Mark Zuckerberg prête allégeance à Donald Trump
Et aussi: L'Europe veut sévir contre Elon Musk
Comme X, Meta allège la modération pour "restaurer" la liberté d'expression
En mars dernier, Mark Zuckerberg et Meta avaient été érigés au rang de “véritables ennemis du peuple” par Donald Trump pour justifier son opposition à l’interdiction de TikTok. Moins d’un an plus tard, le fondateur de Facebook vient de parachever une spectaculaire soumission devant le futur locataire de la Maison blanche. Mardi, il a annoncé vouloir “restaurer la liberté d’expression” sur ses plateformes, reprenant l’une des lubies de celui qu’il courtise désormais ouvertement. Mais aussi d’Elon Musk, devenu une figure centrale de la vie politique américaine notamment suite à son rachat de Twitter, depuis rebaptisé X. Pour mener ce combat, qu’il qualifie de “point de bascule culturel”, Mark Zuckerberg a notamment décidé de sacrifier sur la place publique les fact-checkers, coupables d’être “trop orientés politiquement”.
Notes de la communauté – Ce revirement intervient huit ans après la mise en place d’un programme de lutte contre la désinformation, en partenariat avec de grands médias et des organisations spécialisées – Facebook expliquait alors ne pas vouloir être “l’arbitre de la vérité”. Celui-ci avait été lancé à contrecœur, après l’élection de Donald Trump, facilitée par la propagation de fausses actualités. Ces dernières années, le sujet ne semblait plus être une priorité. En septembre, Mark Zuckerberg avait d’ailleurs parlé d’une “erreur historique”. Aux États-Unis, dans un premier temps, les fact-checkers vont ainsi être remplacés par des notes de la communauté, rédigées par des utilisateurs. Le patron de Meta assure que ce système a fait ses preuves sur X. En réalité, il reste bien limité pour contrer la désinformation.
Alignement avec X – Mark Zuckerberg ne s’arrête pas là. Reprenant l’argumentaire développé par Elon Musk, il souhaite lever les restrictions autour de l’immigration et l’identité de genre, qu’il juge désormais “déconnectées du discours dominant”. Il promet aussi de concentrer la modération automatique uniquement sur les violations “les plus sévères” – qui n’incluent pas le racisme ou l’homophobie, pour lesquels une modération humaine ne sera réalisée qu’après signalement. En d’autres termes, Meta s’aligne sur les pratiques de X, érigé désormais en exemple, après avoir pourtant tenté de positionner son nouveau service Threads en alternative saine à une plateforme alors présentée comme nocive. Mark Zuckerberg reconnaît d’ailleurs que ces décisions se traduiront par une hausse des contenus néfastes. Mais c’est, selon lui, un mal nécessaire.
Pas en Europe – Cette annonce est l’aboutissement d’une longue opération de séduction de Donald Trump. Notamment avec la promotion début janvier de Joel Kaplan, un républicain grandement contesté en interne, au poste de responsable des affaires publiques. Mark Zuckerberg espère probablement que la nouvelle administration abandonne les poursuites contre Meta pour obtenir la vente d’Instagram et de WhatsApp. Ou obtenir des décisions favorables sur l’immunité juridique des plateformes et sur le déploiement de l’IA . Contrairement à X, la société n’est pas menacée par un exode massif des annonceurs, en raison de sa taille. Ses changements ne seront pas effectifs en Europe, où le DSA oblige les réseaux sociaux à renforcer leur modération. Une “censure institutionnalisée” selon Mark Zuckerberg, qui demande l’aide de Donald Trump.
Pour aller plus loin:
– Sous Donald Trump, pas de répit pour les géants de la tech ?
– Meta soutient Elon Musk dans sa bataille juridique contre OpenAI
Pour satisfaire Bruxelles, Facebook intègre les petites annonces d'eBay
En attendant le verdict de son appel, Meta cherche des solutions pour satisfaire Bruxelles. Condamnée en novembre à une amende de 798 millions d’euros pour abus de position dominante dans le domaine des petites annonces, la maison mère de Facebook va intégrer des annonces publiées sur eBay directement sur sa plateforme Marketplace. Pour le moment, il s’agit simplement d’une phase de tests menée en Allemagne, en France mais aussi aux États-Unis – qui ne sont pourtant pas concernés par la condamnation européenne. En ouvrant sa plateforme à l’un de ses concurrents – et potentiellement à d’autres –, la société de Menlo Park tente de répondre à l’une des accusations de la Commission, qui lui reproche d’accorder un “avantage de distribution substantiel que les concurrents ne peuvent égaler” à Marketplace, en l’intégrant directement à Facebook. Et en “exposant régulièrement” les utilisateurs aux petites annonces “qu’ils le veuillent ou non”. Meta est aussi accusé d’avoir utilisé des données sur les campagnes publicitaires de ses rivaux pour avantager son service.
