La revanche de Mark Zuckerberg
Et aussi: Spotify entérine son changement de stratégie dans les podcasts - Le pari à double tranchant de TikTok
L'éclatante revanche de Mark Zuckerberg
50 cents, c’est si peu et beaucoup à la fois. Pour célébrer son vingtième anniversaire, Meta a annoncé la semaine dernière le versement de ses premiers dividendes. Une étape majeure dans son histoire qui a fait bondir son action à son plus haut niveau historique, au-delà des 470 dollars. En novembre 2022, celle-ci était tombée à seulement 90 dollars, après avoir chuté de plus de 75% en un an. Une sacrée revanche pour Mark Zuckerberg, décrié comme jamais il y a encore quelques trimestres à Wall Street, et surtout en interne, où l’on commençait sérieusement à douter de sa coûteuse stratégie centrée autour du métaverse. Deux plans sociaux et un rebond des recettes publicitaires plus tard, la maison mère de Facebook affiche des profits record – 14 milliards de dollars au quatrième trimestre.
Avatars grotesques – Fin 2022 pourtant, tous les signaux s’allument en rouge. Meta vient d’accuser un repli de son chiffre d’affaires annuel. Une baisse certes très limitée (-1% seulement), mais inédite dans son histoire. La société de Menlo Park est alors pénalisée par la faiblesse du marché publicitaire, plombé par l’inflation et les craintes de récession. Elle subit aussi la modification des règles d’Apple sur le pistage publicitaire, qui limite l’efficacité des publicités mobiles. Parallèlement, ses efforts dans le métaverse, ce monde virtuel que Mark Zuckerberg considère comme la prochaine plateforme dominante, tardent toujours à porter leurs fruits. Non seulement la division Reality Labs accumule de lourdes pertes, mais son produit vitrine, Horizon Worlds, est alors moqué pour ses avatars au look cartoon un peu grotesque.
Impact de Temu – Face aux doutes, Mark Zuckerberg a d’abord licencié plus de 20.000 salariés. Et décrété que 2023 serait “l’année de l’efficacité”, avec la volonté d’alléger l’organisation hiérarchique pour avancer plus rapidement. L’an passé, les dépenses de Meta sont ainsi restées stables, après avoir presque doublé entre 2020 et 2022. Dans le même temps, ses recettes publicitaires ont progressé de 17% – davantage que chez Google. Ses dirigeants mettent en avant de nouveaux formats, comme les publicités permettant d’envoyer des messages aux marques ou celles permettant de réaliser un achat directement depuis ses applications. La société a aussi profité des budgets marketing de Temu et Shein, les deux plateformes chinoises d’e-commerce qui ont généré, à elles seules, un tiers de la croissance du chiffre d’affaires.
Investissements dans l’IA – Une ombre demeure: les pertes toujours abyssales du Reality Labs: plus de 16 milliards de dollars en 2023. Mais le rebond des profits, la promesse de contrôler les embauches et le versement de dividendes permettent désormais à Mark Zuckerberg d’avoir une marge de manœuvre plus importante pour continuer à investir. Surtout, le patron de Meta a donné une nouvelle raison d’espérer aux investisseurs: l’intelligence artificielle générative. Arrivé un peu tardivement, le groupe a depuis mis les bouchées doubles. Il prévoit ainsi d’acheter 350.000 puces H100 de Nvidia, pour un prix catalogue supérieur à dix milliards de dollars. Meta espère profiter de son choix de l’open source, à contre-courant de ses grands rivaux américains. Tout en reconnaissant ne pas encore avoir défini son modèle économique.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi l’abonnement payant de Facebook est (déjà) contesté
– Dans le métaverse, Facebook dévoile (enfin) des progrès spectaculaires
Spotify prolonge le controversé Joe Rogan... et entérine un changement de stratégie
Le précédent contrat liant Spotify à Joe Rogan avait été le symbole des grandes ambitions de la plateforme suédoise dans les podcasts. Le nouveau contrat, annoncé vendredi, est, lui, l’illustration d’un changement radical de stratégie. Celui-ci met en effet fin à la clause d’exclusivité qui liait les deux parties depuis trois ans. Conséquence: l’émission vidéo The Joe Rogan Experience sera de nouveau diffusée sur d’autres plateformes, comme YouTube et Apple Podcasts. Selon le Wall Street Journal, Spotify sera chargé de la distribution et de la commercialisation des espaces publicitaires. L’animateur touchera un minimum garanti, ainsi qu’un pourcentage sur les recettes générées. Le quotidien américain avance la somme de 250 millions de dollars – sur une durée encore inconnue –, un chiffre démenti par l’entreprise.
