TikTok bientôt interdit aux États-Unis ?
Et aussi: L'AI Act adopté - Stripe "pas pressé" d'entrer en Bourse
Aux États-Unis, une interdiction de TikTok franchit une étape... mais reste incertaine
Jamais les parlementaires américains n’étaient allés aussi loin pour forcer une vente de TikTok. Mercredi, la Chambre des représentants a adopté, à une très large majorité, un texte laissant 165 jours au groupe chinois ByteDance pour se séparer de la très populaire plateforme de courtes vidéos. Faute de quoi, celle-ci sera bannie des boutiques d’applications mobiles aux États-Unis, empêchant ainsi ses 170 millions d’utilisateurs américains de l’installer sur un nouvel appareil ou de la mettre à jour. Jusqu’à présent, les précédentes tentatives parlementaires n’avaient jamais dépassé le stade de simple projet de loi. Cependant, le chemin reste encore long avant une potentielle entrée en vigueur de ce texte. Celui-ci va d’abord devoir être adopté par le Sénat. Et il devra ensuite résister à une féroce bataille judiciaire.
Campagne d’influence – La nouvelle offensive de Washington a pris de court les dirigeants de TikTok, qui pensaient avoir vu la menace s’écarter l’an passé. Et qui considéraient l’ouverture d’un compte par les équipes de campagne de Joe Biden comme un signal positif. En coulisses, cependant, les responsables démocrates et républicains n’ont cessé de discuter avec la Maison blanche. Selon le Wall Street Journal, le conflit israélo-palestinien a servi de catalyseur en démontrant le pouvoir de l’application sur l’opinion publique. Et renforçant ainsi les craintes de potentielles campagnes d’influence de Pékin, susceptible de manipuler l’algorithme de recommandations de TikTok. Mardi, la directrice du renseignement a expliqué qu’elle ne pouvait pas écarter un tel scénario pendant les prochaines élections américaines de novembre.
Plus difficile au Sénat – TikTok pensait aussi être protégé par sa popularité aux États-Unis, estimant que des élus ne prendraient pas le risque de se mettre à dos des électeurs à quelques mois du scrutin. Mais c’est l’inverse qui s’est produit: les parlementaires veulent adopter une ligne dure envers la Chine, à l’image de l’administration Biden qui a élargi à l’automne les restrictions d’exportation de puces dédiées à l’intelligence artificielle. La partie s’annonce cependant plus compliquée au Sénat, où plusieurs projets de loi visant l’application ont échoué ces dernières années. Le chef de la majorité démocrate n’a pas souhaité s’engager sur un examen du texte. Plusieurs sénateurs ont prévenu que le processus législatif ne serait pas précipité, comme cela a été le cas à la Chambre. Et d’autres ont déjà exprimé leur opposition.
Premier amendement – Si le projet de loi est voté par le Sénat, il devra affronter un autre obstacle majeur: la justice, qui sera sans aucun doute saisie par TikTok et des associations de défense des libertés. En 2020, des juges avaient déjà bloqué les efforts de l’administration Trump pour forcer une vente à Oracle et Walmart, estimant que la menace de bannissement était contraire au premier amendement de la Constitution américaine, qui garantit la liberté d’expression. Pour tenter d’éviter un scénario identique, le projet de loi ne propose pas d’interdire TikTok aux États-Unis en l’absence d’une vente. Mais simplement de restreindre sa distribution. Plusieurs juristes estiment cependant que le gouvernement devra quand même prouver qu’il existe un risque majeur sur la sécurité nationale. Ce qui n’a pas encore fait…
Pour aller plus loin:
– TikTok, une arme d’influence pour Pékin ?
– Comment un milliardaire américain a sauvé TikTok
Le Parlement européen adopte le projet de régulation de l'IA générative
L’étape la plus difficile avait été franchie en février. Le vote au Parlement européen n’aura donc été qu’une formalité. Mercredi, les eurodéputés se sont très majoritairement prononcés en faveur de l’AI Act, le projet européen de réglementation de l’intelligence artificielle, en particulier des modèles d’IA générative. Le texte, dont la majorité des mesures entreront en vigueur en 2026, sera formellement approuvé en avril par les gouvernements des Vingt-Sept. L’épilogue d’un long processus. Et de fortes divisions entre les responsables européens. En début d’année, après le lobbying intense de la start-up Mistral AI, la France avait en effet tenté de former une minorité de blocage. Mais ses efforts avaient échoué, l’Allemagne et l’Italie décidant finalement de voter en faveur du texte.
