Dans le métaverse, Facebook dévoile (enfin) des progrès spectaculaires
Fini les moqueries. La semaine dernière, dans le cadre d’une interview accordée au podcasteur Lex Fridman, Mark Zuckerberg s’est livré à une démonstration bluffante: une discussion menée à distance par l’intermédiaire de deux avatars photoréalistes, capables de retranscrire de manière authentique les mouvements et les expressions du visage. Si cette technologie n’est pas nouvelle – elle est en développement depuis au moins quatre ans –, elle n’avait encore jamais été montrée de manière aussi impressionnante. Elle contraste aussi avec les précédentes illustrations du métaverse. Et inverse de manière spectaculaire la perception de l’obsession du fondateur et patron de Meta, la maison mère de Facebook, pour ce monde virtuel qu’il considère comme la prochaine plateforme sociale dominante.
Investissements considérables – Pour ne pas rater ce virage technologique, le réseau social, officiellement rebaptisé Meta il y a deux ans pour refléter ses nouvelles aspirations, investit des sommes considérables. L’an passé, sa division Reality Labs a ainsi perdu 13,7 milliards de dollars. Depuis sa création en 2019, elle a englouti 35 milliards. Ces investissements reflètent les ambitions de Mark Zuckerberg, qui ne souhaite pas seulement développer la partie logicielle du métaverse, comme son espace virtuel Horizon Worlds. Il veut également concevoir le matériel qui sera utilisé pour y accéder, comme les casques de réalité mixte. Pour le milliardaire, il est en effet important de ne plus être dépendant d’une autre entreprise, alors que Meta dépend aujourd’hui des règles d’Apple et de Google pour les smartphones.
Avatars grotesques – Malgré tout cet argent dépensé, les progrès réalisés n’ont pas été aussi rapides qu’espéré. Sur la partie hardware, ses casques, anciennement Oculus, restent à la pointe du marché. Mais la société de Menlo Park n’a pas encore réussi à concevoir un produit grand public assez avancé technologiquement. La situation est encore plus critique dans la partie logicielle. Jusqu’à la semaine dernière, l’illustration du métaverse rêvé par Mark Zuckerberg reposait sur les avatars au look cartoon un peu grotesque d'Horizon Worlds. Et surtout absolument pas immersifs alors que Meta cherche à créer un nouveau type d’interaction humaine. Il y a un an, les doutes sur sa vision se propageaient ainsi à Wall Street. Et aussi chez les salariés du groupe, éprouvés par plusieurs plans sociaux.
Encore du travail – La démonstration de la semaine dernière pourrait représenter un tournant majeur pour l’intérêt du grand public. Et une source d’espoir pour les actionnaires, inquiets de l’absence de véritables perspectives. “C’est la chose la plus incroyable que je n’ai jamais vue”, s’enthousiasme Lex Fridman. Le projet, baptisé Codec Avatars, demeure en phase de recherche. Il nécessite un long travail en amont dans un studio de pointe pour photographier les visages sous tous les angles et toutes les émotions. Puis, pour créer un jumeau numérique reproduisant en temps réel les éléments transmis par les capteurs d’un casque de réalité mixte. Mark Zuckerberg espère un jour obtenir ce résultat en scannant un visage avec un smartphone. Une prouesse qui nécessitera encore de lourds investissements.
Pour aller plus loin:
– Apple se lance dans la réalité augmentée, un marché aux multiples échecs
– Pourquoi Facebook parie autant sur le métaverse
Microsoft fataliste face la domination de Google dans la recherche en ligne
En février, Satya Nadella se montrait particulièrement optimiste pour l’avenir de Bing, le moteur de recherche de Microsoft qui s’enrichissait alors de réponses fournies par le robot conversationnel ChatGPT. À peine huit mois plus tard, le directeur général du géant de Redmond semble avoir succombé au fatalisme. Selon lui, l’émergence de l’intelligence artificielle générative pourrait au contraire renforcer la position archi-dominante de Google, a-t-il expliqué lundi à la barre du tribunal de Washington, dans le cadre du procès historique contre le leader de la recherche en ligne, accusé d’abus de position dominante. Une déclaration qu’il faut certes prendre avec des pincettes – le responsable peut chercher à dramatiser la situation pour faire condamner son rival – mais qui reflète bien la réalité du marché.
3% du marché – Lancé en 2009, Bing est le deuxième moteur mondial. Mais très loin derrière Google, malgré un investissement estimé par Satya Nadella à 100 milliards de dollars. Selon les estimations de StatCounter, seulement 3% des recherches en ligne ont été réalisées sur Bing en septembre, autant qu’en début d’année avant l’intégration de ChatGPT. La part de marché de Google, à qui certains prédisaient déjà un inexorable déclin, est aussi restée stable, à près de 92%. Pour expliquer ces contre-performances, le patron de Microsoft met en avant les accords commerciaux qui permettent à Google d’occuper la position de moteur par défaut sur Safari, le navigateur Internet d’Apple. Une place qu’il a bien tenté de ravir, allant même jusqu’à proposer Bing en marque blanche au groupe à la pomme. En vain.
Inertie - Face à Google, Microsoft a choisi de prendre très rapidement le virage de l'IA générative, capitalisant sur sa relation privilégiée avec OpenAI, le concepteur de ChatGPT, pour tenter de prendre son concurrent de vitesse. Depuis février, le "New Bing" propose ainsi deux types de résultats. À gauche, les traditionnels liens ou petits extraits d'un site Internet. À droite, des réponses plus complexes et détaillées fournies par l'IA. La société comptait sur ChatGPT pour donner un coup de fouet à la part de marché et aux recettes publicitaires de son moteur. Elle promettait également d'intégrer des liens sponsorisés aux résultats fournis par le chatbot. Mais Google bénéficie d'une certaine inertie des internautes, dont les habitudes changent peu ou alors très lentement, une fois passé l'effet de curiosité.
Cercle vicieux ? – Lundi, Satya Nadella a reconnu que ses grands effets d’annonce du début d’année étaient prématurés. “C’était l’enthousiasme de quelqu’un qui détient environ 3% des parts de marché et qui se dit qu’il peut monter à 3,5%”, a-t-il concédé. Pis encore, le dirigeant de Microsoft entrevoit une aggravation de la situation concurrentielle, alors que Bing se trouve déjà dans un cercle vicieux. Un cercle “qui pourrait encore devenir plus vicieux” avec l’IA générative. Satya Nadella anticipe des accords d’exclusivité entre Google, et ses gigantesques recettes publicitaires, et des éditeurs de site web, permettant au premier d’être le seul à pouvoir accéder aux contenus des seconds pour pouvoir alimenter les prochains grands modèles de langage qui propulseront son moteur de recherche.
Pour aller plus loin:
– Aux États-Unis, Google affronte un procès historique
– Apple et Mozilla ont beaucoup à perdre dans le procès contre Google
Crédit photos: Capture d'écran / Lex Fridman - Microsoft