Le nouveau pari de Mark Zuckerberg
Et aussi: Les ambitions perdues de Getir - Le DMA se resserre sur Apple
L'intelligence artificielle, le nouveau pari de Mark Zuckerberg
Pour se rendre compte des priorités stratégiques de Meta, il suffit d’écouter la conférence avec les analystes organisée la semaine dernière, en marge de la publication des résultats du premier trimestre. De longues minutes sur l’intelligence artificielle générative, quelques-unes sur le métaverse et à peine quelques phrases sur le reste des activités, celles qui ont pourtant généré 35,6 milliards de dollars de chiffre d’affaires en trois mois. Et 17,7 milliards de profits. Mark Zuckerberg s’est notamment engagé à investir massivement pendant “plusieurs années” pour ne pas rater l’essor de l’IA. “Construire une IA de pointe est une tâche beaucoup plus difficile que les précédentes fonctionnalités que nous avons ajoutées à nos applications”, a prévenu le fondateur et patron de la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp.
Cartes graphiques – Cette annonce a fait plonger le cours boursier de Meta, alors que Wall Street avait récemment salué les efforts de rationalisation des dépenses. Mais pour Mark Zuckerberg, pas question de sous-investir. Le milliardaire a déjà prouvé qu’il était prêt à dépenser massivement, mettant à profit sa très lucrative machine publicitaire, portée par plus de 3,2 milliards d’utilisateurs actifs. Il l’a déjà fait pour prendre le virage vers le métaverse, ce monde virtuel qu’il considère comme la prochaine plateforme dominante. Dans l’IA, cela passe par des achats massifs de cartes graphiques (GPU) pour entraîner ses modèles, comme son grand modèle de langage Llama, dont la troisième génération vient d’être lancée. Et pour faire tourner son nouveau chatbot Meta AI, dont le déploiement vient de commencer aux États-Unis.
Opportunités “énormes” – Estimant que le potentiel de l’IA est encore plus important qu’initialement prévu, Meta a revu à la hausse ses prévisions de dépenses en capital, qui pourraient atteindre 40 milliards de dollars en 2024. D’ici à la fin de l’année, le groupe de Menlo Park devrait ainsi disposer de 350.000 H100, le GPU de référence de Nvidia. Cela représente environ dix milliards d’investissements, sans compter tous les coûts annexes. Face à ces sommes gigantesques, Mark Zuckerberg se veut rassurant. “Nous pouvons devenir l’entreprise la plus en pointe dans l’IA”, prédit-il, ce qui ouvrirait alors à Meta des opportunités “énormes”, qui “vont bien au-delà de celles qui semblent les plus évidentes”. Mais il faudra aussi être patient, prévient-il, car les retours sur investissements prendront du temps à se matérialiser.
Monétisation – Pour appuyer son enthousiasme, Mark Zuckerberg a détaillé trois pistes de monétisation de l’IA générative. D’abord, et sans surprise, l’ajout de publicités dans les interactions entre les utilisateurs et le chatbot Meta AI, sur la base d’un modèle qui reste encore à définir, mais qui sera “différent” des liens sponsorisés popularisés par Google. Ensuite, un abonnement payant permettant d’accéder à des modèles plus puissants et des options additionnelles, à l’image de ce que propose déjà OpenAI sur son robot conversationnel ChatGPT. Enfin, des fonctionnalités de messagerie destinées aux millions d’entreprises qui souhaitent utiliser un chatbot alimenté par Llama pour discuter avec leurs clients sur WhatsApp, Messenger ou Instagram. “C’est clairement l’opportunité la plus grande”, souligne le patron de Meta.
Pour aller plus loin:
– L’IA générative pourrait pousser Google à changer de modèle économique
– Après l’euphorie, les craintes d’une bulle autour de l’IA générative
En grande difficulté, Getir abandonne l'Europe et les États-Unis
C’est un symbole, un de plus, du spectaculaire déclin de la livraison ultrarapide de courses. Lundi, la start-up turque Getir, de loin la plus puissante en Europe, a annoncé l’arrêt de ses activités sur les derniers marchés internationaux où elle était encore présente. En proie à d’importantes difficultés financières, elle préfère concentrer ses efforts sur son marché national, sur lequel elle anticipe “le plus important potentiel de croissance pérenne à long terme”. Exit donc le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas. Fini aussi les grandes ambitions américaines – même si la plateforme FreshDirect, rachetée il y a moins de cinq mois et elle aussi déficitaire, restera opérationnelle… pour le moment du moins. L’an passé, Getir avait déjà quitté plusieurs pays, dont la France, citant notamment de nouvelles réglementations.
