La taxe sur Internet enterrée en Europe
Et aussi: Vers un rebond des ventes de smartphones - Huawei dépasse Apple en Chine
Bruxelles enterre son projet de la taxe sur les géants d'Internet
La partie semblait déjà perdue pour les grands opérateurs télécoms européens, malgré une intense bataille de lobbying et de puissants appuis politiques. Elle l’est définitivement. Selon l’agence Reuters, la Commission européenne vient en effet d’enterrer son projet de “contribution juste”, visant à taxer les plus gros consommateurs de bande passante, en particulier Netflix et YouTube, pour financer le déploiement de la fibre optique et de la 5G sur le continent. Si Bruxelles ne commente pas officiellement cet abandon, les dernières déclarations de Thierry Breton semblent le confirmer implicitement. Dans un message publié la semaine dernière sur LinkedIn, le commissaire au marché intérieur évoque bien la nécessité de “trouver un modèle de financement” des réseaux, mais il ne mentionne plus cette initiative.
La France était pour – L’idée de taxer les géants d’Internet n’est pas nouvelle. Et pas limitée à l’Europe – en Corée du Sud, une loi permet théoriquement aux fournisseurs d’accès de faire payer les gros consommateurs. Elle a été réactivée l’an passé par la Commission, notamment par Thierry Breton, l’ancien patron de France Télécom, l’ancêtre d’Orange. Elle était aussi portée par les gouvernements français, espagnol et italien. Mais l’Allemagne, l’Irlande ou encore les Pays-Bas faisaient partie des opposants. Au terme d’une consultation publique, dont les résultats viennent d’être rendus publics, l’exécutif européen a également constaté que son projet n’était soutenu que par les opérateurs télécoms. Abandonnée, la taxe peut encore être relancée. Mais pas avant l’entrée en fonction de la nouvelle Commission… en 2025.
300 milliards d’euros – Dans cette bataille de gros sous, pour préserver les profits des uns ou doper ceux des autres, les géants des télécoms mettaient en avant leurs importants investissements dans les infrastructures, pour accompagner l’explosion du trafic, en raison principalement du développement des plateformes vidéo. En France, par exemple, Netflix, Google, qui détient YouTube, Facebook et Amazon consomment plus de 40% de la bande passante, selon les données publiées par l’Arcep. D’après les opérateurs, cette situation n’est plus viable, alors qu’ils estiment qu’ils vont devoir dépenser 300 milliards d’euros pour atteindre les objectifs de connectivité fixés par Bruxelles, qui souhaite que l’ensemble de la population européenne soit connecté au très haut débit et à la 5G d’ici à 2030.
Neutralité du net – En face, les grands groupes Internet mettaient en avant les risques de remise en cause de la neutralité du net, un principe fondateur du web qui assure une égalité de traitement entre tous les acteurs. Et qui est inscrit dans la législation européenne. Ils soulignaient également qu’ils investissent, eux aussi, massivement dans l’infrastructure réseau en Europe, par l’intermédiaire de câbles sous-marins ou de réseaux de diffusion de contenu (CDN). Enfin, ils mettaient aussi en garde contre les conséquences d’une telle initiative sur les consommateurs et les entreprises, qui paient déjà un abonnement pour accéder à Internet, estimant que cette compensation financière aurait été répercutée sur le prix des abonnements à des services vidéo ou sur ceux des plateformes de cloud.
Pour aller plus loin:
– En Corée du Sud, Netflix échappe à une contribution sur la bande passante
– La justice européenne encadre la pratique du “zero rating”
Après deux ans de baisse, les ventes de smartphones vont rebondir
Pour le neuvième trimestre consécutif, les ventes de smartphones ont reculé cet été. Mais la situation s’améliore petit à petit, faisant espérer un retour à la croissance du marché en fin d’année, estime le cabinet Counterpoint. Selon ses estimations, les livraisons de terminaux ont encore chuté de 8% entre début juillet et fin septembre, tombant à leur plus bas niveau depuis dix ans pour cette période de l’année. Mais deux éléments incitent à l’optimisme. D’une part, le marché a enregistré “des performances solides” en septembre, malgré la sortie décalée des derniers iPhones d’Apple, qui s’est traduite par une semaine de vente en moins par rapport à l’an passé. Ensuite, les exportations chinoises de smartphones ont rebondi de 30% en septembre, selon les chiffres officiels du gouvernement.
