La gomme d'Apple pour "effacer" les publicités inquiète les médias
“Ce n’est pas une gomme magique, mais une gomme tragique”, soupire Nicolas Rieul, le directeur d’Alliance Digitale. Dans son viseur: une nouvelle fonctionnalité qui permettra “d’effacer” des parties d’un site Web sur Safari, le navigateur d’Apple qui occupe une position hégémonique sur les iPhone. Et donc potentiellement de supprimer les espaces publicitaires. La semaine dernière, l’organisation regroupant les professionnels français de la publicité a envoyé une lettre à Tim Cook, le patron du groupe à la pomme. Un courrier cosigné par les principaux représentants des médias, qui s’inquiètent de voir disparaître une partie importante de leur chiffre d’affaires. En France, Safari représente en effet plus de 25% du trafic Internet mobile, selon les estimations du cabinet Statcounter.
Publicité intrusive – Selon les informations du site spécialisé Apple Insider, la gomme de Safari sera intégrée à la prochaine version d’iOS, le système d’exploitation équipant les iPhone. Elle doit ainsi être dévoilée la semaine prochaine dans le cadre de la WWDC, la conférence de la société dédiée aux développeurs. Nul doute qu’elle sera présentée comme un nouvel outil pour lutter contre la publicité intrusive, qui peut nuire à la navigation, en particulier sur un smartphone. “C’était un vrai sujet il y a quelques années, mais ce ne l’est plus pour la grande majorité des médias”, répond Nicolas Rieul. Concrètement, les utilisateurs auront la possibilité de masquer certains éléments, comme des bannières publicitaires ou des images. Leurs préférences seront alors mémorisées et s’appliqueront lors de leurs visites suivantes.
Premiere étape ? – Pour les médias, cette fonctionnalité reviendrait à installer un bloqueur de publicités sur l’ensemble des iPhone. Or, ces logiciels, déjà populaires sur les ordinateurs, restent encore peu développés sur les smartphones, où est réalisée une part croissante du trafic Internet. En outre, il pourrait être difficile pour les éditeurs de mettre en place des systèmes permettant de contourner la gomme de Safari, comme ils le font aujourd’hui en empêchant la consultation de leur site Internet lorsqu’un ad block est activé. Autre inquiétude: cette nouvelle fonctionnalité ne pourrait être qu’une première étape, avant d’être élargie aux applications mobiles. Les médias n’ont pas oublié l’intransigeance d’Apple, qui a modifié les règles sur le pistage publicitaire sur iOS, malgré l’impact sur leurs recettes.
Google aussi concerné ? – Face à Apple, Alliance Digitale n’exclut pas de saisir l’Autorité de la concurrence. L’association souligne que le groupe de Cupertino est aussi un acteur de la publicité sur le système iOS. Et qu’il pourrait donc bénéficier de cette nouvelle fonctionnalité, en poussant les annonceurs à acheter davantage de publicités sur l’App Store, sa boutique d’applications. À ce titre, il sera intéressant d’observer si la gomme permettra également d’effacer les liens sponsorisés sur Google, qui a versé 20 milliards de dollars en 2022 pour être le moteur par défaut de Safari. Pour Apple, l’obstacle le plus important pourrait cependant être au Royaume-Uni, où le gendarme antitrust bloque depuis des années la fin des cookies tiers sur Chrome, redoutant notamment que cette évolution ne favorise Google.
Pour aller plus loin:
– Bruxelles inflige une lourde amende à Apple
– Google repousse (encore) la fin des cookies tiers
Nvidia et AMD accélèrent les cadences pour gagner la bataille de l'IA
L’épisode en dit long sur la nouvelle rivalité entre Nvidia et AMD. Dimanche soir, Jensen Huang, le patron du premier, a pris de vitesse Lisa Su, la directrice générale du second, qui devait s’exprimer quelques heures plus tard en ouverture du grand salon informatique Computex, qui se tient cette semaine à Taïwan. Il a profité de l’occasion pour annoncer la future génération de cartes graphiques (GPU) dédiées à l’intelligence artificielle générative, alors même que la prochaine génération, présentée en mars, n’est même pas encore commercialisée. Et aussi pour promettre de doubler la cadence d’innovation, en sortant un nouveau modèle par an, au lieu de tous les deux ans. De quoi voler la vedette à sa concurrente, qui tente de percer sur ce gigantesque marché, pour l’instant largement dominé par le groupe de Santa Clara.
