OpenAI va lever jusqu'à 40 milliards de dollars, un record
C’était écrit. OpenAI, la start-up de tous les records, ne pouvait pas laisser échapper celui-là. Lundi, elle a officialisé une levée de fonds de 40 milliards de dollars. Du jamais vu pour une entreprise non cotée. Elle éclipse ainsi largement les 14,8 milliards de dollars récoltés en 2018 par Ant Group, la filiale financière d’Alibaba. L’opération s’effectuera en deux temps: 10 milliards immédiatement, le solde d’ici à la fin de l’année. Sur cette somme, le conglomérat japonais Softbank apportera à lui seul 30 milliards. Microsoft et des fonds verseront le reste. Le concepteur de ChatGPT est désormais valorisé à 300 milliards de dollars, quasiment deux fois plus que fin 2024. Un montant record lors d’une levée de fonds – SpaceX et ByteDance, la maison mère de TikTok, ont atteint une valorisation au moins identique mais lors d’une vente secondaire d’actions.
Forte croissance – Cette opération record intervient seulement deux mois après l’onde de choc suscitée par les modèles chinois de DeepSeek, qui semblent nécessiter moins de puissance de calcul. Depuis, OpenAI a changé de stratégie avec son dernier modèle de raisonnement. Celui-ci est disponible gratuitement sur ChatGPT, contrairement à ses prédécesseurs. Et il affiche des tarifs réduits pour ses API, qui permettent aux développeurs de l’intégrer dans leur application. À long terme, la concurrence d’IA plus économes que les siennes pourrait ainsi amputer les recettes de la start-up. En attendant, elle affiche toujours une forte croissance. Elle revendique désormais 20 millions d’abonnés payants, contre 15 millions en février. Et elle vise un chiffre d’affaires de 12,7 milliards de dollars cette année, selon Bloomberg, trois fois plus qu’en 2024.
Projet Stargate – Lancé dans une course vers l’IA générale, c’est-à-dire une IA capable d’apprendre seule, OpenAI affiche aussi de très lourdes pertes. L’an passé, son déficit a atteint cinq milliards de dollars. Ses dirigeants n’anticipent pas la rentabilité avant 2029. L’entreprise doit notamment payer des coûts d’inférence qui ne cessent de progresser à mesure que son succès grandit. Elle souhaite aussi investir massivement dans son infrastructure informatique. En janvier, elle a ainsi dévoilé un ambitieux projet, baptisé Stargate, qui vise à dépenser 500 milliards de dollars pour construire aux États-Unis d’immenses centres de données. OpenAI s’est notamment associé avec Softbank, qui sera chargé de la gestion financière. Sur les 40 milliards de dollars qu’elle vient de lever, 18 milliards seront ainsi dédiés à Stargate, indique CNBC.
Changement de statut – Pour atteindre ses objectifs, la société dirigée par Sam Altman va d’abord devoir procéder à un changement de statut juridique. Elle souhaite abandonner sa structure hybride, contrôlée par une branche à but non lucratif. Cette modification doit lui permettre de redistribuer ses profits comme elle le souhaite, ouvrant la voie à une introduction en Bourse. Plusieurs obstacles se dressent devant OpenAI, en particulier une plainte déposée par Elon Musk. L’enjeu est crucial. Non seulement, elle ne récupérera que 20 des 40 milliards promis lors de sa dernière levée de fonds si le changement n’a pas lieu avant la fin de l’année. Mais elle pourrait aussi, à terme, être contrainte de rembourser l’intégralité de cet investissement, qui s’effectue par l’intermédiaire d’obligations convertibles en actions de sa future entité juridique.
Pour aller plus loin:
– Comment OpenAI s’adapte aux avancées de DeepSeek
– En quête de revanche, Masayoshi Son “fait tapis” sur OpenAI
Faute de puissance de calcul, OpenAI repousse le lancement de nouveaux modèles
C’est le prix du succès. Mardi, Sam Altman a prévenu que la sortie de nouveaux modèles et fonctionnalités allaient être repoussés. “Nous faisons face à des défis de capacité de calcul”, a expliqué le patron d’OpenAI, promettant de “travailler aussi vite que possible” pour trouver une solution. Cette annonce intervient quelques jours après l’ajout sur ChatGPT d’une nouvelle fonctionnalité de création d’images. Beaucoup plus performante que la précédente, celle-ci est devenue virale sur les réseaux sociaux: les internautes ont transformé des photos en dessins reprenant le style de Ghibli, le célèbre studio d’animation japonais. Au cours du week-end, le chatbot ainsi gagné un million d’utilisateurs supplémentaires en seulement une heure. Cette fonctionnalité nécessite davantage de calcul informatique qu’une requête textuelle sur ChatGPT. Ces derniers mois, OpenAI cherche à augmenter ses capacités. L’entreprise est ainsi en train de construire un data center avec Oracle. Elle vient aussi de signer un contrat avec la plateforme de cloud CoreWeave. À plus long terme, elle veut ouvrir d’immenses data centers aux États-Unis dans le cadre du projet Stargate.