Invités sulfureux – Avec plus de 2.000 épisodes au compteur, l’émission rencontre un phénoménal succès d’audience. Sur Spotify, elle caracole en tête des podcasts les plus écoutés depuis trois ans. Joe Rogan s’y livre à des entretiens fleuves, qui peuvent parfois dépasser les trois heures. Il y reçoit des personnalités, comme Elon Musk et Edward Snowden, ses deux plus beaux coups médiatiques. Mais il donne aussi la parole à des personnalités sulfureuses, à l’image du complotiste américain Alex Jones, le créateur du site Infowars, banni en 2018 de YouTube, Facebook et de l’App Store d’Apple. Régulièrement, ses invités ou ses déclarations, notamment autour du vaccin contre le Covid, mettent Spotify dans l’embarras. Mais la société l’a toujours défendu, même quand plusieurs artistes lui ont lancé un ultimatum.
Bond de l’audience – Jusqu’en 2020, l’émission était seulement diffusée sur YouTube. Pour la récupérer en exclusivité, Spotify n’avait pas hésité à offrir une somme estimée entre 100 et 200 millions de dollars à Joe Rogan. Ce chèque, inédit dans l’univers du podcast, s’inscrivait alors dans une stratégie de conquête du marché. La plateforme suédoise avait aussi recruté plusieurs personnalités, comme Michelle Obama, le prince Harry et son épouse Meghan Markle. Des efforts qui ont porté leurs fruits. En trois ans, la consommation de podcast a grimpé de 232%, permettant à Spotify de revendiquer le statut de plateforme la plus utilisée dans de nombreux pays, dont les États-Unis, avec plus de 100 millions d’auditeurs. Sur la période, les recettes publicitaires des podcasts ont progressé de 80%.
Plus d’exclusivité – Cette offensive dans les podcasts était un élément central de la stratégie de diversification de Spotify, afin de dépasser la limite de son modèle économique – les importantes royalties versées aux artistes, qui s’élèvent à 70% des recettes générées par les écoutes. Les podcasts devaient, eux, offrir des marges plus élevées. Mais cela ne s’est jamais réalisé, ce qui lui a fait perdre beaucoup d’argent. L’été dernier, la société a ainsi annoncé un “pivot fondamental”, accompagné de licenciements. Désormais, elle limite ses investissements dans la production. Et a renoncé à l’exclusivité. L’émission de Joe Rogan était d’ailleurs la dernière à n’être diffusée que sur Spotify. Son objectif n’est plus d’attirer de nouveaux auditeurs sur sa plateforme. Mais de maximiser ses recettes en multipliant les opportunités de monétisation.
Pour aller plus loin:
– Comment Spotify est redevenu rentable
– Spotify modifie son modèle de rémunération des artistes
Le pari à double tranchant de TikTok face à Universal Music
Il n’y a pas eu d’accord de dernière minute. En fin de semaine dernière, Universal Music a retiré l’ensemble de son catalogue de TikTok, faute d’avoir pu renégocier à la hausse un accord de licence. Depuis, les utilisateurs de la plateforme de vidéos ne peuvent plus utiliser les chansons de Taylor Swift, Drake ou encore Adele. Et les vidéos déjà publiées ont perdu leur fond sonore. Dans cette bataille, TikTok parie que l’impact sur son activité sera limité, avec une bascule vers les millions de titres qui restent disponibles. Et ainsi que le conflit sera plus préjudiciable pour la première maison de disques mondiale, qui perd une formidable plateforme de promotion et de découverte de ses artistes. Cependant, la filiale de ByteDance sera aussi perdante: sans le catalogue d’Universal, son offre de streaming musical, lancée en Asie et Amérique du Sud, sera fortement handicapée face à la concurrence.
Pour aller plus loin:
– Universal Music déclare la guerre à TikTok
– Comment l’intelligence artificielle bouscule l’industrie du disque
Crédit photos: Meta - Spotify