Chute historique – Le marché des smartphones revient de très loin. L’an passé, il a en effet enregistré sa pire performance historique, accusant un repli de près de 12%. Sur le seul quatrième trimestre, celui de Noël, la chute s’était même chiffrée à plus de 18%. Ce violent retournement s’explique notamment par la politique zéro-Covid très stricte menée par Pékin jusqu’à la fin de l’année dernière, qui a handicapé la croissance et plombé les ventes de terminaux. Aux États-Unis et en Europe, les fabricants ont été pénalisés par le contexte macroéconomique, entre envolée de l’inflation et craintes d’une prochaine récession. Comme les ordinateurs, dont les ventes ont également plongé dans des proportions inédites, les smartphones sont devenus moins prioritaires pour les consommateurs.
Repli des stocks – Les analystes anticipent majoritairement une hausse des livraisons au quatrième trimestre, ce qui serait une première depuis 2021. Ce rebond devrait d’abord être tiré par la Chine et l’Inde, les deux premiers marchés mondiaux en volume. Début octobre, lors de la semaine de la fête nationale chinoise, les ventes de smartphones ont grimpé de 15% dans le pays, selon l’analyste vedette Kuo Ming-chi, notamment grâce aux belles performances de Huawei. Par ailleurs, la sortie décalée de l’iPhone aura, cette fois-ci, un impact positif sur la comparaison avec 2022. Autre élément: le repli marqué des stocks chez les revendeurs, dont le niveau jusqu’à présent élevé faisait mécaniquement baisser les livraisons de nouveaux appareils. Plus à la marge, les smartphones pliables joueront un rôle positif.
Cycle de remplacement – Ce rebond des ventes devrait se poursuivre l’an prochain, porté notamment par le remplacement des appareils achetés en 2021. Mais le marché ne retrouvera pas son niveau d’avant-Covid. Depuis 2016, deux évolutions structurelles importantes sont à l’œuvre. D’abord, la majorité des consommateurs ne change plus de smartphones tous les deux ans, mais tous les trois ans. Cela s’explique par le manque d’innovations majeures ou de bonds de performances. Et par une hausse des prix, en particulier sur le haut de gamme, combinée à une baisse des subventions par les opérateurs. Plus récemment, la montée du reconditionné a contribué à la baisse des ventes de modèles neufs. IDC estime que 283 millions d’appareils d’occasion ont été écoulés en 2022. Une hausse de 11%.
Pour aller plus loin:
– Comment Google gagne du terrain sur le marché des smartphones
– Comment l’Europe a forcé Apple à changer le chargeur de l’iPhone
En Chine, Huawei repasse devant Apple
Près de trois ans après avoir perdu son trône, Huawei semble avoir retrouvé la première place du marché chinois. C’est en tout cas ce qu’affirment les analystes de Jefferies. Une performance d’autant plus impressionnante qu’elle coïncide avec le lancement des nouveaux iPhone d’Apple. Le groupe de Shenzhen profite de l’engouement suscité par ses derniers smartphones, les premiers à être équipés d’une puce 5G depuis l’entrée en vigueur des sanctions américaines à l’automne 2020. Ses ventes sont ainsi tirées par un élan patriotique, alors que son rival américain se retrouve désormais dans le viseur de Pékin. La marque bénéficie aussi, selon le cabinet Counterpoint, d’un retour à “un cycle normal de lancement”, suite à une période de transition pendant laquelle elle a dû reconstruire presque intégralement son réseau de fournisseurs. “La tendance suggère que les iPhones seront battus par Huawei en 2024”, prédisent les analystes de Jefferies.
Pour aller plus loin:
– Huawei anticipe un rebond spectaculaire de ses ventes de smartphones
– Comment Huawei a pris sa revanche sur les États-Unis
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