La fin des illusions pour l'hyperloop
Et aussi: Bird fait faillite - Bruxelles enquête sur OpenAI et Microsoft
Le projet hyperloop au point mort après la fermeture de la start-up Hyperloop One
C’est un échec de plus dans la course à l’hyperloop, ce projet de transport futuriste présenté il y a plus de dix ans par Elon Musk. Certainement, celui de trop. Fin décembre, Hyperloop One, anciennement connue sous le nom de Virgin Hyperloop, a officiellement fermé ses portes. Un temps financée par le milliardaire britannique Richard Branson, la start-up américaine semblait être l’acteur le mieux placé pour concrétiser ce projet fou, qui promettait de faire circuler des passagers à une vitesse supérieure à 1.200 kilomètres par heure. La situation est aussi préoccupante chez son ex-rivale Hyperloop TT, qui a dû annuler son d’introduction en Bourse. Et aussi abandonner, l’été dernier, son site de tests à Toulouse, sur lequel elle avait construit un tube de 300 mètres, après des mois d’inactivité et de loyers impayés.
Vision d’Elon Musk – Le concept de l’hyperloop a été dévoilé en 2012, puis décrit en détail un an plus tard. Issu du travail des ingénieurs de Tesla et de SpaceX, il repose sur un système de propulsion électromagnétique qui doit permettre à des navettes de naviguer en lévitation à une vitesse supersonique, deux fois plus élevée que celle du TGV. De quoi relier San Francisco et Los Angeles, éloignés de 600 kilomètres, en moins de 30 minutes, indiquait Elon Musk. Assurant ne pas avoir assez de temps, l’entrepreneur avait passé le flambeau à une poignée de start-up. Mais l’avenir de l’hyperloop ne repose plus que sur un petit contrat décroché en Italie par Hyperloop TT, pour étudier la faisabilité d’une liaison destinée au transport de marchandises entre Venise et Padoue, deux villes séparées par une quarantaine de kilomètres.
Premier test – Fondée en 2014, Hyperloop One avait connu des débuts très mouvementés, entre conflits internes, difficultés financières et changements de nom. La start-up avait été relancée par l’arrivée dans son capital de Richard Branson en 2017, accompagné par DP World, un important groupe portuaire émirati, devenu son premier actionnaire. En tout, elle avait levé plus de 400 millions de dollars pour mener à bien son projet. Fin 2020, elle avait transporté ses deux premiers passagers, sur une distance de 500 mètres et à une vitesse maximale de 170 kilomètres par heure. Un test symbolique, salué alors comme une “étape historique”. En coulisses cependant, les retards s’accumulaient. Et le premier tronçon commercial, initialement espéré en 2020, puis repoussé en 2025, n’était plus espéré avant 2030.
Seulement des marchandises – Début 2022, Hyperloop One avait ainsi choisi de changer radicalement de stratégie, abandonnant le transport de passagers, jugé trop complexe, pour se concentrer uniquement sur le fret. La moitié des employés avaient alors été licenciés. Et Virgin avait claqué la porte. Cette volte-face avait donné raison à tous ceux qui doutaient dès le départ de la faisabilité du projet, notamment pour assurer la sécurité des occupants des navettes. Les ambitions de la société se heurtaient toujours à de nombreux défis technologiques et logistiques. Et aussi à des coûts faramineux. Dans des documents financiers révélés en 2016, elle estimait la facture entre 52 millions de dollars par mile (1,60 kilomètre) à Dubaï et 121 millions en Californie. Bien plus que pour les trains à grande vitesse.
Pour aller plus loin:
– Comment les voitures autonomes de Cruise ont foncé droit dans le mur
– Lâché par Richard Branson, Virgin Orbit interrompt ses activités
Bird, le pionnier des trottinettes électriques, se place en faillite
Au printemps 2018, neuf mois seulement après son lancement, Bird avait franchi la barre symbolique du milliard de dollars de valorisation. Un record de rapidité. Moins de six ans plus tard, pourtant, le pionnier américain de la location de trottinettes électriques en libre-service va être vendu d’ici avril au plus offrant, au mieux pour quelques dizaines de millions. Ces derniers mois, la chute de la société était devenue inéluctable tant sa trésorerie avait chuté à un niveau alarmant. Fin décembre, elle a dû se placer sous la protection de la loi américaine sur les faillites, déclenchant un processus d’enchères sur ce qui reste de ses actifs. Au total, elle aura dilapidé près d’un milliard de dollars, accumulant de très lourdes pertes sans jamais se rapprocher d’un modèle économique pouvant lui laisser entrevoir la rentabilité.
