Pourquoi les relations entre OpenAI et Microsoft n'en finissent plus de s'envenimer
Qu’il semble bien loin le temps où Satya Nadella et Sam Altman prenaient la pose pour officialiser un renforcement de l’alliance entre Microsoft et OpenAI. Et aussi celui où le patron du géant de Redmond volait au secours du directeur général du concepteur de ChatGPT, tout juste débarqué par son conseil d’administration. Entre les deux groupes, les relations n’en finissent plus de s’envenimer depuis plusieurs mois. Le partenariat “gagnant-gagnant” des débuts a ainsi laissé la place aux rancœurs et aux menaces. D’un côté, OpenAI réfléchirait à saisir les autorités de la concurrence pour dénoncer les clauses commerciales signées avec son principal actionnaire, rapporte le Wall Street Journal. De l’autre, Microsoft pourrait bloquer le changement de statut juridique de la start-up, pourtant indispensable à son développement, explique le Financial Times.
13 milliards de dollars – L’histoire entre les deux entreprises débute en 2019. À l’époque, OpenAI n’est encore qu’un laboratoire de recherche, financé par quelques grands noms de la Silicon Valley, qui ambitionne de concevoir une intelligence artificielle devant bénéficier à l’humanité, sans être dictée par une logique de profit. Mais il a besoin de beaucoup d’argent. Pour lever des fonds sans renier sa mission, OpenAI établit alors une filiale à “but lucratif plafonné”, contrôlée par un conseil d’administration à but non lucratif. Il fait ensuite entrer Microsoft dans le capital. Celui-ci injecte d’abord un milliard de dollars, en cash et en crédits cloud – permettant à la société d’utiliser gratuitement le cloud Azure pour entraîner et faire tourner ses modèles. Puis, 12 milliards de plus en 2023, quelques mois après les débuts en fanfare de ChatGPT.
Profits pour Microsoft – Sur le papier, tout le monde semble gagnant. OpenAI bénéfice de liquidités et de puissance de calcul sans avoir à mener des levées de fonds classiques – qui auraient impliqué de revenir sur son but non lucratif. En échange, Microsoft récupère 20% du chiffre d’affaires de la start-up – qui vient de passer la barre des dix milliards de dollars en rythme annualisé. Il percevra ensuite 75% des profits jusqu’à ce qu’il récupère les sommes investies. Puis, 49% jusqu’à un certain montant, non connu. L’accord contient d’autres clauses qui lui sont particulièrement favorables. L’éditeur de Windows peut utiliser les technologies d’OpenAI dans ses produits. Il détient aussi la distribution exclusive des API (qui permettent d’intégrer des modèles d’IA dans des applications) dans le cloud. Un atout commercial majeur pour son offre Azure.
OpenAI doit renégocier avec Microsoft
Tentative d’éviction – Le tournant intervient en novembre 2023, lorsque le conseil d’administration d’OpenAI renvoie abruptement Sam Altman, lui reprochant de s’être lancé dans une course effrénée vers l’IA générale, c’est-à-dire capable d’apprendre seule, en négligeant les risques. En coulisses, Satya Nadella s’active rapidement, car un changement de cap pourrait avoir de graves répercussions sur sa société. S’il obtient le retour aux commandes du patron évincé, cet épisode constitue un tournant pour Microsoft, qui prend conscience de sa dangereuse dépendance envers la start-up. En mars 2024, le groupe décide ainsi de débaucher les salariés d’Inflection AI, dont son fondateur Mustafa Suleyman, placé à la tête d’une nouvelle division dédiée à l’IA. Il travaille depuis sur la conception de ses propres modèles, concurrents directs de ceux d’OpenAI.
Levées de fonds – Dans le même temps, OpenAI a besoin de toujours plus de liquidités, alors que ses pertes s’envolent – cinq milliards de dollars l’an passé – et que la rentabilité n’est pas espérée avant 2029. Fin 2023, Sam Altman demande donc une rallonge à Satya Nadella, qui refuse. Il se tourne vers d’autres investisseurs. Fin 2024, il conclut une première levée de 6,6 milliards de dollars – dont 750 millions “seulement” apportés par Microsoft. En avril 2025, il obtient une enveloppe pouvant aller jusqu’à 40 milliards, dont 30 milliards venant du japonais Softbank. Mais ces deux opérations s’accompagnent d’une obligation: un changement de statut juridique pour ne plus redistribuer les profits à Microsoft à son organisme non lucratif. Une condition indispensable pour entrer en Bourse, et ainsi assurer des plus-values aux nouveaux investisseurs.
Renégociation – OpenAI souhaite ainsi abandonner le statut à “but lucratif plafonné” de sa société commerciale – elle souhaitait initialement aussi remettre en cause le contrôle par sa structure à but non lucratif, mais a fait marche arrière face aux inquiétudes des régulateurs. Pour y parvenir, il faut cependant renégocier l’accord conclu avec Microsoft. Et plus particulièrement convaincre le groupe de Redmond de renoncer à sa part des futurs profits. Selon The Information, la start-up lui propose notamment de récupérer en échange 33% de son capital – une participation désormais valorisée à 100 milliards de dollars. Mais l’offre ne satisfait pas Microsoft. Le groupe serait prêt à stopper les discussions, se reposant uniquement sur l’accord commercial actuel, qui court jusqu’en 2030, date à laquelle il devrait être sorti de sa dépendance à OpenAI.