Forte demande – Pionnier de l’informatique accélérée, qui consiste à coupler un processeur (CPU) avec un GPU, Nvidia est en effet au cœur de l’essor de l’IA générative, alors que l’entraînement des modèles nécessite une gigantesque puissance de calcul. Depuis un an et demi, et les spectaculaires débuts de ChatGPT, l’intérêt pour ses puces dépasse largement ses capacités de production. Entre février et avril, son activité data center a ainsi généré un chiffre d’affaires de 22,6 milliards de dollars, soit six fois plus qu’il y a deux ans. Ses profits ont grimpé en flèche: 15,2 milliards, contre seulement 1,6 milliard début 2023. Fort du déséquilibre entre l’offre et la demande, Nvidia souhaite désormais favoriser la vente de serveurs complets, beaucoup plus onéreux. Et tente aussi de prendre pied sur le marché du cloud.
Besoins exponentiels – Dimanche, Jensen Huang a dévoilé la feuille de route de la société pour les trois prochaines années, avec le lancement en 2026 d’une nouvelle architecture de puces, baptisée Rubin en hommage à l’astronome américaine qui a prouvé l’existence de la matière noire. Avant cela, l’architecture Blackwell, qui va succéder en fin d’année à l’architecture Hopper, sur laquelle est bâti le GPU H100, la référence actuelle du secteur, aura le droit à une déclinaison “ultra”. La version “ultra” de Rubin sera, elle, commercialisée en 2027. Ce rythme effréné s’explique par les besoins croissants de puissance de calcul, à mesure que la taille des modèles augmente. “La quantité de données à traiter croît de manière exponentielle”, assure Jensen Huang, qui promet aussi des gains de temps et des économies d’énergie.
AMD toujours loin – Nvidia doit également préserver son avance technologique. Car sa réussite attire les convoitises. À sa poursuite, AMD est l’acteur le plus avancé. Fin 2023, le groupe, surtout spécialisé dans les CPU, a lancé son premier accélérateur dédié à l’IA. Il a même décroché un premier client d’envergure, avec Microsoft Azure. Mais AMD reste encore très loin de son concurrent: ses dirigeants espèrent en effet réaliser pour 4 milliards de dollars de vente sur l’ensemble de l’année. Lundi, Lisa Su a, elle aussi, promis de lancer un nouveau GPU par an. La prochaine génération sera commercialisée au quatrième trimestre. Elle affichera des performances supérieures au H200 de Nvidia, la puce actuelle la plus puissante de Nvidia. Mais elle sera nettement dépassée par le prochain B200, qui sera disponible d’ici là.
Pour aller plus loin:
– L’IA générative propulse Nvidia vers de nouveaux sommets
– Sam Altman cherche des milliards de dollars pour concurrencer Nvidia
Spotify augmente à nouveau ses prix
Spotify n’avait pas caché son intention d’augmenter à nouveau ses prix. C’est désormais chose faite aux États-Unis, où l’abonnement standard passe de 11 à 12 dollars par mois. L’offre famille augmente, elle, de trois dollars par mois. Des hausses similaires sont à prévoir prochainement sur les autres marchés. L’an passé, le spécialiste suédois du streaming musical avait mis fin à sa tarification historique de dix dollars ou euros par mois, suivant la voie ouverte par ses concurrents, en particulier le français Deezer. Un effet d’aubaine pour Spotify qui a pu accroître ses recettes sans aucun effet négatif sur sa base d’abonnés. Fin mars, la société comptait 239 millions d’utilisateurs payants, en hausse de 14% sur un an. Combinées à plusieurs plans sociaux, dont le dernier en décembre, et à une baisse de ses dépenses, notamment marketing, ces hausses de prix ont permis à la société de redevenir rentable. Au premier trimestre, elle a même affiché un bénéfice opérationnel record de 168 millions d’euros.
Pour aller plus loin:
– Dans le streaming musical, la hausse des prix ne fait que commencer
– Spotify modifie son modèle de rémunération des artistes
Crédit photos: Apple - Nvidia