OpenAI anticipe cinq milliards de dollars de pertes
Les pertes sont aussi spectaculaires que le succès de ChatGPT. Et soulignent le difficile modèle économique de l’intelligence artificielle générative, plombée par les coûts de développement et de fonctionnement des modèles. Selon des documents consultés par le New York Times, OpenAI s’attend en effet à perdre cinq milliards de dollars cette année. Le pionnier du secteur va pourtant enregistrer une forte croissance de son chiffre d’affaires, qui devrait atteindre 3,7 milliards. Mais ses dépenses se sont aussi envolées. Ce déficit abyssal, qui n’inclut même pas les coûts liés à la rémunération en actions des employés, pourrait expliquer la volonté de mener une nouvelle levée de fonds, d’un montant attendu de 6,5 milliards de dollars. Celle-ci devrait être bouclée cette semaine, sur la base d’une valorisation de 150 milliards.
7 milliards pour Microsoft – Les derniers modèles d’IA générative nécessitent une importante puissance informatique, qu’OpenAI va chercher auprès d’Azure, la plateforme de cloud de Microsoft, son principal actionnaire et soutien financier. D’abord, pour la phase d’entraînement qui s’effectue, pendant plusieurs mois, à l’aide de supercalculateurs équipés de centaines ou de milliers de cartes graphiques. Et ensuite, pour l’inférence: leur exécution pour créer des textes, des images ou des voix. La facture peut alors grimper rapidement à mesure que les services gagnent en popularité. Avec 350 millions d’utilisateurs actifs par mois, ChatGPT représente ainsi des dépenses astronomiques pour OpenAI. Malgré des tarifs préférentiels négociés avec Microsoft, la start-up devrait ainsi lui verser sept milliards de dollars en 2024.
Hausse des prix – Sur les 3,7 milliards de dollars de recettes, 2,7 milliards proviennent des abonnements payants de ChatGPT. Le robot conversationnel compte plus de dix millions de clients à son offre Plus, qui permet d’accéder aux dernières fonctionnalités, rapporte The Information. S’y ajoutent un million d’utilisateurs à l’offre destinée aux grandes entreprises. Le milliard de dollars restant est généré par les interfaces de programmation qui permettent aux développeurs d’utiliser les modèles d’OpenAI. La start-up anticipe une forte accélération de ses recettes. Elle vise 11,6 milliards l’an prochain, puis 100 milliards en 2029. Une partie de cette croissance viendra d’une hausse des tarifs. ChatGPT Plus devrait passer de 20 à 22 dollars par mois d’ici à la fin de l’année. Avant de coûter 44 dollars dans cinq ans.
Nouveau statut – Cette stratégie semble risquée, alors que la concurrence s’intensifie sur le marché, avec des rivaux qui comblent petit à petit leur retard. Mais OpenAI espère mettre en avant les gains de productivité obtenus avec des IA encore plus puissantes. Elle compte aussi probablement sur des tarifs aussi élevés chez la concurrence. La société n’aura de toute façon peut-être pas le choix pour compenser les coûts d’inférence, qui empêchent des économies d’échelle. Et également pour atteindre les objectifs financiers qu’elle fait miroiter à ses nouveaux investisseurs. Pour y parvenir, elle prévoit aussi de modifier sa structure juridique, au cœur des conflits qui ont éclaté l’an passé. OpenAI devrait ainsi se défaire de la supervision par un conseil à but non lucratif et adopter un statut qui ne restreint plus ses profits.
Vague de départs – Dans le cadre de ce changement, Sam Altman pourrait recevoir une part du capital. Plusieurs médias évoquent le chiffre de 7%, que l’intéressé a indirectement démenti. Soutenu par l’ensemble des employés lors de son éviction, le patron d’OpenAI ne semble plus faire l’unanimité en interne. On lui reproche de plus être impliqué au quotidien. Ou encore de délaisser tous les garde-fous de sécurité, à l’image du lancement précipité de son modèle GPT-4o en mai, à la veille d’une conférence de Google. Depuis le début de l’année, une vingtaine de dirigeants de la société ont quitté leur poste. La dernière en date: Mira Murati, la très respectée directrice de la technologie, qui explique vouloir “mener sa propre exploration”. Dans la foulée, deux responsables de la recherche ont également présenté leur démission.
