Pourquoi Apple ne va pas assembler l'iPhone aux États-Unis malgré les menaces de Donald Trump
Difficile de savoir si la menace est bien réelle. Et si Donald Trump pense vraiment qu’il peut contraindre Apple à rapatrier la production de ses iPhone dans des usines américaines. Vendredi, le locataire de la Maison Blanche est remonté au créneau contre le groupe à la pomme, promettant d’imposer, si rien ne change, des droits de douane additionnels de 25% sur son smartphone vedette. “J’ai informé Tim Cook il y a longtemps que je m’attendais à ce que les iPhone vendus aux États-Unis soient fabriqués aux États-Unis, et non en Inde ou ailleurs”, a-t-il justifié, précisant par la suite que cette surtaxe toucherait également les smartphones des autres marques. Ses espoirs devraient cependant se heurter à la réalité: au-delà de coûts de production bien supérieurs, le pays ne possède ni la main-d’œuvre ni la chaîne d’approvisionnement nécessaires.
Relocalisation en Inde – La déclaration de Donald Trump contraste avec la position prise mi-avril, lorsque son administration avait exclu les smartphones du champ d’action des droits de douane de 145% sur les importations chinoises – qui ont depuis été suspendus pour trois mois. Cette décision avait alors été interprétée comme un signe que le président américain ne souhaitait pas porter la responsabilité d’une importante hausse de prix. La Maison Blanche assurait, elle, que l’objectif était simplement de laisser du temps aux fabricants, à commencer par Apple. Depuis, rien n’a avancé. Si la société de Cupertino a promis d’investir 500 milliards de dollars dans le pays en quatre ans, elle n’envisage pas d’y ouvrir des usines. Au contraire, elle a accéléré la relocalisation de sa production vers l’Inde, soumise à droits de douane inférieurs.
Centaines de milliers d’ouvriers – Assembler des smartphones aux États-Unis impliquerait une multitude de défis. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si aucune entreprise n’a tenté de le faire depuis que Motorola y a renoncé en 2014, quelques mois à peine après l’inauguration d’une usine au Texas. La marque américaine justifiait alors sa décision par des coûts de production plus élevés. Pour l’iPhone, le surcoût pourrait s’élever à 160 dollars par appareil, chiffre Wamsi Mohan, analyste chez Bank of America. D’autres estiment que celui-ci pourrait être encore plus élevé. Les salaires ne représentent cependant qu’une toute petite partie de l’équation. Un obstacle plus important pourrait être de trouver des centaines de milliers d’ouvriers suffisamment qualifiés pour produire les 60 millions d’iPhone vendus chaque année sur le marché américain.
Plus de 70 vis – Malgré les avancées de la robotique, l’assemblage réclame beaucoup de main-d’œuvre. Et nécessite ainsi de gigantesques usines-dortoirs, aux conditions de travail difficiles. Chaque iPhone contient notamment plus de 70 minuscules vis, qui doivent être serrées à la main faute de machines suffisamment précises. Cet argument avait été avancé par Tim Cook en 2017. Si Apple continue de faire fabriquer en Chine l’immense majorité de ses appareils, ce n’est pas en raison des salaires – qui sont encore moins élevés dans d’autres pays asiatiques. Mais en raison de “la concentration de savoir-faire en un seul endroit”, expliquait son patron. “Aux États-Unis, si vous organisiez une réunion d’ingénieurs en outillage, je ne suis pas sûr que vous réussiriez à remplir la salle. En Chine, vous pourriez remplir plusieurs terrains de football.”, avait-il ajouté.
