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En quête de revanche, Masayoshi Son “fait tapis” sur OpenAI
Masayoshi Son n’attendait que cela. Lui qui avait été contraint de se faire plus discret après une série de paris désastreux, lui faisant rater la première vague d’investissement dans l’intelligence artificielle générative. Depuis dix jours, le revoilà désormais au centre de l’attention. Aux côtés de Donald Trump à la Maison Blanche, pour annoncer l’ambitieux projet Stargate – qui vise à investir 500 milliards de dollars en quatre ans dans la construction d'immenses centres de données pour accompagner le développement d’OpenAI. En coulisses également, pour investir une somme colossale dans le créateur de ChatGPT. Selon le Financial Times, l’homme d’affaires japonais, via son groupe Softbank, serait prêt à injecter entre 15 et 25 milliards de dollars, ce qui lui permettrait d’en devenir le premier actionnaire, devant Microsoft.
140 milliards investis – À la tête de Softbank, petit magasin d’informatique devenu en 40 ans un gigantesque conglomérat, Masayoshi Son a toujours investi dans des start-up, pariant avant tout le monde sur Alibaba en 2000. En 2017, il avait franchi une étape supplémentaire en lançant le premier Vision Fund, avec le soutien de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Puis, un second deux ans plus tard. Les deux fonds ont participé à plus de 450 levées, investissant plus de 140 milliards de dollars en quelques années. Mais ils ont aussi connu de véritables montagnes russes: des fiascos retentissants pour commencer, comme WeWork dans lequel Softbank a dilapidé 14 milliards de dollars, suivis de profits record puis d’une rechute vertigineuse. Celle-ci avait contraint le groupe japonais à réduire drastiquement ses investissements.
IA générative – Cette mise en retrait coïncidait avec l’euphorie autour des start-up d’IA générative, dans le sillage du lancement de ChatGPT. Un comble, alors que Masayoshi Son évoque le tournant de l’IA depuis des années. À l’été 2023, l’homme d’affaires avait promis de repasser à l’offensive. “Nous voulons prendre la tête de la révolution de l’intelligence artificielle”, assurait-il alors. L’amélioration récente de la situation financière de Softbank lui permet désormais de se lancer. Au cours des derniers mois, le groupe a ainsi investi dans plusieurs acteurs de l’IA, comme la start-up franco-américaine Poolside. Surtout, il a injecté 500 millions de dollars dans le capital d’OpenAI. Avant d’offrir en novembre jusqu’à 1,5 milliard pour racheter des actions détenues par des employés de l’entreprise.
“Tapis” – Mais Masayoshi Son voit encore plus grand. Et semble prêt à “faire tapis” sur la vision de Sam Altman, le patron d’OpenAI, qui souhaite dépenser des centaines de milliards de dollars pour atteindre une IA générale, c’est-à-dire capable d’apprendre seule. Cela passe notamment par Stargate, une coentreprise majoritairement détenue par les deux groupes. Softbank en assurera la gestion financière. Et sera, au moins dans un premier temps, le premier pourvoyeur de fonds. Directement, pour un montant allant, selon les sources, de 15 à 19 milliards cette année. Mais aussi indirectement: une grande partie d’un potentiel investissement dans OpenAI sera affectée au projet de data centers. Si le conglomérat ne dispose pas d’autant de liquidités, il pourrait facilement en récupérer en s’endettant ou en cédant en partie sa participation dans Arm Holdings.
Pour aller plus loin:
– OpenAI et Softbank promettent d’investir 500 milliards de dollars dans l’IA
– D’une valorisation record à la faillite: l’inéluctable chute de WeWork
Mark Zuckerberg promet de ne pas ralentir les investissements dans l'IA
Pas question de changer de cap. Du moins, pas encore. Alors que les avancées du laboratoire chinois DeepSeek font vaciller les certitudes du secteur de l’intelligence artificielle générative, Mark Zuckerberg a réaffirmé mercredi son intention d’investir “massivement” dans son infrastructure informatique. “Cela va être un avantage stratégique à long terme”, a-t-il assuré en marge des résultats annuels de Meta. La maison mère de Facebook et d’Instagram anticipe ainsi des dépenses en capital comprises entre 60 et 65 milliards de dollars cette année, contre 39 milliards en 2024. Elle a notamment lancé la construction d’un immense data center en Louisiane. Et elle prévoit de “terminer l’année avec plus de 1,3 million de cartes graphiques”, explique son patron, qui souhaite aussi accroître “considérablement les équipes d’IA”.
“Modèle le plus avancé” – Mark Zuckerberg a déjà prouvé qu’il était prêt à dépenser massivement, mettant à profit sa très lucrative machine publicitaire, qui a permis à Meta d’engendrer 62 milliards de dollars de profits l’an dernier. Il l’a déjà fait pour prendre le virage vers le métaverse, ce monde virtuel qu’il considère comme la prochaine plateforme dominante. Dans l’IA, cela passe par des achats massifs de GPU pour entraîner son grand modèle de langage Llama, dont la quatrième génération, attendue cette année, doit être “le modèle plus avancé” du marché. Et aussi pour faire tourner son nouveau chatbot Meta AI, qui attire désormais, selon la société, 700 millions d’utilisateurs actifs par mois. Celui-ci est également au centre de sa stratégie dans les lunettes connectées – en attendant des montures de réalité augmentée.
Un nouveau paradigme ? – Comme les autres géants américains, Meta pourrait bientôt avoir à justifier son niveau d’investissement. Car le paradigme pourrait avoir changé. DeepSeek vient en effet de démontrer qu’il n’était pas nécessaire de disposer d’une immense puissance de calcul pour entraîner un modèle d’IA performant. “Il est encore trop tôt pour avoir une opinion définitive sur ce que cela implique pour notre trajectoire de dépenses en capital”, estime Mark Zuckerberg, qui assure que les infrastructures informatiques restent capitales. Un discours que reprendront probablement les patrons de ses rivaux. Et pour cause: depuis des mois, ils expliquent aux investisseurs qu’il faut énormément investir dans l’IA et que leur force de frappe financière leur permettra de dominer le marché. Il est donc beaucoup trop tôt pour se contredire.
Monétisation – S’il ne souhaite pas encore changer sa feuille de route, Mark Zuckerberg explique que Meta va chercher à intégrer les avancées de DeepSeek dans l’entraînement des modèles. La prochaine étape sera de prouver que l’IA peut représenter un relais de croissance. Le milliardaire assure que les opportunités de monétisation sont “énormes”. Au printemps, il avait évoqué trois pistes. D’abord, l’ajout de publicités dans les interactions entre les utilisateurs et Meta AI. Ensuite, un abonnement payant permettant d’accéder à des modèles plus puissants et des options. Enfin, des fonctionnalités de messagerie destinées aux entreprises qui souhaitent utiliser un chatbot alimenté par Llama pour discuter avec leurs clients sur WhatsApp, Messenger ou Instagram. “C’est clairement l’opportunité la plus grande”, soulignait le patron de Meta.
Pour aller plus loin:
– Meta soutient Elon Musk dans sa bataille juridique contre OpenAI
– DeepSeek, symbole d’un échec du modèle américain dans l’IA
Crédit photos: Softbank - Meta