Les États-Unis ordonnent à Google d'ouvrir son Play Store à des boutiques rivales
Le juge James Donato avait promis de ne faire aucun cadeau à Google, reconnu coupable l'an passé d'abus de position dominante. Lundi, il a imposé d'importants changements au moteur de recherche, mettant ainsi fin à son quasi-monopole dans la distribution d'applications mobiles sur son système Android. Une victoire pour Epic Games, l'éditeur du populaire jeu vidéo Fortnite à l'origine de l'affaire, qui espère voir émerger un modèle qui n'impose pas aux développeurs de reverser 15% ou 30% de leurs revenus. Mais cette victoire pourrait bien rester symbolique. Google va en effet faire appel de sa condamnation, tout en réclamant une suspension temporaire du verdict. Autrement dit: il est possible, si ce n'est probable, que les changements demandés ne se matérialisent pas avant plusieurs années. Voire pas du tout.
Trois ans – Au terme d’une longue procédure, la justice avait estimé que Google avait bien mis en place des pratiques anticoncurrentielles pour empêcher l’émergence de véritables rivaux à sa boutique d’applications Play Store. Et ainsi pour préserver ses commissions sur les achats et les abonnements. La victoire d’Epic était cependant inattendue, car la société avait échoué à faire condamner Apple. Elle ne réclamait pas de compensation financière, mais seulement des mesures correctives. Le juge a suivi en grande partie ses demandes, allant même plus loin que le Digital Markets Act européen. Les changements qu’il a imposés seront en vigueur pendant trois ans, le temps de permettre “l’arrivée et la croissance de concurrents au Play Store” et d’atténuer les effets de réseau dont bénéficie “injustement” le magasin de Google.
Boutiques tierces – Pendant cette période, les boutiques tierces d’applications pourront être présentes directement sur le Play Store, facilitant grandement leur installation. Et elles pourront proposer l’ensemble de son catalogue d’applications, sauf si les développeurs refusent individuellement. Google ne pourra plus signer des accords financiers avec les opérateurs mobiles et les fabricants pour qu’ils ne préinstallent pas de magasins rivaux sur leurs smartphones. Et également avec des développeurs pour qu’ils distribuent leurs applications exclusivement sur sa boutique. Enfin, les développeurs n’auront plus l’obligation d’utiliser son système de paiement, et pourront aussi définir librement leurs prix. Cependant, le juge estime que la société pourra toujours prélever une commission, sans préciser son montant.
Un appel plus favorable ? – La décision de la Cour prendra effet le 1er novembre. Google aura alors huit mois pour la mettre en application, avec la possibilité de prendre des “mesures raisonnables” pour assurer la sécurité de sa plateforme. Un comité de trois personnes sera chargé de les examiner. L’impact potentiel sur son chiffre d’affaires est difficile à déterminer. Il dépendra de l’adoption des boutiques tierces par les possesseurs des smartphones Android, déjà habitués au Play Store. Et du niveau de commission que Google sera autorisé à prélever. Dans tous les cas, le géant de Mountain View espère bien obtenir gain de cause en appel. Le contexte pourrait être plus favorable car le verdict sera rendu par des juges. En première instance, elle avait été condamnée par un jury populaire, qui ne s’était pas seulement appuyé sur une interprétation juridique.
Pour aller plus loin:
– Epic accuse Google et Samsung d’entente contre sa boutique d’applications
– Face à Apple, Epic Games va de nouveau saisir la justice américaine
Accusé de monopole "illégal", Amazon n'échappera pas à un procès aux États-Unis
Amazon devra bien affronter un procès antitrust aux États-Unis. Dans une décision rendue publique lundi, la justice a en effet rejeté une requête du géant du commerce en ligne, qui demandait l’invalidation des poursuites lancées l’an passé par la Federal Trade Commission (FTC). Le gendarme américain de la concurrence l’accuse d’abus de position dominante, citant des pratiques qui lui auraient permis de préserver ses parts de marché et d’optimiser ses profits. Le juge chargé de l’affaire a cependant écarté une partie des allégations formulées par les procureurs généraux des dix-neuf États qui se sont joints à la plainte de la FTC. Le procès doit se tenir en octobre 2026. Si la société est reconnue coupable, une deuxième procédure s’ouvrira alors pour déterminer les mesures correctives qu’elle devra mettre en place.
Prix le plus bas – La majorité des accusations de la FTC est centrée autour de la marketplace d’Amazon, sa place de marché qui met en relation des marchands tiers et des acheteurs. Et qui représente désormais 60% de ses ventes. Le régulateur assure que le groupe de Seattle a mis en place des pratiques “illégales” dans le but de “bloquer la concurrence, freiner la croissance des rivaux et consolider sa domination”. Il lui reproche en particulier d’interdire implicitement aux vendeurs d’offrir des tarifs plus bas sur leur propre site ou sur d’autres plateformes, alors même que les commissions qu’il prélève sont les plus importantes du marché. Cela se traduit par des prix “artificiellement plus élevés” sur tous les sites. Et empêche l’émergence de véritables concurrents, capables de court-circuiter Amazon sur les prix.
“Peur constante” – Officiellement, la société n’impose plus de clause tarifaire depuis 2019. Dans les faits cependant, avance la FTC, elle dispose de sanctions qui dissuadent les vendeurs tiers d’offrir des prix plus bas ailleurs. Par exemple, ces derniers peuvent être exclus de la “boîte d’achat”, le bouton jaune qui permet d’acheter directement un produit. Ou alors apparaître beaucoup plus bas dans les résultats de recherche. Selon la FTC, les dirigeants d’Amazon reconnaissent, en interne, que les marchands vivent “dans une peur constante” de sanctions qui feraient plonger leurs ventes. Le régulateur estime aussi que le groupe pousse les vendeurs à acheter de la publicité afin d’être visibles. Et à souscrire à son offre de logistique (FBA), leur permettant d’être éligibles à la livraison gratuite en deux jours.
Algorithme secret – La FTC met aussi en avant un projet secret, connu en interne sous le nom de Nessie. Il s’agissait d’un algorithme informatique lui permettant d’optimiser ses prix à la hausse. Concrètement, celui-ci devait apprendre à connaître puis à influencer les mécanismes de fixation des prix des concurrents. Cela lui permettait de prédire si ces derniers allaient suivre des augmentations de tarifs sur certains produits. Et ainsi de ne réaliser que celles qui présentaient le moins de risque d’une perte de compétitivité. Pour la FTC, cet algorithme aurait fait perdre plus d’un milliard de dollars aux consommateurs américains. S’il n’est qu’un élément parmi d’autres, le projet Nessie pourrait jouer un rôle central pour démontrer le préjudice subi par le public, un élément primordial dans les lois antitrust américaines.
Pour aller plus loin:
– Comment un algorithme secret a rapporté un milliard de dollars à Amazon
– Comment Amazon va éviter une lourde amende en Europe
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