Free floating – L’histoire de Bird, c’est aussi celle du marché des trottinettes électriques. De leur spectaculaire envol à leur brutal déclin. Créée en 2017 par Travis VanderZanden, un ancien haut dirigeant d’Uber, la start-up a lancé sur les marchés occidentaux la mode du free floating (sans bornes), reprenant un concept qui cartonnait alors en Chine avec les vélos. L’intérêt pour ces engins est immédiat. Et les investisseurs affluent, pariant sur l’essor des micromobilités dans les centres-villes. En trois ans, Bird lève plus de 600 millions de dollars pour déployer sa flotte dans 400 villes et campus aux États-Unis et en Europe. Fin 2021, après avoir survécu aux confinements liés à l’épidémie de coronavirus, elle profite de la folie autour des SPAC pour entrer en Bourse, récoltant à cette occasion 250 millions supplémentaires.
Modèle économique – Bird est alors à son apogée. En apparence seulement. En réalité, la situation financière est déjà préoccupante. Dès le départ, la société s’est engagée dans une course effrénée à la taille sur un marché vite devenu très concurrentiel, en raison de faibles barrières technologiques à l’entrée. L’objectif est alors de grossir le plus rapidement possible, pour prendre les autres plateformes de vitesse. Mais aussi pour continuer à attirer des investisseurs en leur présentant de forts taux de croissance. Bird a ainsi englouti des centaines de millions de dollars, sans jamais se soucier de pérenniser un modèle économique bancal: ses trottinettes trop fragiles ne peuvent pas rester suffisamment longtemps dans les rues pour être amorties. Sans compter les coûts liés à la maintenance et à la recharge des batteries.
Dernier pari – La fin de l’argent facile va ensuite représenter un électrochoc, symbolisé par le départ de son fondateur et patron. Fini la course à la croissance, Bird cherche désormais à limiter ses dépenses. Au printemps 2022, elle licencie un quart de ses employés. Puis cesse ses opérations sur les marches les plus déficitaires. Elle abandonne aussi son projet de vendre des vélos et trottinettes au grand public. Fin 2022, la société reconnaît qu’elle aura besoin de financements supplémentaires pour survivre. Mais les investisseurs ne se bousculent plus, malgré une amélioration des comptes – qui restent cependant dans le rouge. En septembre dernier, Bird tente un dernier pari, rachetant Spin, sa principale rivale américaine. Ses dirigeants espèrent réaliser des millions de dollars de synergies. Trop peu, trop tard.
Pour aller plus loin:
– Spin, symbole de l’histoire mouvementée des trottinettes électriques
– Les plateformes de location de trottinettes interdites à Paris
Bruxelles se penche aussi sur le partenariat entre Microsoft et OpenAI
Après Londres, Bruxelles s’intéresse aussi aux relations très étroites entre OpenAI et Microsoft. Mardi, la Commission européenne a expliqué vouloir “vérifier” si l’investissement du géant de Redmond dans le concepteur de ChatGPT “pourrait être examiné en vertu du règlement sur les fusions de l’UE”. Elle n’en dit pas plus sur sa démarche, première étape avant une potentielle enquête antitrust. Mais celle-ci intervient seulement un mois après l’ouverture d’une procédure par la Competition and Markets Authority britannique. Aux États-Unis, la Federal Trade Commission examine aussi les liens entre les deux entreprises, selon l’agence Bloomberg. Suite à la récente crise de gouvernance d’OpenAI, les autorités antitrust se demandent si Microsoft exerce un contrôle sur la start-up, sans l’avoir officiellement racheté. Dans ce cas de figure, ce partenariat pourrait être considéré comme une acquisition déguisée. Et ainsi être soumis aux règles qui s’appliquent lors d’un rachat.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi Microsoft et OpenAI se retrouvent dans le collimateur de l’antitrust
– OpenAI abandonne le développement de son dernier modèle de langage
Crédit photos: Hyperloop One - Bird