Hausse des prix ou baisse des marges: Apple pris au piège des droits de douane
C’est un dilemme à 40 milliards de dollars qui pourrait bientôt se dresser devant Apple. Sauf retournement de dernière minute, le groupe sera soumis à partir de mercredi à des droits de douane additionnels aux États-Unis. Leur taux sera très élevé: 34% pour la Chine (en plus des 20% déjà en vigueur depuis mars), où est assemblée l’immense majorité des appareils de la marque à la pomme; 46% pour le Vietnam, où sont produits des iPad, des Apple Watch et des AirPods; et 26% pour l’Inde, où est fabriquée une part, encore limitée mais croissante, des iPhone. La facture se chiffrera à 39,5 milliards de dollars par an, selon les estimations de Barton Crockett, analyste du courtier Rosenblatt. À Apple désormais de déterminer à quel niveau répercuter ce surcoût sur ses prix. Et donc d’arbitrer entre une baisse des ventes et une contraction des marges.
Assemblage en Chine – Apple est surtout vulnérable aux droits de douane sur la Chine. Depuis 2020, le groupe de Cupertino a bien accéléré la relocalisation d’une partie de sa production. Mais ce mouvement reste modeste, notamment en raison de la complexité de la chaîne logistique, composée de plusieurs centaines de fournisseurs, principalement basés en Chine. Quasiment tous les iPhone vendus aux États-Unis sont assemblés dans des usines chinoises, estime ainsi Barton Crockett. C’est aussi le cas pour 90% des Mac et des Apple Watch, pour 80% des iPad et pour 35% des AirPods. L’addition pourrait être encore plus salée. Lundi, Donald Trump a en effet menacé d’imposer des droits de douane supplémentaires de 50% sur les importations en provenance de Chine, si elle ne renonce pas à mettre en place les mesures de représailles annoncées vendredi.
Stocks – Anticipant cette nouvelle politique, Apple a renforcé ces derniers mois le niveau de ses stocks aux États-Unis, rapporte l’agence Bloomberg. Fin mars, la société a ainsi affrété en urgence cinq avions-cargos pour expédier des iPhone depuis l’Inde, explique le Times of India. Ces mesures devraient lui permettre de gagner du temps – les appareils déjà présents sur le sol américain ne sont pas concernés par les droits de douane. Elle pourrait ensuite dédier une plus grande partie de sa production indienne au marché américain, économisant ainsi le différentiel de tarifs douaniers. Elle pourrait faire la même chose avec ses usines vietnamiennes, en cas d’accord commercial entre les deux pays – comme évoqué en fin de semaine dernière. Mais ces changements ne réduiraient que marginalement l’impact des droits de douane sur la Chine.
Hausse des prix ? – Si la Maison Blanche ne fait pas marche arrière d’ici là, Apple devra bientôt décider comment répercuter cet important surcoût. Selon les estimations du Wall Street Journal, celui-ci se chiffrera à 300 dollars pour un iPhone 16 Pro produit en Chine, soit près de 30% du prix de vente. La société pourrait décider de ne pas augmenter ses tarifs, alors même que le niveau de la demande pourrait être handicapé par une potentielle récession. L’impact serait alors colossal: son bénéfice opérationnel chuterait d’un tiers. Plus vraisemblablement, Apple devrait faire payer ses clients. Cité par Reuters, Angelo Zino, analyste chez CFRA Research, anticipe une hausse seulement comprise entre 5% et 10% des prix. Mais il prévient qu’une “augmentation majeure” pourrait avoir lieu à l’automne lors du lancement des prochains iPhone.
Pour aller plus loin:
– Les géants technologiques rattrapés par les droits de douane américains
– Comment Apple a raté le virage de l’intelligence artificielle générative
La start-up Ynsect s'offre un sursis... très provisoire
Menacé de liquidation judiciaire, Ynsect n’a pas trouvé le repreneur tant espéré. Mais le spécialiste de l’élevage de vers de farine s’est offert un sursis. Lundi, il a indiqué avoir reçu dix millions d’euros de la part de ses “actionnaires historiques” – qui ont préféré remettre au pot pour conserver un petit espoir de ne pas tout perdre. Cette somme doit permettre à la start-up de poursuivre son activité… mais seulement “pendant plusieurs mois”. Compte tenu de ses pertes et de son endettement, son avenir ne passe en effet que par une reprise. Pour le moment, personne ne s’est montré intéressé. Tout juste “une marque d’intérêt” s’est manifestée pour son usine de Dole, dans le Jura. Ynsect semble donc dans une impasse précipitée par des ambitions démesurées, une gestion financière hasardeuse et plusieurs revirements stratégiques.
