Pourquoi Spotify et Deezer vont modifier le modèle de rémunération des artistes
Précurseur dans la hausse du prix des offres de streaming musical, Deezer veut aussi le devenir dans la rémunération des artistes. Après avoir conclu un accord début septembre avec Universal Music, la plateforme française a convaincu une autre major d’adopter un nouveau modèle: Warner Music, dont le patron Robert Kyncl réclame depuis longtemps des ajustements. “Ce n’est plus possible qu’une chanson d’Ed Sheeran rapporte autant que le son de la pluie tombant sur un toit”, soulignait-il au printemps. Ce système dit “artist centric” vise à mieux rémunérer les artistes en limitant les abus et les fraudes, rendus possibles par les failles du modèle “market centric”, en place depuis le lancement des premiers services d’écoute. Deezer espère réaliser la bascule de l’ensemble de son catalogue dans tous les pays l’an prochain.
Redistribution proportionnelle – Face aux critiques des grandes maisons de disques, Spotify va également bouger. Selon les informations de Music Business Worldwide, le leader suédois du marché va en effet mettre en place des changements, moins radicaux que ceux de Deezer, début 2024. Ils représentent cependant une première remise en cause du modèle historique, qui a l’avantage d’être, sur le papier du moins, facile à comprendre. Aujourd’hui, les principales plateformes de streaming musical redistribuent environ 70% de leurs recettes, générées par les abonnements ou par la publicité, aux ayants droit (artistes et compositeurs) de manière proportionnelle au nombre d’écoutes supérieures à 30 secondes. Une chanson deux fois plus populaire qu’une autre permet donc de gagner deux fois plus de royalties.
Bruit blanc – En place depuis quinze ans, ce modèle présente deux limites principales. Il est d’abord vulnérable aux faux streams, réalisées par des robots qui rejouent en boucle les mêmes chansons. Les analystes de JPMorgan estiment qu’ils représentent 10% des écoutes totales. Spotify les chiffre, de son côté, à moins de 1%. La plateforme suédoise assure, par ailleurs, qu’elle dispose d’algorithmes capables de détecter les fraudes. Le modèle actuel de rémunération profite ensuite à de la musique dite “fonctionnelle”, généralement des mélodies et des sons relaxants. Et aussi à des pistes de bruit blanc, utilisées notamment pour aider un nourrisson à s’endormir. Ces deux phénomènes imputent les recettes des artistes, car le gâteau à partager ne grossit pas proportionnellement au nombre d’écoutes.
Système à deux vitesses – Pour résoudre le second problème, Deezer propose de démonétiser les “bruits” non musicaux. Spotify est moins extrême: pour ces pistes, la durée minimale d’une écoute rémunérée va être “significativement” augmentée, réduisant d’autant leurs gains. Face à la fraude, Deezer va introduire un seuil maximal de 1.000 streams par mois, par utilisateur et par artiste: au-delà, le poids – et donc la rémunération – des écoutes sera pondéré. De son côté, Spotify va mettre en place des pénalités financières pour les plateformes de distribution. Le dernier changement de Deezer est plus controversé. La plateforme propose en effet une rémunération à deux vitesses, augmentant les royalties versées aux artistes qui génèrent plus de 1.000 écoute et 500 auditeurs uniques par mois. Au détriment donc des artistes moins populaires.
Pour aller plus loin:
– Dans le streaming musical, la hausse des prix ne fait que commencer
– Comment Spotify est redevenu rentable
Face à la menace TikTok, Amazon s'associe à Facebook et à Snapchat
Pour acheter chez Amazon, plus besoin de se rendre sur… Amazon. Depuis quelques mois, le géant américain du commerce en ligne multiplie en effet les partenariats pour déployer de nouveaux canaux de vente. Et ainsi toucher un public encore plus large, directement sur les plateformes qu’il utilise. Mardi, il a officialisé une alliance avec Snapchat, permettant aux utilisateurs de passer une commande sans jamais quitter l’application au fantôme jaune. La semaine dernière, la société de Seattle avait aussi confirmé un accord avec Meta pour offrir la même fonctionnalité aux adeptes de Facebook et d’Instagram. Et cet été, elle s’était associée avec Pinterest et plusieurs éditeurs américains de sites Internet. “Les consommateurs découvrent des produits de différentes manières et à différents endroits”, justifiait-elle alors.
