Amazon contre-attaque sur les prix
Et aussi: OpenAI et Microsoft dans le collimateur de Bruxelles - Temu et Shein aussi
Bousculé sur les prix, Amazon reprend les recettes de Shein et Temu
Dans les bureaux d’Amazon, ce n’est plus la concurrence avec Walmart, le leader américain de la distribution, qui occupe les esprits. C’est désormais le succès grandissant de Shein et de Temu sur les marchés occidentaux, à coups de promotions agressives et d’importantes dépenses marketing. De plus en plus menacé par les deux plateformes chinoises, le groupe de Seattle prépare la riposte, reprenant à son compte leur modèle transfrontalier, dit cross border. La semaine dernière, au cours d’un événement rassemblant des vendeurs chinois, il a ainsi présenté une nouvelle section de sa marketplace, qui proposera des articles à bas prix, vendus par des marchands tiers et expédiés directement depuis la Chine. Selon des documents consultés par la chaîne CNBC, l’ouverture de cette boutique discount pourrait intervenir à l’automne.
Coûts logistiques – S’il reste, de très loin, le leader du commerce en ligne dans de nombreux pays, Amazon s’est cependant laissé déborder sur le bas de l’échelle des prix. D’abord par Shein, spécialiste de l’ultra fast fashion. Puis par Temu, filiale de Pinduoduo. Au lieu d’entrer en concurrence frontale, les deux groupes ont opté pour une approche différente. Leurs commandes ne sont pas envoyées depuis des entrepôts américains ou européens, dans une course de vitesse pour les livrer en un ou deux jours. Elles le sont depuis des entrepôts chinois, ce qui permet de limiter les coûts logistiques. D’autant plus que Shein et Temu profitent de tarifs postaux avantageux dans le cadre d’une convention internationale. Et qu’ils s’engouffrent dans une faille des lois américaines sur les importations, qui les exonèrent de droit de douane.
Livraison en dix jours – Shein et Temu – et aussi Aliexpress, la filiale d’Alibaba, dans certains pays – ne rivalisent que sur une petite partie du commerce en ligne: l’habillement, les bijoux, les ustensiles de cuisine ou encore les accessoires électroniques. Mais leur popularité est suffisamment importante pour grappiller des parts de marché à Amazon. Pour rivaliser, le géant américain va proposer, d’abord aux États-Unis, une sélection d’articles similaires à moins de 20 dollars. Il ne jouera qu’un rôle d’intermédiaire: les achats transiteront par ses entrepôts en Chine, avant d’être envoyés directement au domicile des clients, sans jamais passer par sa chaîne logistique américaine. La livraison prendra ainsi entre 9 et 11 jours. Un délai que les consommateurs sont désormais prêts à accepter pour réaliser des économies.
Lourdes pertes – Au printemps, Amazon avait déjà riposté au succès des plateformes chinoises en abaissant ses commissions sur les vêtements vendus à moins de 20 dollars par des marchands tiers. “Une demi-solution”, estime Juozas Kaziukenas, directeur du cabinet Marketplace Pulse. Non seulement cette mesure ne permettait que de réduire partiellement l’écart de prix. Mais elle ne changeait rien à l’autre avantage de Shein: sa capacité à lancer d’innombrables produits, en petite quantité, pour surfer quasiment en temps réel sur les dernières tendances. La société américaine pourrait désormais être mieux armée sur ce terrain. Reste cependant à savoir si elle est prête à suivre ses rivales chinoises, en particulier Temu qui multiplie les campagnes marketing et offre de nombreuses promotions. Et qui accuse donc de lourdes pertes.
Pour aller plus loin
– Premiers signes de ralentissement pour Temu
– Comment un algorithme secret a rapporté un milliard de dollars à Amazon
Bruxelles demande des comptes à Temu et à Shein
La Commission européenne accentue la pression sur Temu et Shein. La semaine dernière, elle a envoyé une demande d’informations aux deux plateformes chinoises, leur ordonnant de lui fournir des détails sur les mesures déployées pour respecter le Digital Services Act. Dans le cadre de cette réglementation, elles doivent notamment mettre en place un système de signalement des produits illégaux. Et renforcer la traçabilité des vendeurs. Elles ont également interdiction d’utiliser des dark patterns, ces interfaces trompeuses comme de faux compteurs de temps ou de prétendus stocks limités pour créer un sentiment d’urgence chez les acheteurs. Au printemps, Shein et Temu ont été classés comme des “très grandes plateformes” par Bruxelles. Un statut qui se traduit par des obligations supplémentaires, en particulier pour limiter la vente de contrefaçons, de produits dangereux ou qui ne respectent pas les normes européennes. En cas d’infraction, elles risquent une amende pouvant aller jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires mondial. Puis, une interdiction sur le continent en cas de récidive.
