Twitter bientôt payant ? Un pari très risqué pour Elon Musk
Et aussi: Spin rachetée pour une troisième fois en cinq ans
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Elon Musk envisage de rendre Twitter payant
Comme toujours avec Elon Musk, c’est une déclaration à prendre avec prudence. Lundi, lors d’une rencontre avec Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, le milliardaire a assuré que Twitter allait bientôt devenir un service entièrement payant, seul moyen selon lui de “lutter contre de vastes armées de robots” – qu’il assurait pourtant en juin avoir éliminé à 90%, une affirmation contredite par plusieurs études. Il n’a pas précisé le prix qui pourrait être facturé aux utilisateurs du réseau à l’oiseau bleu, évoquant simplement “un petit paiement mensuel”, inférieur à l’abonnement Premium (anciennement Blue), commercialisé à 8 euros par mois. Si elle se concrétise, cette nouvelle stratégie présenterait d’importants risques pour Twitter, qui pourrait perdre son effet de réseau, l’une de ses forces.
Option déjà étudiée – L’idée de rendre Twitter payant n’est pas nouvelle. Elle avait déjà émergé fin 2022, quelques semaines après le rachat de la société par Elon Musk pour 44 milliards de dollars. Selon la newsletter Platformer, l’option étudiée à l’époque consistait à faire payer les utilisateurs dépassant un certain niveau d’activité. Mais celle-ci n’avait finalement pas été retenue. À la place, la société avait réalisé une refonte de son offre payante, qui permet d’obtenir le badge bleu, jusque-là réservé à des personnalités, et de bénéficier de quelques fonctionnalités supplémentaires. Les abonnés profitent aussi d’une meilleure visibilité dans le fil d’actualités algorithmique ou dans les réponses à un tweet. Et les plus populaires sont éligibles à un partage des recettes publicitaires.
Chute de la publicité – La stratégie d’Elon Musk consiste à pousser le maximum d’utilisateurs vers l’offre Premium, quitte à s’aliéner ceux qui ne paient pas. Les résultats sont encore timides: moins d’un million d’abonnés, selon les estimations du développeur Travis Brown. Soit moins de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel. Très loin des objectifs fixés par le patron de Tesla, qui souhaite que les abonnements représentent la moitié des recettes. Dans le même temps, le chiffre d’affaires publicitaire a été divisé par deux. Cela représente un manque à gagner de plus de deux milliards par an. Certes, le réseau social a fortement abaissé ses coûts. Mais il affiche des pertes car il doit rembourser 1,2 milliard par an aux banques qui ont prêté des fonds à Elon Musk pour financer le rachat.
Pari très risqué – L’obsession d’Elon Musk pour les faux comptes date de plusieurs années. Difficile de savoir cependant si elle ne servirait pas seulement de prétexte pour tenter d’imposer un nouveau modèle économique – l’an passé, le milliardaire avait déjà essayé d’utiliser cette excuse pour retirer son offre de rachat de la société. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’une telle mesure constituerait un pari très risqué. Du jour au lendemain, le réseau social perdrait la plus grande partie de ses utilisateurs, et donc de son chiffre d’affaires publicitaire. Pour compenser, il faudrait plusieurs dizaines de millions d’abonnés. Un chiffre qui semble peu probable. En outre, la baisse de la fréquentation réduirait grandement l’effet de réseau de Twitter, qui pousse les utilisateurs à se connecter et à poster.
Pour aller plus loin:
– Avec Threads, Twitter fait face à un premier rival d’envergure
– Elon Musk nomme une directrice générale chez Twitter… mais garde les commandes
Spin, symbole de l'histoire mouvementée des trottinettes électriques
Ce n’est pas l’acteur le plus connu, mais son histoire est probablement celle qui résume le mieux l’évolution du secteur de la location de trottinettes électriques en libre-service. Mardi, la plateforme américaine Spin a changé de main pour la troisième fois en seulement cinq ans. Cette fois-ci, elle a été rachetée par sa concurrente Bird, le pionnier et leader du marché aux États-Unis, pour un prix dérisoire: à peine 19 millions de dollars, dont seulement 10 millions en numéraire. Cette acquisition, la deuxième depuis le début de l’année pour Bird, s’inscrit dans un vaste mouvement de consolidation, précipité depuis quelques années par les difficultés financières des opérateurs, toujours en quête de rentabilité. L’allemand Tier, l’ancien propriétaire de Spin, cherche ainsi, lui aussi, un repreneur.
Rachetée par Ford – Spin a été fondée fin 2016 à San Francisco. À l’époque, la mode des trottinettes électriques en free floating (sans bornes) bat son plein, inspirée par les services de location de vélos en Chine. La start-up en profite pour mener une première levée de fonds de 8 millions de dollars. Puis, pour être rachetée pour 100 millions par Ford en 2018. Le grand constructeur automobile américain parie alors, comme beaucoup d’investisseurs, sur l’essor des micromobilités dans les centres-villes. Il promet d’investir jusqu’à 200 millions dans la start-up, mais déchante vite. Spin vivote alors jusqu’à son rachat début 2022 par Tier, qui souhaite s’implanter aux États-Unis. Le montant de cette opération n’a jamais été rendu public mais il est très probablement inférieur au précédent.
Des économies pour Tier – Quelques mois avant l’acquisition de l’opérateur américain, Tier avait conclu une levée de fonds de 200 millions de dollars pour participer à la consolidation du secteur. C’est le dernier moment d’optimisme. Depuis, tous les acteurs ont été rattrapés par la fin de l’argent facile. Et par la défiance des investisseurs, qui ont fini par perdre patience face à un modèle économique qui peine à générer des profits. Dans ce contexte, Tier a dû abandonner, comme ses rivaux, son obsession pour la croissance pour chercher à devenir rentable. La start-up allemande a licencié près d’un quart de ses employés, et aussi coupé dans les effectifs de Spin. Elle a délaissé plusieurs marchés et arrêté son activité de location de scooters électriques. La vente de Spin, qui sonne le glas de ses ambitions américaines, doit lui permettre de faire des économies supplémentaires.
Enfin rentable ? – Si la consolidation du secteur a permis de limiter la concurrence, elle n’a pas constitué un remède miracle vers la rentabilité. Car les opérateurs doivent réaliser d’importants investissements, qu’ils doivent ensuite amortir sur une durée de vie assez courte des trottinettes. Sans compter l’impact de la réglementation et les coûts liés à la recharge des batteries et à la maintenance. Pour s’en sortir, ils ont déployé des modèles plus robustes et équipés de batteries amovibles, pouvant être échangées dans les centres-villes. Lime assure avoir enregistré l’an passé ses premiers profits, mais sur une base ajustée. Et Bird a fortement réduit ses pertes au premier semestre. Sans pour autant stimuler le cours de son action, qui a fondu de 99,6% depuis son introduction en Bourse fin 2021.
Pour aller plus loin:
– Bird, le pionnier des trottinettes électriques, menacé de faillite
– Les plateformes de location de trottinettes interdites à Paris
Crédit photos: Unsplash / Brett Jordan - Spin