Coup de tonnerre pour Apple
Le groupe à la pomme concède une défaite judiciaire retentissante face à Epic
Face à Epic, Apple concède une défaite judiciaire retentissante
Apple pensait avoir évité le pire. Mais le groupe à la pomme vient d’être rattrapé par la justice américaine. Et de manière spectaculaire. Mercredi, la juge chargée de l’affaire qui l’oppose à Epic Games vient de lui ordonner de ne plus prélever de commissions sur les achats externes sur son système iOS aux États-Unis. Autrement dit: tous les développeurs d’applications peuvent désormais rediriger leurs utilisateurs vers un site Internet sans avoir à reverser le moindre centime. Un coup de tonnerre, qui pourrait se traduire par un immense manque à gagner. La magistrate justifie cette décision radicale, en contradiction avec ses premiers jugements, par l’attitude de la société. “À chaque occasion, elle a choisi l’option la plus anticoncurrentielle”, explique-t-elle. Elle lui reproche aussi d’avoir menti. Et réclame donc l’ouverture d’une procédure pénale pour parjure.
Anti-steering – Attaqué en justice à l’été 2020 par Epic, l’éditeur du populaire jeu vidéo Fortnite, Apple avait été relativement épargné par le verdict en première instance. Considérant que la société n’était pas en position de monopole dans la distribution d’applications mobiles, la juge ne l’avait pas obligée à ouvrir son système iOS à d’autres boutiques. Ni à autoriser les systèmes de paiement alternatifs directement dans les applications. En revanche, elle avait remis en cause la pratique dite d’anti-steering, qui interdit de rediriger les utilisateurs sur un site pour réaliser un achat ou souscrire à un abonnement. La juge avait ainsi autorisé les développeurs à ajouter des “boutons” et “liens externes”. Elle n’avait cependant pas fourni de règles détaillées, ni précisé quel niveau de commission pouvait encore prélever Apple sur ces achats externes.
Commission injustifiée – En clair, la juge laissait au groupe de Cupertino le soin de déterminer la manière de respecter son injonction. Elle estime aujourd’hui qu’il a “sciemment” choisi d’ignorer son verdict, confirmé en appel puis par la Cour suprême. Apple a d’abord instauré des commissions de 12% et 27% sur les achats externes, contre 15% et 30% pour les achats in app – un niveau que la juge avait déjà considéré comme injustifié. Cette réduction n’est, en outre, pas viable pour les développeurs car elle ne compense pas les frais de paiement qu’ils doivent verser lors d’un achat sur leur site. Par ailleurs, la société a mis en place des conditions très restrictives, limitant drastiquement les possibilités d’insérer des liens de redirection. Elle a aussi introduit des “scare screens” pour dissuader les possesseurs d’iPhone d’acheter hors de sa plateforme.
“Un mauvais choix” – Dans son verdict, la juge détaille les discussions entre les principaux dirigeants d’Apple. Elle révèle que Phil Schiller, le responsable de l’App Store, recommandait de ne pas prélever de commission. Mais Tim Cook, le directeur général, avait finalement suivi Luca Maestri, le directeur financier, qui militait pour l’option permettant de ne subir aucun impact financier. “Un mauvais choix”, estime la juge. Lassée de l’attitude d’Apple, elle a donc décidé de frapper très fort. En plus des commissions, elle lui interdit toutes restrictions sur le placement et le contenu des liens externes. Et elle lui ordonne de n’afficher qu’un “message neutre” pour indiquer aux utilisateurs qu’ils sont redirigés vers un site. “C’est une injonction pas une négociation”, applicable immédiatement, sans attendre le verdict de l’appel, explique-t-elle.
Impact financier – En choisissant une attitude jusqu’au-boutiste, les responsables d’Apple ont sévèrement été punis par la justice. S’il reste difficile à mesurer, l’impact financier de la plainte déposée par Epic sera ainsi beaucoup plus important. En l’absence de commission sur les achats externes, la société redoutait que “la plupart des grands développeurs et potentiellement de nombreux développeurs moyens et petits” choisissent de ne plus utiliser son système de paiement, souligne la juge. Une estimation interne chiffrait le manque à gagner “en centaines de millions voire en milliards de dollars”. Celle-ci était en plus sous-évalué, car elle correspondait à un scénario imposant d’importantes restrictions sur les liens externes. Or, celles-ci ne seront pas en place, laissant escompter une utilisation encore plus importante de cette alternative.
Un dirigeant d'Apple accusé d'avoir menti sous serment
Parallèlement, la juge chargée de l'affaire indique qu'un responsable d'Apple a menti pendant son témoignage. Il s'agit d'Alex Roman, qui fait partie de la direction financière. À la barre, celui-ci avait notamment expliqué que la société n'avait pas décidé du taux de 27% pour les achats effectués en dehors de l'App Store avant janvier 2024, date de la décision définitive de la Cour suprême. "Un mensonge", écrit-elle dans son verdict, après avoir découvert que cette option avait été entérinée dès juillet 2023. "Ni Apple, ni ses avocats, n'ont rectifié ce mensonge", souligne-t-elle. Cela pourrait se retourner contre le groupe américain, désormais menacé de poursuites pénales. La juge reproche aussi à Apple d'avoir fait traîner en longueur la procédure, provoquant des délais supplémentaires. Elle lui ordonne ainsi de payer les frais d'avocats d'Epic
Pour aller plus loin:
– Bruxelles inflige une amende à Apple, la première dans le cadre du DMA
– Les États-Unis lance une procédure antitrust contre Apple
Comment Epic veut capitaliser sur sa victoire judiciaire contre Apple
Près de cinq ans après avoir attaqué Apple devant la justice américaine, Epic Games touche enfin au but. Mercredi, l’éditeur de Fortnite a obtenu l’interdiction des commissions sur les achats effectués en dehors des applications mobiles aux États-Unis. Jusqu’à présent, Apple prélevait un taux de 12% ou 27%, soit seulement trois points de moins que son taux historique. Pour Epic, comme pour l’ensemble des développeurs, cela représentait un manque à gagner important. Suite à ce jugement, la société explique que son jeu vedette va faire son retour la semaine prochaine sur iOS, sur lequel il était banni depuis l’été 2020. Les achats ne passeront plus par le système de paiement d’Apple. Sur le sol américain, Epic ne lui versera ainsi plus aucune commission. Le groupe espère aussi capitaliser sur sa victoire judiciaire: en juin, il proposera aux développeurs une plateforme pour offrir des achats externes à leurs utilisateurs sur iOS aux États-Unis et en Europe. Il ne prélèvera pas de commission sur le premier million de dollars de recettes. Il conservera 12% au-delà. Des taux bien inférieurs à ceux d’Apple.
Pour aller plus loin:
– Epic accuse Google et Samsung d’entente contre sa boutique d’applications
– Face à Epic, Google concède une défaite judiciaire historique
Crédit photos: Unsplash / James Yarema - Flickr / steamXO
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Il était temps que ce se termine ! J'ai une question, de quel jeu vedette d'epic game a été banni sur iOS ?