Perplexity AI, la start-up qui veut "ringardiser Google"
Quand on est adoubé par Jeff Bezos et Jensen Huang, les fondateurs respectifs d’Amazon et de Nvidia, on peut avoir de l’ambition. Aravind Srinivas n’en manque pas. Le patron de Perplexity AI affiche sans détour sa volonté de rendre Google “ringard”. Mardi, la start-up américaine a officialisé sa deuxième levée de fonds de l’année, d’un montant de 63 millions de dollars. En janvier, elle avait déjà recueilli 74 millions. Entre ces deux opérations, sa valorisation a doublé, pour atteindre la barre symbolique du milliard. Et l’entrepreneur compte profiter de l’engouement que suscite ces derniers mois sa solution de recherche en ligne dopée à l’intelligence artificielle générative. Selon Techcrunch, il négocie déjà un prochain tour de table d’au moins 250 millions, sur la base d’une valorisation potentielle de 3 milliards.
Réponse structurée – Fondé en 2022, Perplexity a conçu un robot conversationnel, aux premiers abords très similaire à ChatGPT. Mais son outil se distingue par son fonctionnement: il ne se base pas sur un corpus de textes qui a servi à son entraînement, mais il va chercher la réponse en surfant sur des dizaines de pages Web. Cette technique doit, en théorie, permettre de réduire le nombre d’hallucinations des grands modèles de langage. Le service affiche ensuite un texte structuré, citant plusieurs sources, plutôt qu’une longue liste de liens ou de petits extraits de site Internet, comme le propose Google. Puis, il suggère d’autres questions pour approfondir le sujet. “Le futur”, assure Aravind Srinivas. La start-up revendique désormais dix millions d’utilisateurs actifs par mois, dont Jensen Huang qui s’en sert “presque tous les jours”.
Google riposte – Au-delà de ces premiers succès, Perplexity va devoir lutter contre des habitudes bien ancrées. Malgré l’ajout de réponses fournies par ChatGPT dans son moteur de recherche Bing, Microsoft n’a quasiment pas gagné de terrain face à Google. Cela sera d’autant plus difficile que les moteurs traditionnels restent bien mieux adaptés pour une grande partie des requêtes, par exemple pour se rendre sur un site Internet, pour consulter la météo ou pour trouver un restaurant. Google dispose aussi d’un éventail de services annexes qui le rende encore plus utile pour les internautes. Surtout, le géant de Mountain View ne reste pas les bras croisés. Depuis l’an dernier, il teste plusieurs intégrations de l’IA générative au sein même de son moteur, notamment une réponse générée par son modèle Gemini au-dessus des liens.
Modèle économique – Aravind Srinivas estime cependant avoir un avantage: l’absence d’une activité historique à préserver, les liens sponsorisés, qui explique en partie pourquoi Google prend son temps avant de déployer l’IA à grande échelle. Mais Perplexity va devoir affiner son modèle économique, alors que les coûts de fonctionnement de l’IA sont très élevés. La start-up propose déjà un abonnement, commercialisé à 20 dollars par mois, qui permet de réaliser davantage de recherches avancées et de choisir différents modèles de langage. Elle revendique un revenu annuel récurrent de 20 millions de dollars, ce qui implique moins de 100.000 abonnés. Mardi, elle a annoncé le lancement d’une offre payante pour les entreprises, vendue à 40 dollars par mois. Et elle réfléchit aussi à ajouter des publicités à sa version gratuite.
Pour aller plus loin:
– L’IA générative pourrait pousser Google à changer de modèle économique
– Avec l’aide de Microsoft, OpenAI veut concurrencer Google
Les États-Unis multiplient les subventions pour relancer la production de puces
Près de 30 milliards de dollars de subventions publiques accordées en seulement un mois et demi. Après des débuts timides, le Chips Act américain passe à la vitesse supérieure. Depuis début mars, quatre géants des semi-conducteurs ont ainsi profité de cette législation votée à l’été 2022 pour relancer la production aux États-Unis. Objectif affiché par Washington: produire 20% des puces de pointe d’ici à 2030. Celles-ci sont aujourd’hui fabriquées quasiment intégralement dans les usines asiatiques du fondeur taïwanais TSMC et de son rival sud-coréen Samsung. “Vous ne pouvez pas mener la course dans l’intelligence artificielle si vous ne menez pas aussi celle dans la fabrication de puces de pointe”, souligne Gina Raimondo, la secrétaire américaine au Commerce, qui n’exclut pas de lancer un deuxième plan.
12% de la production – Le Chips Act est doté d’une enveloppe de 39 milliards de dollars pour subventionner la construction d’usines. Une somme similaire à celle mobilisée par l’Union européenne. Mais trois fois inférieure aux aides publiques accordées par la Chine. Les États-Unis promettent aussi d’investir 13 milliards dans la recherche. Ils espèrent ainsi inverser le déclin de la production nationale. En 2022, seulement 12% des semi-conducteurs ont été fabriqués outre-Atlantique, contre 37% en 1990. La proportion est encore plus faible pour les composants les plus avancés. Comme les Européens, le pays a été supplanté par la montée en puissance des groupes asiatiques, en particulier de TSMC qui a popularisé le modèle fabless (sous-traitance). Et qui produit aujourd’hui les puces de Nvidia, Qualcomm ou encore Apple.
Subventions indispensables ? – Jusqu’à présent, le gouvernement américain n’avait accordé que de petites subventions dans le cadre du Chips Act. “Les négociations sont difficiles”, reconnaissait en février Gina Raimondo. Depuis, les officialisations se multiplient. TSMC va recevoir 6,6 milliards de dollars. Intel va récupérer 8,5 milliards. Samsung va bénéficier d’une subvention de 6,4 milliards. Et Micron de 6,1 milliards. Ces montants mirobolants sont indispensables, selon ces grandes multinationales, qui se savent en position de force compte tenu de la compétition entre les différents pays. Non seulement en raison des gigantesques investissements nécessaires – TSMC prévoit, par exemple, de dépenser 65 milliards pour bâtir trois usines aux États-Unis. Mais aussi pour combler l’écart de coûts avec les pays asiatiques.
Retards – En 2022, TSMC estimait que les coûts de production étaient 50% plus élevés aux États-Unis qu’à Taïwan. Cet écart s’explique par des salaires plus importants, mais aussi par les coûts de construction et par des réglementations environnementales plus contraignantes. La semaine dernière, le fondeur a prévenu qu’il récupercuterait cette différence sur ses prix. Selon le quotidien taïwanais Digitimes, il prévoit ainsi de vendre ses puces américaines 20 à 30% plus cher que celles fabriquées dans son pays. Les ambitions des États-Unis se heurtent aussi à une autre réalité: la pénurie de travailleurs qualifiés sur ces chantiers très complexes. Dans l’Arizona, TSMC a ainsi dû repousser l’ouverture de ses usines. Des délais qui touchent aussi ses futurs fournisseurs, qui attendent toujours de se voir accorder des subventions publiques.
Pour aller plus loin:
– Face à la pénurie de puces, TSMC lance un plan d’investissement record
– L’Europe va investir 43 milliards d’euros dans les puces
Crédit photos: Perplexity AI - TSMC