Supprimer les “frictions” – Concrètement, Amazon peut désormais publier des publicités sur ces différents réseaux sociaux, pour mettre en avant des produits qui peuvent être achetés en quelques clics. L’objectif est de simplifier le processus d’achat pour supprimer les “frictions” sur les applications mobiles. Jusqu’à présent, un client potentiel était redirigé vers le site d’Amazon, sur lequel il devait se connecter avant de pouvoir finaliser son achat. Il pourra désormais simplement cliquer sur un bouton “acheter” – après avoir relié son compte Amazon à son compte Facebook ou Snapchat lors de la première commande. Cela doit permettre de doper le taux de conversion des publicités, et donc d’augmenter les ventes de l’e-marchand. Cette option sera aussi offerte aux vendeurs tiers présents sur sa marketplace.
Concurrence de TikTok – Amazon explique que cette initiative sera initialement limitée – et probablement réservée au marché américain. À terme, elle pourrait également lui permettre d’accroître encore davantage ses recettes publicitaires, en offrant un nouveau canal de diffusion – et en prélevant une commission – aux commerçants qui paient déjà pour apparaître le plus haut possible sur ses pages de résultats de recherche. Ses efforts interviennent surtout au moment où TikTok vient de déclencher son offensive dans le commerce en ligne aux États-Unis, tentant de répliquer une recette qui fonctionne sur Douyin, sa version chinoise, auprès de ses 150 millions d’utilisateurs américains. Face à ce nouveau rival, Amazon a décidé d’aller chercher les acheteurs directement sur les réseaux sociaux concurrents.
Données additionnelles – Pour Meta, Snap ou Pinterest, le partenariat avec Amazon doit permettre de donner un coup de fouet à leurs ambitions dans le commerce en ligne. Des ambitions qui ne se sont pas traduites, jusqu’à présent, par des résultats spectaculaires. Les trois sociétés espèrent vendre davantage d’annonces publicitaires auprès des marchands tiers d’Amazon. Et de les commercialiser potentiellement plus cher grâce à l’amélioration du taux de conversion. Elles pourront aussi capter des données additionnelles sur les achats et les intérêts de leurs utilisateurs, qu’elles pourront ensuite mettre à profit pour mieux les cibler. Cela est d’autant plus important qu’elles ont perdu une partie de leurs capacités de ciblage avec l’entrée en vigueur de nouvelles règles sur le pistage publicitaire sur iOS. Et bientôt sur Android.
Pour aller plus loin:
– Tiktok lance (enfin) son offensive dans le commerce en ligne
– Comment un algorithme secret a rapporté un milliard de dollars à Amazon
Crédit photos: Deezer - Amazon
Bonjour,
Merci pour cet article très intéressant.
Je tiens à signaler une erreur concernant le nouveau modèle Artist Centric de Deezer : "Face à la fraude, Deezer va introduire un seuil maximal de 1.000 streams par mois, par utilisateur et par artiste : au-delà, les écoutes ne rapporteront plus rien"
Cette phrase est fausse pour deux raisons :
- Le seuil de 1000 streams par mois & 500 auditeurs ne concerne que le "boost" accordé à certains artistes. Contrairement au modèle de Spotify, les artistes en dessous de ce seuil continuent bien à toucher des royalties.
- La détection de la fraude se base sur des algorithmes complexes, et pas sur le seuil de 1000 streams.
Plus d'informations sur le site de Deezer : https://newsroom-deezer.com/fr/2023/09/universal-music-group-et-deezer-lancent-le-premier-modele-de-streaming-musical-centre-sur-lartiste-artist-centric/
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