Des partenaires devenus concurrents
Tensions – Pour ne rien arranger, ces négociations se déroulent dans un contexte déjà tendu. OpenAI a longtemps reproché à son partenaire de ne pas lui fournir les ressources informatiques dont elle a besoin, ralentissant son développement. Sur ce point, la start-up a récemment obtenu gain de cause: elle n’est plus obligée d’utiliser la plateforme Azure pour ses modèles. Depuis, elle a signé des contrats avec CoreWeave et Oracle. Selon l’agence Reuters, elle a aussi trouvé un accord avec Google. Elle ambitionne également de construire de gigantesques data centers aux États-Unis – un projet évalué à 500 milliards de dollars sur quatre ans. Microsoft regrette, lui, de ne pas avoir accès assez rapidement aux avancées d’OpenAI. Et le groupe de Redmond n’a pas apprécié le partenariat noué avec Apple, sur l’intégration de ChatGPT au sein de l’assistant vocal Siri.
Compétition – Surtout, les deux entreprises ne sont plus seulement partenaires. Elles se retrouvent de plus en plus en compétition. Elles commercialisent toutes les deux l’accès aux API d’OpenAI. Et elles vendent des produits concurrents pour les entreprises, avec ChatGPT Plus et Copilot. Si le premier est un formidable succès commercial, avec plus de 20 millions de clients, le deuxième est à la peine. La rivalité s’étend aussi aux assistants de code informatique. Microsoft dispose d’une offre payante sur sa plateforme Github. OpenAI propose des fonctionnalités similaires dans ChatGPT. Et l’entreprise est sur le point de racheter Windsurf, une start-up spécialisée dans le domaine, pour 3 milliards de dollars. L’opération est pour le moment bloquée car OpenAI refuse de partager les technologies de Windsurf avec Microsoft, comme le prévoit leur accord.
Clause de sortie – Dans les négociations, Microsoft dispose d’un argument de taille: le temps. OpenAI doit en effet changer de statut avant la fin de l’année, faute de quoi elle ne touchera pas 20 milliards de dollars promis par Softbank. Si elle ne le fait pas avant fin 2026, elle devra en outre rembourser les 6,6 milliards reçus fin 2024. Et à terme, elle devra aussi rendre les 20 milliards déjà perçus dans le cadre de sa dernière levée de fonds. Mais Microsoft joue également avec le feu. Pénaliser le développement d’OpenAI pourrait favoriser ses concurrents, réduisant ses profits et donc la part qui doit revenir à Redmond. En outre, la start-up dispose aussi d’une cartouche: une clause de sortie quand elle aura atteint une IA générale, lui permettant de couper l’accès à ses technologies. OpenAI pourrait y renoncer pour convaincre Microsoft.
Pour aller plus loin:
– OpenAI recrute la Française Fidji Simo pour épauler Sam Altman
– Pourquoi OpenAI renonce à abandonner sa structure à but non lucratif
Omi recrute: participez à la révolution du contenu visuel
Chez Omi, nous réinventons la photo produit avec la 3D et l’IA. Fini les shootings classiques: nos clients génèrent en quelques clics des visuels ultra réalistes, rapides et sur-mesure.
Déjà présents en Europe et aux États-Unis, nous accélérons notre croissance et avons de forts besoins en recrutement.
Nous recrutons:
En go-to-market: sales, customer success managers, account managers, business developers.
En tech: développeurs backend, data scientists, ingénieurs en rendu 3D (C++).
En 3D: artistes 3D pour modéliser et optimiser les visuels produits.
Nous cherchons des profils curieux, engagés, et prêts à faire bouger les lignes. Nous proposons des salaires attractifs, un impact réel et un culture bienveillante et dynamique. Objectif: 80 talents d’ici fin 2025. Pourquoi pas vous ?
Sam Altman ouvre la porte à l'arrivée de publicités sur ChatGPT
L’an passé, Sam Altman se disait opposé à l’arrivée de la publicité sur ChatGPT, la qualifiant de “modèle économique de dernier recours”. Le patron d’OpenAI n’écarte désormais plus cette éventualité. “Je n’y suis pas totalement opposé”, a-t-il expliqué la semaine dernière. Cet aveu intervient six mois après les propos de Sarah Friar, la nouvelle directrice financière de l’entreprise, qui avait expliqué que l’option était à l’étude. Selon Sam Altman, OpenAI ne suivra pas la même voie que Google. Le moteur de recherche teste un carrousel de produits sponsorisés lorsqu’un internaute pose une question avec un “angle commercial”. Sur ChatGPT, la publicité ne doit “pas changer les résultats en fonction de celui qui nous paie le plus”, assure Sam Altman. Il évoque donc un système de commissions prélevées si un achat est effectué après qu’une personne clique sur un produit que le chatbot aurait “de toute façon montré”. Des annonces en dehors des résultats pourraient aussi être ajoutées. La publicité offrirait à la start-up un relais de croissance, alors qu’elle accumule de lourdes pertes. Pour le moment, elle ne monétise pas les centaines de millions d’internautes qui utilisent ChatGPT gratuitement.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi OpenAI réfléchit à ajouter des publicités sur ChatGPT
– Avec la publicité, Meta veut démultiplier la monétisation de WhatsApp
Crédit photos: Microsoft – OpenAI