Course à la croissance – Fondée en 2015, Getir (apporter en turc) a profité de la crise sanitaire pour partir à la conquête de l’Europe. La société espérait alors surfer sur de nouvelles habitudes de consommation pour bousculer l’immense marché des courses alimentaires, sur lequel la part des ventes en ligne reste très faible. En deux ans, elle lève 1,8 milliard de dollars auprès de fonds de capital-risque. Et sa valorisation atteint 12 milliards, quasiment autant que Carrefour. La start-up dépense alors énormément pour déployer très rapidement son offre sur de nombreux marchés. Sur un secteur très concurrentiel, elle doit aussi multiplier les promotions et les dépenses marketing. En quelques mois, plusieurs milliards de dollars sont ainsi engloutis par une dizaine d’acteurs, lancés dans une course effrénée à la croissance.
Consolidation – Mais le resserrement des politiques monétaires, qui sonne la fin de l’argent facile, précipite le secteur dans une zone de turbulences. Dans l’incapacité de lever des fonds, les start-up enchaînent les plans sociaux. Getir licencie ainsi 4.500 personnes en 2022. Et 2.500 l’année suivante. Ces difficultés accélèrent la consolidation du secteur. La société turque y participe activement, d’abord en rachetant l’espagnole Blok et la britannique Weezy. Puis, la française Frichti. Et enfin l’allemande Gorillas, autre poids lourd en Europe. Mais les pertes continuent de s’accumuler: jusqu’à 50 millions d’euros par mois fin 2023, selon l’agence Bloomberg. En septembre, Getir avait assuré sa survie en levant 500 millions de dollars supplémentaires, mais en acceptant aussi de diviser sa valorisation par près de cinq.
Modèle économique – Certes, cette phase de consolidation a permis de réduire la concurrence – même si Getir devait encore affronter Uber et Deliveroo, qui utilisent un modèle différent. Mais les problèmes du secteur sont plus profonds. C’est la pertinence du modèle économique qui est en cause. La distribution alimentaire génère en effet des marges très faibles. Certes, ces plateformes ne possèdent pas de magasins, leur préférant de petits entrepôts urbains. Mais elles doivent rémunérer des livreurs, qu’elles ont majoritairement choisis, pour des raisons d’image notamment, de salarier. Le coût de la livraison pèse d’autant plus sur les marges que le panier moyen n’est pas très élevé, car ces services remplacent davantage les épiceries de quartier que les supermarchés en raison d’un inventaire peu fourni.
Pour aller plus loin:
– Clap de fin pour la livraison ultrarapide de courses en France
– En quête de rentabilité, Deliveroo coupe dans ses effectifs
Comme l'iPhone, l'iPad va devoir respecter le DMA européen
L’étau du Digital Markets Act se resserre encore un peu plus sur Apple. Lundi, la Commission européenne a indiqué qu’elle avait étendu le champ d’application de sa réglementation à iPadOS, le système d’exploitation des tablettes du groupe à la pomme. Celui-ci ne rentrait pas dans les critères chiffrés, en particulier la barre de 45 millions d’utilisateurs sur le continent, mais Bruxelles a estimé, au terme d’une enquête, qu’il jouait bien un rôle de “passerelle” entre les entreprises et leurs clients. ByteDance, Booking et X (l’ex-Twitter) pourraient aussi être concernés ces prochains jours. Apple dispose désormais d’un délai de six mois pour se mettre en conformité avec le DMA, qui est officiellement entré en vigueur en mars. Il va ainsi devoir autoriser les boutiques tierces d’applications sur ses iPad, permettre de choisir les applications par défaut ou encore ouvrir l’accès à la puce NFC. La société sera sous surveillance: les changements proposés sur iOS, le système d’exploitation de ses iPhone, sont déjà au cœur d’une enquête.
Pour aller plus loin:
– Bruxelles ouvre des enquêtes sur Apple, Google et Meta dans le cadre du DMA
– Face aux menaces de Bruxelles, Apple restaure le compte développeur d’Epic
Crédit photos: Meta - Getir