Longues négociations – La volonté de réguler l’intelligence artificielle en Europe date de 2021. Une autre… époque. Les inquiétudes portaient alors sur les dispositifs d’identification biométrique ou encore les systèmes de police prédictive. Mais le lancement de ChatGPT fin 2022 puis les progrès spectaculaires des IA génératives ont contraint les responsables européens à revoir leur copie. Après des mois de négociations, la version définitive du texte ajoute de nouvelles dispositions. Elle introduit d’abord des obligations de transparence sur le processus d’entraînement des grands modèles de langage ou des modèles de diffusion, avec l’obligation de publier un résumé “suffisamment détaillé” des données utilisées. Cela pourrait permettre aux détenteurs de droits de réclamer une rémunération si leurs œuvres ont été utilisées.
“Risques systémiques” – L’AI Act réaffirme par ailleurs que les sociétés du secteur doivent respecter le droit d’auteur européen. Et, avec lui, la possibilité pour les auteurs, les artistes ou les médias de refuser que leurs contenus participent à l’entraînement des modèles. Le projet impose aussi la mise en place d’un dispositif d’identification des contenus générés par l’IA, permettant de distinguer les fausses photos ou vidéos. Les réglementations les plus strictes ne s’appliqueront qu’aux modèles présentant des “risques systémiques” – déterminés par la puissance de calcul qui a été nécessaire pour les entraîner. Ceux-ci auront, par exemple, l’obligation de mener des études d’impact sur les risques et sur les mécanismes mis en place pour les limiter. Un bureau européen de l’IA sera chargé de faire appliquer ces règles.
Handicap pour l’Europe ? – Les détracteurs de l’AI Act reproche à l’Europe de vouloir réglementer trop tôt le secteur. Et surtout d’être la seule à le faire. Ils redoutent ainsi que le texte ne handicape les sociétés européennes, en particulier face à leurs rivales américaines. Poussé notamment par Cédric O, l’ancien secrétaire d’Etat au numérique, devenu lobbyiste Mistral AI, la France militait ainsi pour une approche différente, qui ne vise pas les modèles mais les services d’IA qui les utilisent. Sur ce point, elle n’aura obtenu qu’une petite victoire: le texte ne concerne plus les modèles fondamentaux mais les modèles “à usage général”, une dénomination plus restrictive. Paris s’opposait aussi à une transparence totale des données d’entraînement. Mais a simplement obtenu que soit mentionné le “respect du secret des affaires”.
Pour aller plus loin:
– Comment Cédric O tente de faire échouer le projet de régulation de l’IA générative
– Le double discours d’OpenAI sur la régulation de l’IA
Stripe n'est "pas pressé" de s'introduire en Bourse
L’an passé, John Collison s’était donné un an pour décider ou non de mener une introduction en Bourse. Le patron de Stripe explique désormais qu’il n’est “pas pressé” de rejoindre Wall Street, dans un entretien accordé au Financial Times. Il faut dire que l’entrepreneur irlandais n’a jamais montré un grand intérêt pour une cotation boursière. Et certains observateurs prédisent qu’il ne franchira jamais le pas, alors qu’un accord a été conclu en février pour permettre aux employés de revendre une partie de leurs actions. En attendant une éventuelle IPO, le spécialiste du paiement en ligne continue de croître à un rythme élevé. En 2023, plus de 1.000 milliards de dollars de transactions ont été réalisés sur sa plateforme, soit une progression de 25%. Ce rythme est similaire à celui de son rival néerlandais Adyen, mais deux fois supérieur à celui de PayPal, le leader historique du marché. Stripe assure également avoir dégagé des flux de trésorerie positifs, une première.
Pour aller plus loin:
– Stripe lève 6,5 milliards de dollars mais divise sa valorisation par deux
– Pour ses 25 ans, PayPal rêve d’une seconde jeunesse
Crédit photos: Unsplash / Solen Feyissa – Unsplash / Rolf van Root