Pour aller plus loin:
– L’étau se resserre autour de Temu en Europe
– Shein, le trublion de la fast fashion, valorisé à 100 milliards de dollars
L'alliance entre Microsoft et OpenAI reste dans le collimateur de Bruxelles
Face aux relations très étroites entre OpenAI et Microsoft, Bruxelles change son angle d’approche. Après avoir examiné leur alliance capitalistique, classant finalement le dossier, la Commission européenne se penche désormais sur leur partenariat commercial, pourtant conclu il y a plusieurs années. Un partenariat qui octroie au géant de Redmond la distribution exclusive dans le cloud des modèles d’intelligence artificielle générative développés par le concepteur de ChatGPT. “Nous souhaitons comprendre si certaines clauses d’exclusivité pourraient avoir un effet négatif sur les concurrents”, explique Margrethe Vestager, la commissaire à la concurrence. Ses services vont ainsi commencer à interroger différents acteurs du marché, une première étape vers une potentielle procédure antitrust… qui prendra des années à se concrétiser.
Exclusivité – L’alliance entre Microsoft et OpenAI remonte à 2019. À l’époque, le laboratoire d’IA, lancé comme une organisation à but non lucratif, cherche des fonds pour financer ses travaux. L’éditeur de Windows souhaite, lui, combler le retard pris dans le domaine sur Google. Il injecte alors un milliard de dollars, en liquidités et en crédits cloud, permettant à la start-up d’entraîner gratuitement ses modèles. En janvier 2023, quelques mois après le lancement spectaculaire de ChatGPT, il signe un nouveau chèque, de plus de dix milliards. En échange, Microsoft contrôle désormais 49% du capital d’OpenAI. Et possède aussi un accord d’exclusivité: sa plateforme de cloud Azure est la seule à proposer les modèles d’OpenAI à ses clients. Un avantage de taille sur Amazon, Google et tous les petits acteurs du secteur.
90 partenariats – Les rapprochements se sont multipliés depuis un an et demi. Dans un rapport publié en avril, le gendarme britannique de la concurrence a recensé 90 partenariats et investissements stratégiques entre des start-up et Microsoft, Google, Amazon ou encore Nvidia. Pour une raison très simple: concevoir des modèles d’IA générative réclame une immense puissance de calcul et donc des ressources financières élevées. Ces grands groupes disposent, eux, à la fois de serveurs et de liquidités abondantes. Au-delà de son montant hors-norme, l’association entre Microsoft et OpenAI diffère cependant des autres, qui ne sont généralement pas accompagnés d’une distribution exclusive. C’est le cas, par exemple, d’Anthropic, l’un des principaux rivaux d’OpenAI, qui a fait entrer Amazon et Google dans son capital.
Acquisitions déguisées – Margrethe Vestager promet également de se montrer très attentive aux acquisitions déguisées de start-up d’IA générative. Dans ce domaine, Microsoft a ouvert la voie en débauchant les équipes d’Inflection AI, dont son patron Mustafa Suleyman, l’un des fondateurs de DeepMind, le réputé laboratoire de Google. En échange, le groupe a signé un accord de licence d’un montant de 650 millions de dollars. La semaine dernière, Amazon a adopté exactement la même stratégie avec Adept AI. Ces deux opérations s’apparentent à des “aqui-hire”, des acquisitions dont le seul objectif est de recruter des équipes d’ingénieurs et de chercheurs. Les montages financiers mis en place doivent, eux, permettre de contourner un potentiel veto des autorités de la concurrence, qui auraient pu bloquer le rachat de ses deux start-up.
Pour aller plus loin:
– Entre OpenAI et Microsoft, les relations ne sont plus au beau fixe
– En s’associant à Mistral AI, Microsoft renforce sa position de force dans l’IA
Crédit photos: Amazon - Microsoft
Une stratégie de maître pour Microsoft qui investit aussi bien sur OpenAI que sur Mistra AI...MS a pris une avance extrêmement forte sur les autres géants dans le domaine de la GenAI