Comment OpenAI s'adapte aux avancées de DeepSeek
Faut-il y voir le symbole d’une nouvelle ère dans l’intelligence artificielle générative ? En dévoilant vendredi son dernier nouveau modèle de raisonnement, OpenAI a d’abord mis l’accent sur ses coûts de fonctionnement. Et non pas sur sa puissance ou ses capacités. Ce changement de discours n’est pas anodin: il intervient juste après les avancées de DeepSeek. Avec ses modèles sophistiqués à petit prix, le laboratoire chinois a en effet fait basculer le centre d’attention, des capacités de calcul informatique, symbolisées par les immenses investissements dans les cartes graphiques, vers l’efficacité de l’entraînement et de l’inférence (le processus de génération d’un texte ou d’une image). De quoi passer d’un marché dominé par de gros acteurs, comme le créateur de ChatGPT, à un marché potentiellement beaucoup plus ouvert.
Accès gratuit – OpenAI tente désormais de reprendre en main le storytelling. Deux semaines après avoir officialisé en grande pompe le projet Stargate, qui vise à investir 500 milliards de dollars pour construire d’immenses data centers, la start-up veut montrer qu’elle peut aussi s’adapter au nouveau paradigme qui semble se dessiner. Le lancement, visiblement précipité, de son nouveau modèle, baptisé o3-mini, répond à cet impératif. S’il est plus performant, il est aussi moins gourmand en puissance de calcul. Cela permet à OpenAI de baisser drastiquement les prix de ses API, les interfaces de programmation qui permettent aux développeurs d’intégrer un modèle dans leur application ou service. Autre changement: o3-mini est accessible à tous les utilisateurs de ChatGPT, alors que ses prédécesseurs étaient réservés aux abonnés payants.
DeepSeek casse les prix – Ces deux modifications peuvent être interprétées comme des réponses à DeepSeek. D’une part, parce que le laboratoire chinois propose son modèle de raisonnement R1 gratuitement. Un argument qui contribue à son succès: son application mobile est actuellement la plus téléchargée dans une centaine de pays. Et qui pourrait menacer la position dominante d’OpenAI auprès du grand public. D’autre part, parce que DeepSeek a cassé les prix des API – ceux de R1 restent encore deux fois inférieurs à ceux d’o3-mini. Ses modèles représentent ainsi une alternative très bon marché pour les entreprises. Microsoft, pourtant partenaire historique du créateur de ChatGPT, et Amazon les proposent déjà aux clients de leur plateforme de cloud. Cerebras explique, lui, “être submergé par la demande” pour ses puces optimisées pour DeepSeek.
Levée de fonds record – L’arrivée du modèle chinois, disponible en open source, pourrait aussi insuffler une nouvelle vague de concurrence sur le secteur, en abaissant les barrières à l’entrée. De nouveaux acteurs pourraient ainsi être compétitifs sans avoir à dépenser des sommes folles pour entraîner leurs modèles. “Nous produirons de meilleurs modèles, mais nous conserverons moins d’avance que les années précédentes”, reconnaît d’ailleurs Sam Altman. Mais le patron d’OpenAI continue de croire que la puissance de calcul restera primordiale pour s’imposer sur le marché. Pas question donc de remettre en cause le projet Stargate, même si son financement est incertain. Pas question non plus de renoncer à lever des fonds: selon la presse américaine, la start-up prépare un tour de table record, d’un montant de 40 milliards de dollars.
Pour aller plus loin:
– DeepSeek, symbole d’un échec du modèle américain dans l’IA
– Nvidia dédramatise après les avancées de DeepSeek
Temu et Shein perdent leur exemption douanière aux États-Unis
C’est une brèche dans laquelle s’étaient engouffrés avec grand succès Shein puis Temu qui se referme. Mardi, les États-Unis vont en effet mettre fin à l’exemption de droits de douane sur les colis d’une valeur inférieure à 800 dollars. Cette règle a grandement contribué à l’essor des deux plateformes chinoises de commerce en ligne, qui expédient les achats directement depuis des entrepôts situés en Chine. Elle leur a en effet permis de bénéficier d’un avantage compétitif sur leurs concurrents, qui importent de grandes quantités de produits vers leur chaîne logistique américaine. Et ainsi de gagner des parts de marché avec leurs prix cassés, plébiscités par une partie des consommateurs occidentaux. Ce changement va aussi toucher, beaucoup plus marginalement, Amazon, dont la nouvelle plateforme Haul reprend les mêmes recettes.
1,4 milliard de colis – Shein et Temu ont bousculé le commerce en ligne en prenant le contre-pied d’Amazon. Au lieu d’entrer en concurrence frontale, les deux sociétés chinoises ont opté pour une approche différente: des petits prix en échange de délais de livraison rallongés. Dans leur modèle transfrontalier, dit cross border, les commandes ne transitent plus par des entrepôts américains. Elles sont envoyées par voie postale depuis la Chine. Cela permet de réduire les coûts logistiques. Et donc d’échapper aux droits de douane. Cette exonération dite “de minimis” devait initialement faciliter les échanges internationaux et simplifier le travail des douanes. En 2016, les États-Unis avaient même relevé le seuil de 200 à 800 dollars. Avec le succès des plateformes chinoises, 1,4 milliard de colis ont échappé aux taxes douanières l’an passé.
35% pour l’habillement – Face à cette déferlante, les autorités américaines, mais aussi européennes, réfléchissent depuis des mois à faire marche arrière. En septembre, l’administration Biden avait ainsi annoncé son intention de supprimer l’exemption “de minimis”, sans toutefois passer à l’acte. L’administration Trump aura donc été la première à agir, dans le cadre d’une politique plus large, imposant des droits de douane additionnels à la Chine, au Canada et au Mexique. Concrètement, les achats réalisés sur Temu, Shein, Amazon Haul ou encore Aliexpress d’Alibaba seront soumis à des droits de douane, dont le taux varie en fonction de la catégorie de produits. Ils se chiffrent désormais au minimum à 10%. Mais ils peuvent atteindre jusqu’à 35% pour l’habillement. L’impact concret sur les prix reste encore difficile à déterminer.
Hausse des prix – L’an passé, une commission du Congrès estimait que les prix pourraient en moyenne augmenter de 20%. Mais cette évaluation ne prenait pas en compte les droits de douane additionnels imposés ce mardi. Autre incertitude: la capacité de l’administration à faire respecter ces nouvelles règles, compte tenu du volume de colis. Reste que Temu et Shein devraient perdre, au moins en partie, leur avantage tarifaire sur Amazon. Or, celui-ci semble être primordial car il compense les délais de livraison. Les deux groupes se veulent rassurants. Ils affirment que leur folle croissance n’est pas liée à cette brèche douanière. Shein met en avant son “modèle à la demande unique” – les vêtements ne sont d’abord fabriqués qu’en petites quantités. Temu insiste, lui, sur son “modèle qui élimine les intermédiaires inutiles”.
Pour aller plus loin:
– Bousculé sur les prix, Amazon reprend les recettes de Shein et Temu
– Premiers signes de ralentissement pour Temu
Crédit photos: Flickr / Alpha Photo - Temu