Pour aller plus loin:
– La face cachée d’OpenAI, rattrapé par de multiples polémiques
– Comment la course aux profits s’est imposée dans l’intelligence artificielle
Meta dévoile ses premières lunettes de réalité augmentée
Après des années d’investissements et des milliards de dollars dépensés, Mark Zuckerberg a enfin pu lever le voile sur son projet Orion, son premier prototype de lunettes de réalité augmentée. Une technologie qui pourrait, espère le patron de Meta, remplacer un jour les smartphones. Le chemin est encore long: au moins trois ans seront nécessaires pour aboutir à un modèle grand public, suffisamment confortable pour être porté tous les jours et pouvant être proposé à un prix raisonnable. Cette première présentation est cependant importante pour la maison mère de Facebook. Non seulement elle vise à justifier, devant Wall Street, ses énormes investissements. Mais aussi à susciter l’intérêt des développeurs, alors que les premières tentatives pour démocratiser la réalité augmentée n’ont pas été très concluantes.
Avancées hardware – Le prototype est probablement le plus avancé jamais présenté. Certes, les démonstrations n’ont rien de très originales: en superposant des éléments au monde réel, il est possible de regarder des vidéos, de consulter des messages ou encore de jouer à des jeux. Mais les véritables innovations se trouvent dans le hardware. Les lunettes Orion affichent un design assez proche d’une paire classique, avec un poids de 98 grammes. Elles sont équipées de verres en carbure de silicium, permettant d’offrir un champ de vision inégalé. Le prototype intègre aussi sept caméras, dont deux chargées de suivre le mouvement des yeux, qui servent de curseur. Il est aussi fourni avec un bracelet neuronal qui capte les signaux électriques des muscles de l’avant-bras. Cela permet à l’utilisateur de contrôler l’interface avec ses doigts.
10.000 dollars – Ces avancées ont un prix: selon The Verge, chaque paire coûterait autour de 10.000 dollars à produire. “Probablement encore plus”, confie un ancien responsable du Reality Labs, la division responsable du projet. Ce tarif s’explique en grande partie par les verres, très difficiles à fabriquer. Initialement, la société espérait une industrialisation du processus de production, qui aurait fait chuter les coûts. Mais cette évolution ne s’est pas matérialisée. Le prochain défi de Meta sera donc de réduire la facture de manière significative, pour pouvoir proposer un modèle commercial vendu au prix d’un ordinateur haut de gamme. Ce défi sera d’autant plus compliqué à remplir qu’il devra aussi s’accompagner d’un design plus fin et plus léger. Et aussi d’une meilleure résolution et d’une plus grande luminosité.
Quels usages ? – Compte tenu du coût du premier prototype – et de sa volonté de faire des économies –, Meta a renoncé à le commercialiser. Seulement un millier d’exemplaires devraient être fabriqués. Ils seront mis à disposition des salariés, ainsi qu’à des “audiences externes”. L’entreprise de Menlo Park se garde bien de communiquer officiellement sur une date pour le lancement commercial. Un document interne, obtenu l’an passé par The Verge, évoquait une disponibilité en 2027. Pour réussir dans la réalité augmentée, Meta devra ensuite prouver la proposition de valeur de la technologie. Au-delà de l’effet de curiosité, il faudra créer de véritable cas d’usage pouvant justifier l’achat par le grand public. Et ainsi pouvant créer une base d’utilisateurs suffisamment importante pour attirer les développeurs d’applications.
Pour aller plus loin:
– Apple revoit à la baisse ses objectifs de vente du Vision Pro
– L’incroyable comeback de Magic Leap qui lance des lunettes de réalité augmentée
Malgré ses difficultés, Snapchat n'abandonne pas la réalité augmentée
Trois ans après, Snap ressuscite les Spectacles. Mi-septembre, la maison mère de Snapchat a dévoilé son deuxième prototype de lunettes de réalité augmentée. Un prototype qui a bien du mal à tenir la comparaison avec celui présenté par Meta à peine une semaine plus tard, en particulier au niveau de la taille et du design. L’appareil ne sera pas proposé à la vente: les développeurs qui souhaitent le tester devront le louer pendant un an pour 1.200 dollars. En 2021, Evan Spiegel, le fondateur et patron de Snap, reconnaissait volontiers qu’il “faudra probablement une décennie de plus pour proposer un produit véritablement grand public”. En attendant, la société américaine aura peut-être bien du mal à continuer à investir dans ce projet. L’an passé, elle a déjà fermé sa division dédiée aux solutions de réalité augmentée pour les entreprises. Snap affiche en effet de lourdes pertes – 554 millions de dollars au cours des six premiers mois de l’année. Et a perdu la confiance de Wall Street, qui ne voit toujours pas les fruits des importants investissements dans la réalité augmentée.
Pour aller plus loin:
– En panne de croissance, Snapchat licencie à nouveau
– Snapchat ferme une division dédiée à la réalité augmentée
Crédit photos: Unsplash / Rolf van Root - Meta