2.000 composants – Autre frein majeur: la complexité de la chaîne d’approvisionnement. Un iPhone contient plus de 2.000 composants, principalement produits en Chine. Une grande partie restante provient de Corée du Sud et du Japon. Le processeur et le modem sont, eux, gravés à Taïwan. Assembler le smartphone aux États-Unis, à 10.000 kilomètres de ces fournisseurs, compliquerait encore davantage ce gigantesque Meccano industriel, provoquant des frais supplémentaires et de potentiels retards. Sans compter que ces composants pourraient être soumis à des droits de douane, peut-être supérieurs au taux de 25% qui pourrait s’appliquer aux appareils assemblés, ajoutant des coûts additionnels. “Déplacer l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de l’iPhone prendrait probablement de nombreuses années – si tant est que ce soit possible”, souligne Wamsi Mohan.
Le Mac Pro aux États-Unis – Ces dernières années, Apple a bien commencé à délocaliser en Inde une partie de sa production d’iPhone, afin de limiter sa dépendance à la Chine. Environ 50 millions de terminaux devraient y être assemblés cette année, estiment les analystes. Mais le groupe a bénéficié d’importantes subventions publiques. Et il commence à peine, sept ans après, à assembler ses modèles les plus complexes dans les usines indiennes de ses sous-traitants. Il fait aussi produire des iPhone au Brésil, afin d’éviter d’importants droits de douane. Cela ne concerne cependant que les modèles de base, dont le prix est presque deux fois plus élevé dans le pays. Depuis 2013, Apple fait aussi assembler au Texas le Mac Pro, l’ordinateur le plus cher de sa gamme, vendu à partir de 7.000 dollars. Mais la société ne fabrique que quelques milliers d’unités par an.
Fausses promesses – Certes, des droits de douane de 25% affecteraient les résultats financiers d’Apple, contraint d’arbitrer entre hausse de ses prix – et donc baisse des ventes – et contraction de ses marges. Mais l’impact financier (jusqu’à 140 dollars pour les modèles les plus chers) resterait inférieur aux coûts engendrés par un rapatriement de sa production. Autrement dit: il faudrait que la surtaxe soit bien plus importante pour le pousser à assembler ses iPhone aux États-Unis. Par ailleurs, Apple ne devrait pas se lancer dans de gigantesques projets d’investissement sur plusieurs années, quand la politique commerciale peut, elle, changer du jour au lendemain. Pour Tim Cook, la porte de sortie est différente: promettre à Donald Trump de produire d’autres appareils dans des usines américaines. Comme il l’aurait fait en 2017… sans jamais tenir parole.
Pour aller plus loin:
– Hausse des prix ou baisse des marges: Apple pris au piège des droits de douane
– Les géants technologiques rattrapés par les droits de douane américains
Nvidia lance une nouvelle puce d'IA en Chine pour échapper aux sanctions américaines
Nvidia ne perd pas de temps. À peine un mois après l’entrée en vigueur de nouvelles restrictions d’exportation vers la Chine, le géant américain des cartes graphiques (GPU) a déjà trouvé une parade. Selon les informations de l’agence Reuters, il va en effet lancer un nouvel accélérateur dédié à l’intelligence artificielle générative pour le marché chinois. Celui-ci sera moins performant que les précédents afin de respecter le seuil de puissance fixé par Washington. Et il n’intégrera pas une puce mémoire à large bande passante (HBM). Selon des analystes chinois, ce GPU pourrait s’appeler B40. Il se substituera aux H20, L20 et L2, qui remplaçaient eux-mêmes les A800 et H800, que Nvidia avait lancés en 2022 après les premières restrictions américaines. La société espère rester compétitive en Chine, en particulier face aux récents progrès réalisés par Huawei, qui propose des produits plus performants que les GPU qu’elle peut vendre dans le pays. Le manque à gagner est important: en raison de l’interdiction d’exportation des H20, Nvidia va devoir enregistrer une charge de 5,5 milliards de dollars dans ses comptes.
Pour aller plus loin:
– Dans l’IA, Huawei veut profiter d’un coup de pouce de… Washington
– Les États-Unis ne limiteront pas les exportations de puces d’IA dans tous les pays
Crédit photos: Apple - Nvidia