Pour aller plus loin:
– Bruxelles inflige une lourde amende à Meta dans le domaine des petites annonces
– Face au RGPD, Meta va proposer des publicités “moins personnalisées”
Face à Elon Musk, l'Europe promet de ne pas faire marche arrière
La pression était déjà forte sur Bruxelles. Elle l’est encore plus avant l’entretien, diffusé ce jeudi sur X, entre Elon Musk et Alice Weidel, la cheffe de file du parti d’extrême droite allemand AfD pour les élections législatives qui se tiendront fin février. Interpellés par des élus allemands, des responsables de la Commission européenne se sont engagés à poursuivre “énergiquement” l’enquête formelle lancée en décembre 2023 contre le réseau social racheté il y a deux ans par le patron de Tesla. Les conclusions seront publiées “le plus tôt possible”, ont aussi promis, dans un courrier consulté par l’agence Bloomberg, Henna Virkkunen, la nouvelle commissaire européenne à la souveraineté technologique, et Michael McGrath, son homologue à la justice. La France réclame, également, “la plus grande fermeté” à Bruxelles.
Désinformation – L’enquête de la Commission s’inscrit dans le cadre du Digital Services Act, qui impose de nouvelles obligations en matière de modération aux grandes plateformes Internet. Celle-ci semblait inéluctable après des mois de tensions entre les responsables du continent et Elon Musk. Les investigations des services européens portent sur deux points principaux. D’une part, les outils mis en place par X pour supprimer les messages illégaux, une obligation désormais. Et d’autre part, le système de note de la communauté, affichées sous les messages jugés mensongers. Celui-ci pourrait être trop limité pour être efficace, notamment en raison d’un nombre suffisant de volontaires pour certaines langues du continent. X risque une amende pouvant aller jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires. Avant une éventuelle (et plus improbable) interdiction.
Modération allégée – Depuis son rachat par Elon Musk pour 44 milliards de dollars en octobre 2022, X a fortement allégé sa politique de modération. Par choix idéologique, le milliardaire se présentant comme le défenseur de la liberté d’expression qu’il estime menacée. Mais aussi par volonté de réduire les coûts: les équipes de modération, internes et externes, ont été décimées, particulièrement en dehors des États-Unis. La société a ainsi décidé de ne plus supprimer les messages haineux, mais seulement de limiter leur portée – sans que l’on ne sache vraiment si ce système est véritablement mis en place. Elle a aussi déclaré une amnistie générale sur les comptes bannis par la précédente direction, notamment pour avoir diffusé des contenus haineux et de fausses informations. Et elle a supprimé les équipes de fact-checking.
Rôle officiel – Depuis l’ouverture de l’enquête de Bruxelles, la situation s’est encore envenimée. Elon Musk multiplie les ingérences dans la politique européenne, attaquant en particulier le chancelier allemand Olaf Scholz. Et appelant à voter pour un parti que même l’extrême droite française juge trop extrémiste. L’entretien avec Alice Weidel n’est pas contraire au DSA. Mais une potentielle promotion à outrance par l’intermédiaire de l’algorithme de recommandations pourrait l’être. Lundi, Emmanuel Macron a accusé le patron de X de soutenir une “nouvelle internationale réactionnaire”. De son coté, la Commission ne semble pas vouloir se précipiter, rappelant la nécessité de ne pas négliger la procédure. Elle sait aussi que le dossier est explosif: dans deux semaines, Elon Musk aura un rôle officiel au sein de l’administration Trump.
Pour aller plus loin:
– À Bruxelles, Henna Virkkunen reprend les rênes du DMA et du DSA
– Face à Elon Musk, la justice brésilienne bloque l’accès à X
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