La France perquisitionne chez Nvidia
Et aussi: Amazon menacé de démantèlement - Snapchat licencie encore
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L’autorité de la concurrence soupçonne Nvidia de pratiques anticoncurrentielles
Le communiqué de l’autorité de la concurrence est laconique et ne mentionne pas Nvidia. C’est pourtant bien le géant américain des cartes graphiques (GPU) qui a été ciblé, mardi, par une “opération de visite et saisie inopinée”, explique le magazine Challenges. Une sorte de perquisition menée par les services d’instruction du gendarme antitrust français, avec l’autorisation d’un juge. Cette opération intervient au moment où le groupe de Santa Clara surfe sur la demande liée à l’intelligence artificielle générative, qui propulse son activité à un niveau record. Elle s’inscrit dans le cadre d’une enquête sur de potentielles pratiques anticoncurrentielles, indique l’autorité de la concurrence, qui se refuse à tout autre commentaire sur le dossier. Contacté, Nvidia refuse également de discuter du sujet.
Instruction au fond – Les “opérations de visite et saisie inopinée” sont relativement rares. Elles sont déclenchées lorsque l’autorité de la concurrence dispose de “remontées de preuves”, de la part de concurrents ou de clients de l’entreprise ciblée. Et qu’elle pense pouvoir “mettre la main sur des preuves qui pourraient être dissimulées” dans le cadre d’une procédure d’enquête classique, souligne un spécialiste. Le dossier Nvidia va désormais faire l’objet d’une “instruction au fond”, avec débat contradictoire. Cette étape, qui peut prendre plusieurs années, doit determiner si les pratiques présumées anticoncurrentielles le sont véritablement. Le gendarme français ne prévoit pas de communiquer officiellement sur l’affaire avant la notification des griefs voire, encore plus tard, avant sa décision définitive.
IA générative – L’autorité de la concurrence ne précise pas les pratiques incriminées, ni le secteur sur lequel portent ses soupçons. Elle indique simplement que son enquête s’inscrit dans le cadre de “l’attention particulière” qu’elle porte au marché du cloud. Cette formulation semble exclure le segment des cartes graphiques dédiées que conçoit Nvidia pour les ordinateurs, en particulier les machines destinées au jeu vidéo. La société capte bien près de 90% des ventes, selon les estimations du cabinet Jon Peddie Research, mais la situation concurrentielle n’a pas changé ces dernières années pour justifier l’intérêt d’une autorité antitrust. Plus probablement, l’instruction va porter sur le marché des data centers, notamment sur les puces dédiées à l’entraînement et au fonctionnement des modèles d’IA générative.
Offre de cloud – Dans ce domaine, Nvidia occupe une position quasiment monopolistique, avec ses cartes graphiques A100 et H100, ses superpuces Grace Hopper et son supercalculateur DGX. Ses concurrents sont loin derrière. Si Google ou Amazon produisent des puces d’IA, celles-ci sont uniquement utilisées pour leur propre offre de cloud. AMD doit lancer son premier GPU d’IA avant la fin de l’année, mais il n’a pour le moment pas officialisé d’accord commercial d’envergure. Quant à Intel, il ne prévoit pas d’entrer sur le marché avant 2025. Surtout, Nvidia compte profiter de sa position de force pour lancer une offre de cloud, forçant potentiellement la main aux grands acteurs du secteur avec lequel la société souhaite s’associer. Et qui ne peuvent pas lui refuser grand-chose en ce moment.
.Pour aller plus loin:
– Les États-Unis vont empêcher Nvidia d’exporter ses puces d’IA vers la Chine
– Pourquoi Microsoft conçoit sa propre puce dédiée à l’intelligence artificielle
Accusé de monopole "illégal", Amazon risque un démantèlement aux États-Unis
Lorsqu’elle était encore étudiante, Lina Khan s’était fait un nom dans le petit monde de l’antitrust en publiant un article juridique sur la position dominante d’Amazon, dans lequel elle démontrait que l’interprétation traditionnelle d’un monopole n’était plus adaptée. Six ans plus tard, la patronne de la Federal Trade Commission (FTC), la plus jeune de l’histoire à occuper ce poste, passe désormais à l’offensive. Mardi, le gendarme américain de la concurrence a officiellement déposé une plainte contre le géant du commerce en ligne, qu’il accuse d’abus de position dominante. Pour Lina Khan, c’est bien plus qu’une simple affaire, qui devrait l’occuper pendant de longs mois. La responsable joue probablement en grande partie son héritage à la tête de la FTC – qui a récemment été désavouée par la justice face à Microsoft et Meta.
