Sur Facebook, l'info perd sa place
Et aussi: TikTok sauvé par Trump ? - Apple cède devant Epic - Sam Altman parachève sa reprise en main d'OpenAI
Pourquoi Facebook prend ses distances avec l'information
Le changement peut paraître anecdotique. Mais il parachève un revirement stratégique majeur pour Facebook. Fin février, le réseau social aux quatre milliards d’utilisateurs a annoncé la disparition de son onglet “actualités” aux États-Unis et en Australie. Cet espace dédié, qui permettait d’obtenir un fil composé uniquement d’articles de presse, avait déjà été retiré l’an passé en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Pour justifier cette décision, sa maison mère Meta explique que le nombre d’utilisateurs de cet onglet, relégué très bas dans la barre de gauche, a chuté de 80% l’an passé. Et elle souligne que “les actualités représentent moins de 3% de ce que les gens voient dans leur fil”, oubliant cependant de rappeler que ce petit pourcentage s’explique principalement par les changements apportés à ses algorithmes.
Rémunération des médias – L’onglet “actualités” a été officiellement lancé à l’été 2020 aux États-Unis pour tenter de tourner la page de l’historique difficile entre le réseau social et l’information. Facebook promettait alors d’offrir à ses utilisateurs des “actualités de qualité avec une grande diversité de sources”, sélectionnées par une équipe de journalistes – une filiale de l’AFP, par exemple, en France. Pour alimenter son service, la société avait noué des accords avec des centaines d’éditeurs de presse, leur faisant miroiter une meilleure visibilité et donc du trafic additionnel sur leur site Internet. Mais pas seulement: ces médias étaient aussi rémunérés. Aux États-Unis, Meta aurait ainsi versé plus de 100 millions de dollars en trois ans. Ces accords commerciaux ont déjà pris fin ou ne seront pas renouvelés.
“Amis et famille” – Cette annonce constitue une nouvelle étape dans un long processus, qui trouve ses racines dans l’élection américaine de 2016. Facebook avait alors été accusé d’avoir favorisé l’élection de Donald Trump, en permettant la diffusion de fausses informations. Critiqué, le réseau social avait choisi de prendre ses distances avec l’actualité, modifiant son algorithme pour privilégier les messages publiés par “les amis et la famille”. De quoi provoquer une importante chute du trafic généré vers les sites de presse. Celle-ci n’a cessé de s’accélérer depuis, alors que Facebook met de plus en plus en avant les vidéos et de nouveaux formats (Stories et Reels). Comme un symbole, l’ancienne journaliste Campbell Brown, recrutée en 2017 pour gérer les relations avec les médias, a quitté son poste en octobre.
Plus à perdre – Ces dernières années, ces relations se sont surtout résumées aux chèques signés par Facebook, en partie pour s’acheter une bonne image auprès de l’opinion publique. Engagée dans une rationalisation de ses dépenses, la société ne souhaite plus payer. D’autant plus qu’elle a davantage à perdre qu’à gagner avec l’information, tantôt accusée de ne pas lutter contre la désinformation, tantôt de censurer certaines opinions. Les actualités peuvent aussi être clivantes ou anxiogènes, créant un rejet de certains utilisateurs. Et aussi un climat moins favorable pour les annonceurs. Enfin, Facebook fait aussi face à de nouvelles réglementations, qu’il a cherché à contester, sur les “droits voisins” (rémunération des éditeurs de presse pour compenser le partage d’articles) en Europe, en Australie et au Canada.
Pour aller plus loin:
– Meta lance Threads, son rival de Twitter, en Europe
– Le DSA européen affronte son premier test d’envergure
Menacé d'interdiction, TikTok pourrait être sauvé par... Donald Trump
La menace se précise pour TikTok aux États-Unis. La semaine dernière, une commission de la Chambre des représentants a adopté à l’unanimité un projet de loi visant à forcer la vente de la plateforme de vidéos, détenue par le groupe chinois ByteDance. Faute de quoi, celle-ci ne pourra plus être présente sur les boutiques d’applications mobiles. Les responsables républicains promettent un vote définitif dès cette semaine. Mais son issue reste incertaine. D’une part, parce que TikTok a demandé à ses 170 millions d’utilisateurs de faire pression sur leurs élus, à quelques mois des élections. Ensuite, parce que Donald Trump s’est prononcé contre ce texte. L’ancien président, qui avait tenté de bannir TikTok en 2020, estime que cela renforcerait Meta, qu’il considère comme le “véritable ennemi”. De son côté, la Maison blanche a apporté son soutien. Même en cas d’adoption par le Congrès, le texte sera très probablement attaqué devant la justice, qui avait bloqué la précédente tentative.
Pour aller plus loin:
– TikTok, une arme d’influence pour Pékin ?
– Comment un milliardaire américain a sauvé TikTok
Apple restaure le compte développeur d'Epic
Il n’aura fallu que deux jours à Apple pour faire marche arrière. Vendredi, le groupe à la pomme a restauré le compte développeur d’Epic Games. Cette volte-face va permettre à l’éditeur de lancer sa propre boutique d’applications sur le système iOS, en vertu du Digital Markets Act. Cela signifie que les utilisateurs européens d’iPhone et d’iPad pourront bientôt réinstaller Fortnite, banni par Apple en 2020. La volte-face du géant américain a été précipitée par la Commission européenne, qui a immédiatement demandé des explications sur la suspension du compte développeur d’Epic, pouvant être considérée comme la volonté d’empêcher l’arrivée d’un magasin rival. Après avoir testé le terrain, Apple a donc préféré renoncer pour ne pas donner d’arguments supplémentaires à ceux qui demandent à Bruxelles de sévir, estimant que les mesures qu’il a annoncées en janvier pour se conformer au DMA étaient en réalité un moyen… d’y échapper.
Pour aller plus loin:
– Commissions et restrictions: comment Apple veut contrecarrer le DMA
– Face à Epic, Google concède une défaite judiciaire retentissante
Sam Altman parachève sa reprise en main d'OpenAI
Quatre mois après, Sam Altman réintègre le conseil d’administration d’OpenAI. La semaine dernière, la start-up vedette de l’intelligence artificielle générative a livré les conclusions d’une enquête indépendante, lancée suite au spectaculaire limogeage puis au retour de son fondateur et patron. Celle-ci conclut que rien ne justifiait son éviction. Et qu’il est le “bon dirigeant pour OpenAI”. Blanchi, Sam Altman récupère ainsi son poste d’administrateur, qu’il avait accepté d’abandonner temporairement. De quoi parachever sa reprise en main, après avoir écarté ceux qui, comme Ilya Sutskever, le directeur scientifique, souhaitaient ralentir le déploiement commercial de l’IA afin de limiter les risques. Trois nouveaux membres rejoignent aussi le nouveau conseil d’administration, dont la française Fidji Simo, ancienne responsable de Facebook, qui dirige désormais le spécialiste de la livraison de courses Instacart.
Pour aller plus loin:
– OpenAI abandonne le développement de son dernier modèle de langage
– Bruxelles se penche aussi sur le partenariat entre Microsoft et OpenAI
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