau modèle, la société a abandonné ses rêves de grandeur pour se recentrer vers le marché professionnel.
Cercle vicieux – Apple dispose de plusieurs arguments de poids par rapport à Microsoft et Magic Leap: son image de marque, son immense base de fans, sa boutique d’applications ou encore son expertise dans le hardware et dans l’expérience utilisateur. Mais le groupe souffrira toujours de deux problèmes majeurs: le prix, en attendant le lancement d’une version moins chère encore en développement, et l’absence d’applications révolutionnaires, qui justifient de ne pas simplement utiliser un smartphone ou une télévision. Ces deux handicaps peuvent créer un cercle vicieux: ils ne poussent pas les consommateurs à l’achat, ce qui se traduit par une base d’utilisateurs trop faible pour convaincre les développeurs de créer de nouvelles applications… pourtant indispensables pour séduire de nouveaux acheteurs.
Pour aller plus loin:
– Magic Leap lance de nouvelles lunettes de réalité augmentée
– La mystérieuse start-up Humane dévoile un premier prototype
Toujours déficitaire, Spotify change de stratégie dans les podcasts
Le changement de stratégie était devenu de plus en plus évident au cours des derniers mois. Il est désormais confirmé officiellement. Lundi, Spotify a annoncé un “pivot fondamental” sur le marché des podcasts. Après avoir longtemps dépensé sans compter pour offrir des émissions exclusives à ses utilisateurs, la plateforme suédoise de streaming musical accélère désormais ses “efforts de partenariat”, explique Sahar Elhabashi, qui a pris la tête de cette activité en début d’année. Autrement dit, elle va produire et financer moins de podcasts. Conséquence: sa division podcast va subir une nouvelle vague de licenciements, la troisième depuis l’automne. Environ 200 postes vont ainsi être supprimés, notamment en raison de la fusion des studios Gimlet et Parcast.
Lourdes pertes – Ce changement de stratégie s’inscrit dans une volonté de baisser les coûts. En janvier, Spotify s’était déjà séparé de 600 employés. “Avec du recul, j’ai été trop ambitieux en investissant avant la croissance de notre chiffre d’affaires”, expliquait alors Daniel Ek, son fondateur et patron. Il avait notamment admis ne pas avoir anticipé l’impact du ralentissement du marché publicitaire, plombé par l’inflation et la crainte d’une prochaine récession. Comme l’ensemble du secteur technologique, Spotify a massivement recruté après la crise sanitaire. “La croissance de nos dépenses opérationnelles a été deux fois plus forte que celle de nos recettes”, soulignait Daniel Ek, assurant que cette évolution n’était “pas tenable à long terme”. D’autant plus que le leader du streaming musical n’est toujours pas rentable. L’an passé, il a accusé une perte nette de 430 millions d’euros.
Bond de l’audience – Pour bâtir son offre de podcasts, Spotify a racheté au prix fort plusieurs studios. Et a aussi signé des chèques importants au controversé Joe Rogan, l’un des podcasteurs américains les plus populaires, et à des personnalités, comme Michelle Obama, le prince Harry et son épouse Meghan Markle. Ses efforts ont porté leurs fruits sur le plan de l’audience. Spotify assure être la plateforme de podcasts la plus utilisée dans de nombreux pays, dont les États-Unis, avec plus de 100 millions d’auditeurs. Mais les indices d’un changement de cap se multipliaient. En octobre, la société avait déjà mis un terme à une dizaine d’émissions maison. Plusieurs contrats d’exclusivité n’avaient pas été renouvelés. En janvier, Dawn Ostroff, qui a été à l’origine de cette offensive, avait quitté son poste.
Limite du modèle économique – Les podcasts font perdre beaucoup d’argent à Spotify – et encore plus avec la faiblesse actuelle du marché publicitaire. L’équation est difficile pour Daniel Ek, qui a fait des podcasts un élément central de son projet de diversification. Le dirigeant y voit un moyen de dépasser la limite de son modèle économique: les importantes royalties versées aux artistes, qui se chiffrent à plus de 70% du chiffre d’affaires généré par les écoutes. Un système qui ampute grandement la rentabilité de la plateforme. Pour dégager des profits, il est donc nécessaire de développer de nouvelles activités, capables d’offrir des marges plus élevées. Entre 40% et 50% pour les podcasts, selon les prédictions de Daniel Ek. Le chemin est encore très long: en 2021, ils ont généré une marge négative de 57%.
Pour aller plus loin:
– Spotify enterre son rival de Clubhouse
– Spotify réclame à Bruxelles des “mesures rapides” contre Apple
La France accorde 3 milliards d'euros de subventions pour une usine de puces
Validée fin avril par Bruxelles, la subvention de l’Etat français pour la construction d’une usine de semi-conducteurs a été officialisée lundi par Bercy. Le fabricant tricolore STMicroelectronics et son associé américain GlobalFoundries vont ainsi recevoir 2,9 milliards d’euros d’aides publiques, soit près de 40% d’un investissement estimé à 7,5 milliards. Le site, situé en Isère, est déjà en partie opérationnel. Et la production a déjà commencé. L’usine doit notamment fabriquer des puces reposant sur la technologie française FD-SOI, avec l’objectif d’abaisser la finesse de gravure. Ce projet s’inscrit dans le cadre du Chips Act européen, qui ambitionne de mobiliser 43 milliards d’euros pour quadrupler la production de semi-conducteurs sur le continent d’ici à 2030. L'an passé, la France avait été devancée par l'Allemagne, choisie par Intel pour construire une méga-usine dont le coût est désormais estimé à 30 milliards d'euros.
Pour aller plus loin:
– Intel réclame des milliards supplémentaires pour ses usines européennes
– ASML, le géant européen inconnu des semi-conducteurs
Crédit photos: Apple - Spotify