Pour aller plus loin:
– Microsoft et OpenAI mettent fin à leur accord d’exclusivité dans le cloud
– Entre potentiel de l’IA et endettement, le pari très risqué de CoreWeave
Le nouveau patron d'Intel n'envisage pas de big bang
Un “nouvel Intel” qui ressemble beaucoup au… précédent. Deux semaines après sa prise de fonction, Lip-Bu Tan a dévoilé lundi son plan d’action pour relancer le géant américain des processeurs. “Nous avons beaucoup de travail devant nous”, a-t-il reconnu en ouverture de la conférence annuelle dédiée aux clients. Et il a promis d’insuffler un “changement de culture” pour réduire la bureaucratie et ainsi pour innover comme une “start-up qui vient de se lancer”. Le nouveau directeur général a insisté en particulier sur les accélérateurs destinés à l’intelligence artificielle générative, un marché en forte croissance sur lequel le groupe de Santa Clara est largement distancé. Mais au-delà de ces belles intentions, sa feuille de route se démarque finalement assez peu de celle que souhaitait mettre en place son prédécesseur, Pat Gelsinger.
La fonderie conservée – Symbole de cette continuité: Lip-Bu Tan n’entend pas se séparer de la branche fonderie. Il ambitionne même que celle-ci devienne “la meilleure du monde”. Lancée en 2021, cette activité consiste à graver des composants conçus par d’autres, une révolution pour Intel qui s’est bâti sur l’intégration verticale. Pat Gelsinger prévoyait d’investir plus de 100 milliards de dollars pour construire de nouvelles usines. Certes, la société a signé quelques contrats emblématiques, notamment pour les puces d’IA de Microsoft et d’Amazon. Mais sa fonderie accumule aussi de très lourdes pertes. De nombreux investisseurs réclament sa vente, alors que le retard technologique sur TSMC semble insurmontable. Lip-Bu Tan met cependant en avant le déploiement, attendu au deuxième semestre, d’une nouvelle technique de gravure. Comme son prédécesseur.
Cessions d’actifs – Pour le nouveau patron d’Intel, pas question donc de mener un big bang. Ces derniers mois, plusieurs scénarios radicaux avaient été étudiés par la direction par intérim, avec comme seul objectif de maximiser les retours financiers pour les actionnaires. Une hypothèse prévoyait notamment un démantèlement du groupe: la vente de l’activité de conception à Broadcom et celle de la production à TSMC. Lundi, Lip-Bu Tan a simplement évoqué la cession ou la scission d’actifs considérés comme non stratégiques. Cela pourrait notamment concerner la filiale Altera, rachetée en 2015 et spécialisée dans les composants reprogrammables. Cette opération avait déjà été étudiée à l’automne dernier, trois mois avant le départ en retraite forcé de Pat Gelsinger. Les analystes estiment qu’elle pourrait rapporter jusqu’à 20 milliards de dollars.
“Profil idéal” – Contrairement à son prédécesseur, Lip-Bu Tan n’est pas un pur produit d’Intel. Il a acquis ses lettres de noblesse chez Cadence Design Systems, spécialiste des indispensables logiciels EDA de conception de puces, qu’il a dirigé pendant plus de dix ans. En 2022, il a été nommé administrateur d’Intel, notamment pour apporter son expérience à la branche fonderie. Mais il a démissionné de son poste à peine deux ans plus tard, en raison de désaccords stratégiques. “Il affiche le profil idéal: une combinaison d’expérience dans le design et dans la fabrication”, estime l’analyste Patrick Moorhead. Sa mission s’annonce cependant bien difficile. En plus du retard dans l’IA et des débuts compliqués de la branche fonderie, les positions d’Intel sont aussi menacées sur ses marchés historiques, les processeurs pour ordinateurs et serveurs.
Pour aller plus loin:
– La production pour TSMC, la conception pour Broadcom: vers un démantèlement d’Intel ?
– Nvidia ambitionne de concurrencer Intel sur le marché des CPU
Crédit photos: OpenAI – Intel