Prix le plus bas – La plainte, déposée avec 17 États américains, est centrée autour de la marketplace d’Amazon, sa place de marché qui met en relation des marchands tiers et des acheteurs. Et qui représente désormais 60% de ses ventes. La FTC assure que le groupe de Seattle a mis en place des pratiques “illégales” afin de “bloquer la concurrence, freiner la croissance des rivaux et consolider sa domination”. Elle reproche en particulier à Amazon d’interdire implicitement aux marchands d’offrir des tarifs plus bas sur leur propre site ou sur d’autres plateformes, alors même que les commissions qu’il prélève sont les plus importantes du marché. Cela se traduit par des prix “artificiellement plus élevés” sur tous les sites. Et empêche l’émergence de véritables concurrents, capables de court-circuiter Amazon sur les prix.
“Peur constante” – Officiellement, la société n’impose plus de clause tarifaire depuis 2019. Dans les faits cependant, avance la FTC, elle dispose de sanctions qui dissuadent les vendeurs tiers d’offrir des prix plus bas ailleurs. Par exemple, ces derniers peuvent être exclus de la “boîte d’achat”, le bouton jaune qui permet d’acheter directement un produit. Ou alors apparaître beaucoup plus bas dans les résultats de recherche. Selon la FTC, les dirigeants d’Amazon reconnaissent, en interne, que les marchands vivent “dans une peur constante” de sanctions qui feraient plonger leurs ventes. Le régulateur estime aussi que le groupe pousse les vendeurs à acheter de la publicité afin d’être visibles. Et à souscrire à son offre de logistique (FBA), afin d’être éligibles à la livraison gratuite en deux jours.
Démantèlement – La plainte du gendarme de la concurrence va beaucoup plus loin que la procédure ouverte il y a trois ans par la Commission européenne, qui a débouché fin 2022 sur un compromis, permettant à Amazon d’éviter une amende. Devant la justice, la FTC pourrait avoir fort à faire. Les lois antitrust américaines sont en effet relativement favorables aux entreprises, car elles imposent de démontrer un préjudice pour les consommateurs. Il faudra ainsi prouver que la relation entre Amazon et les marchands entraîne véritablement une hausse généralisée des prix et une dégradation du service. Des éléments déjà réfutés par le géant américain. En cas de défaite, celui-ci pourrait être contraint de modifier ses pratiques. Il risque aussi un démantèlement, une mesure qui semble cependant peu probable.
Pour aller plus loin:
– Aux États-Unis, Google affronte un procès historique
– Comment la CMA est devenue la nouvelle bête noire des géants de la tech
Snapchat ferme une division dédiée à la réalité augmentée
À peine lancée et déjà fermée. Six mois après sa création, Snap a annoncé mardi la fermeture de sa division ARES, dédiée aux solutions de réalité augmentée pour les entreprises. Une mesure qui va se traduire par la suppression de 170 emplois supplémentaires – qui s’ajoutent au vaste plan social mené il y a un an. La maison mère de Snapchat espérait développer des outils pour permettre aux marques de concevoir de nouvelles expériences sur son application. Par exemple, pour créer une représentation en 3D de leur produit pouvant être placée dans un salon. Ou pour permettre d’essayer virtuellement des habits. La société assure que l’émergence de l’intelligence artificielle générative a créé une nouvelle compétition, avec laquelle il est difficile de rivaliser. Mais son patron Evan Spiegel reconnaît également, dans un message adressé aux salariés, que la baisse du chiffre d’affaires “réduit la capacité à investir dans cette opportunité.”
Pour aller plus loin:
– Pour la premiere fois, Snapchat accuse une baisse de son chiffre d’affaires
– Apple se lance dans la réalité augmentée, un marché aux multiples échecs
Crédit photos: Nvidia -Amazon