Lourdes pertes – Lancé il y a treize ans, Ynsect élève des larves de scarabée Molitor dans des fermes verticales, c’est-à-dire dans des bacs entreposés les uns au-dessus des autres. Celles-ci sont ensuite transformées en poudre ou en huile, servant à fabriquer de la nourriture pour les animaux de compagnie ou des engrais. Depuis son lancement, la start-up a levé environ 600 millions d’euros, notamment pour financer la construction d’une usine à Poulainville, près d’Amiens. Si ses dirigeants revendiquent un carnet de commandes bien rempli, le chiffre d’affaires de l’entreprise reste dérisoire. Entre 2020 et 2023, la start-up n’a vendu que pour 1,9 million d’euros de marchandises, principalement en France. Sur la même période, ses pertes ont été supérieures à 230 millions. En 2023, Ynsect avait dû mener un plan social.
200.000 tonnes – Ces difficultés financières proviennent en partie des retards pris à Poulainville. Alors que la première pierre a été posée au printemps 2021, le site tourne toujours au ralenti. La production d’engrais n’a commencé que début 2024. Celle de nourriture animale qu’en août. Les volumes restent très éloignés de la capacité de 200.000 tonnes d’ingrédients et d’engrais par an. Ce niveau de production ne permet pas “d’assurer la rentabilité de l’entreprise”, reconnaît ainsi Ynsect. La société aurait cependant pu éviter ces problèmes en ne voyant pas aussi grand, alors que son site pilote ne disposait que d’une capacité de 400 tonnes. La taille de l’usine a créé de nombreuses complications dans l’automatisation de la production. Et dans le système de refroidissement, pour éviter une surmortalité des larves.
Alimentation humaine – Le choix de construire une usine aussi grande s’expliquait par la volonté de produire des protéines pour nourrir des poissons d’élevage, un marché qui réclame beaucoup de volumes. Mais la start-up a finalement abandonné ce débouché, estimant que ses marges étaient trop faibles pour être véritablement rentable. Le projet de Poulainville était, lui, déjà lancé. Impossible donc de faire marche arrière. Ce changement de cap n’est pas isolé. Au départ, Ynsect visait l’alimentation humaine. Un projet délaissé, puis redevenu d’actualité – notamment avec le rachat de la start-up néerlandaise Protifarm, dont les larves Buffalo étaient utilisées pour fabriquer des hamburgers, des pâtes ou encore des barres protéinées. Et de nouveau mis en pause… malgré les 25 millions d’euros dépensés dans cette acquisition.
Pour aller plus loin:
– InnovaFeed lève 250 millions d’euros pour ses larves de mouche
– Avec Mosa Meat, la viande de synthèse se rapproche de nos assiettes
Klarna repousse son introduction en Bourse
Klarna attendra avant d’entrer en Bourse. Comme d’autres prétendants aux marchés – la plateforme de billetterie StubHub ou la néobanque Chime – le spécialiste suédois du “achetez maintenant, payez plus tard” a préféré repousser son projet d’introduction. Le contexte boursier est en effet particulièrement difficile, avant l’entrée en vigueur ce mercredi de nouveaux droits de douane aux États-Unis. Cette mesure menace de plonger l’économie mondiale dans la récession, ce qui pourrait négativement impacter la croissance des prêts accordés par la société. Depuis mi-février, l’action de sa grande rivale américaine Affirm a ainsi perdu plus de la moitié de sa valeur. Pour Klarna, il est donc plus prudent de patienter, en espérant un climat plus favorable au cours des prochains mois. Elle vise une capitalisation boursière de 15 milliards de dollars. Pour séduire les investisseurs, elle compte sur le contrat récemment signé avec Walmart, le géant américain de la distribution. Et surtout sur l’amélioration de ses performances opérationnelles. En 2024, Klarna a en effet renoué avec les profits après des années de très lourdes pertes.
Crédit photos: Apple – Ynsect