Malgré la menace de poursuites antitrust, Amazon augmente ses commissions
Cela ressemblerait presque à une provocation. Fin août, Amazon a annoncé l’instauration de nouvelles commissions pour certains marchands tiers présents sur sa marketplace, mais qui n’utilisent pas ses services de logistique et de livraison (FBA, “expédié par Amazon” en français). Cette mesure, qui entrera en vigueur le 1er octobre aux États-Unis, intervient alors même que la Federal Trade Commission (FTC) se prépare à lancer des poursuites judiciaires contre le géant du commerce en ligne. Le gendarme américain de la concurrence l’accuse d’abus de position dominante contre… les vendeurs tiers. En Europe, Amazon a pu éviter de lourdes sanctions financières en négociant des concessions avec Bruxelles, s’engageant notamment à ne pas accorder un traitement préférentiel aux clients de FBA.
Pousser vers FBA ? – Ces nouvelles commissions, d’un montant de 2%, s’appliqueront aux marchands participant au programme SFP (“Prime expédié par le vendeur”), dont les inscriptions, suspendues depuis quatre ans, viennent de reprendre. Celui-ci leur permet d’être éligibles à la livraison gratuite en un ou deux jours ouvrés, en gérant eux-mêmes la logistique. Et ainsi de doper leurs ventes, car il s’agit d’un élément capital pour de nombreux acheteurs. Amazon justifie ce surcoût par les dépenses liées à la gestion de deux chaînes logistiques. Ses détracteurs y voient au contraire une volonté de pousser les vendeurs tiers à utiliser son service FBA, qui représente une importante source de profits pour la société. D’autant plus que le programme s’accompagne de conditions à respecter particulièrement strictes.
“Boîte d’achat” – Ces nouvelles commissions pourraient donner des arguments supplémentaires à la FTC, qui va essayer de prouver que le groupe de Seattle favorise les vendeurs tiers utilisant FBA, lui permettant de générer des marges plus élevées. Autrement dit, qu’il profite de sa position dominante dans le commerce en ligne pour capter une part plus importante de la valeur. Le régulateur devrait souligner que les clients de FBA apparaissent en meilleure position dans les résultats de recherche. Et qu’ils ont une probabilité plus grande de figurer dans la “boîte d’achat”, le bouton jaune placé à droite qui permet d’acheter directement un produit. Deux éléments qui augmentent les ventes. La société mettra, elle, en avant des vendeurs heureux de se délester de la gestion des stocks, des envois et des retours.
Hausse des frais – Pour les marchands du programme SFP, cette nouvelle commission s’ajoute à des frais qui n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Comme tous les autres vendeurs présents sur la marketplace d’Amazon, ils doivent déjà reverser entre 8% et 15% du prix de vente, selon les catégories de produits. S’y ajoutent des dépenses publicitaires, devenues indispensables pour bien figurer dans les résultats de recherche – et donc pour attirer des acheteurs. Le cabinet Marketplace Pulse estime que cela peut représenter jusqu’à 15% supplémentaires. Pour les clients de FBA, il faut aussi ajouter une commission additionnelle comprise entre 20% et 35%. L’an passé, Amazon récupérait ainsi en moyenne plus de 50% du prix de vente, selon les estimations de Marketplace Pulse, contre seulement 35% en 2016.
Pour aller plus loin:
– Une deuxième vague de licenciements chez Amazon
– Le difficile retour sur terre des agrégateurs Amazon
En Corée du Sud, Netflix échappe à une contribution sur la bande passante
Ces dernières années, la Corée du Sud n’a pas été qu’une source de succès pour Netflix, à l’image du carton phénoménal de la série Squid Game. En coulisses, le pays a également été le théâtre d’un long affrontement judiciaire, qui a rapidement pris une tournure politique. Ce conflit a cependant pris fin lundi avec l’annonce d’un accord à l’amiable avec SK Broadband, le deuxième fournisseur d’accès à Internet coréen. Depuis quatre ans, celui-ci réclamait des dizaines de millions de dollars à la plateforme américaine de streaming vidéo, afin de compenser la hausse de ses coûts liés à la consommation croissante de bande passante. Au-delà de la somme à payer, relativement peu élevée, Netflix redoutait surtout de créer un précédent, qui aurait pu inspirer des régulateurs ou des opérateurs dans d’autres pays.
Netflix battu en justice – Théoriquement, la loi sud-coréenne prévoit que les sites générant le plus de trafic Internet doivent rémunérer les fournisseurs d’accès. En pratique, ce texte est peu appliqué. Fin 2019, SK avait saisi le régulateur des télécoms, puis la justice faute d’avancée notable. Si le groupe a finalement obtenu gain de cause à l’été 2021, il n’a jamais touché les 27 milliards de wons (19 millions d’euros) qu’il réclamait à Netflix pour l’année 2020. L’affaire devait en effet encore être examinée en appel. Les deux groupes n’ont pas communiqué les détails de leur accord financier. Des sources citées par le Korea Economic Daily indiquent cependant que SK va obtenir une compensation financière. L’opérateur va aussi commencer à commercialiser les abonnements de Netflix auprès de ses clients.
Neutralité du net – La bataille entre Netflix et SK avait également gagné le parlement sud-coréen, où plusieurs projets de loi ont été déposés. Le fournisseur d’accès, filiale de SK Telecom, le premier opérateur mobile du pays, assurait que la contribution de la plateforme de streaming était primordiale pour qu’il puisse continuer d’investir dans son infrastructure réseau. Et il soulignait que Naver et Kakao, les deux géants Internet sud-coréens, avaient accepté, eux, de payer. De son côté, la société américaine mettait en avant la neutralité du net, un principe fondateur du web qui assure une égalité de traitement entre tous les acteurs. Elle expliquait aussi avoir beaucoup investi dans des réseaux de diffusion de contenu (CDN), qui permettent justement de réduire drastiquement la consommation de bande passante.
Débat en Europe – Le débat sur la participation financière des géants du web n’est pas limité à la Corée du Sud. Aux États-Unis, les câblo-opérateurs avaient obtenu l’abandon de la neutralité du net en 2018, avant que celle-ci ne soit rétablie il y a deux ans. En Europe, plusieurs pays, dont la France, militent pour un projet de réglementation visant à mettre en place une “contribution juste”, en particulier de Netflix et YouTube, pour financer le déploiement et l’entretien des réseaux Internet, comme la fibre optique et la 5G. Poussé par le lobby des opérateurs télécoms, le texte est soutenu par la Commission européenne. Mais il se heurte à l’opposition de l’Allemagne et de l’Irlande, où les grands groupes américains ont installé leur siège européen. Le projet n’est pas définitivement enterré. Mais il pourrait bientôt l’être.
Pour aller plus loin:
– Comment Netflix va empêcher le partage de compte
– Pourquoi Netflix lance un abonnement avec publicités
Crédit photos: Amazon - Netflix